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La société chinoise vue par ses sociologues

Jean-Louis Rocca (dir.) Préface de Christian Baudelot, Presses de Sciences Po, 2008, 320 p., 23 €

Jean-Louis Rocca est le directeur des « Ateliers franco-chinois en sciences sociales de Pékin », un des lieux où se poursuit l’échange des savoirs entre l’Occident et cette Chine maintenant à nos portes, et qui entend aussi devenir une grande puissance culturelle. Dix études de sociologues chinois s’emploient à déchiffrer « la nature, l’ampleur et la légitimité des différenciations sociales » d’un monde qui est à la fois proche et lointain. Il s’agit d’analyser les migrations internes, la présence d’une classe moyenne (au moins 12 % de la population), la propagation des drogues (et du sida), addictions surtout parmi les 11 millions de jeunes qui échouent chaque année à l’entrée au lycée ou à l’université. Les analyses illustrent la rapidité dramatique des transformations en cours depuis 1978, qui déroutent tout effort statistique. Dans ce décryptage, les sociologues chinois manient avec prudence les concepts d’une sociologie occidentale dont ils découvrent qu’ils parlent d’une société autre. C’est là un des aspects de cet « échange des savoirs », non plus au temps de la Renaissance avec Matteo Ricci, mais au xxie siècle. Il s’agit d’une entreprise de « traduction et de transfert » de concepts venus d’ailleurs pour répondre aux questions de l’heure en Chine : « Quelles sont les couches sociales qui existent ? Quelles sont leurs dimensions ? Comment cohabitent-elles? Quels sont leurs rapports avec le pouvoir. Sur quoi repose le statut social ? Qu’est-ce que la déviance ? » J.-L. Rocca souligne qu’« il n’y a rien de ‘culturaliste’ ici, c’est-à-dire « d’éléments qui ne pourraient pas être expliqués par les pratiques sociales elles-mêmes ». De même, il nous avertit qu’il n’y a pas de « société civile » à l’horizon. Si inégalités et discriminations peuvent déboucher sur la contestation, le champ de celle-ci « se dessine autour d’un contournement du politique par le social ». L’objectif n’est pas un changement de régime, et il ne s’agit pas de droits de l’homme : « le diktat de la stabilité transcende les classes, les groupes, les querelles et les principes ».

Michel Masson
6 juin 2008
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