François Dosse tente de restituer ici la pluralité des figures de l’intellectuel à partir de celle, fortement politique, apparue en France lors de l’affaire Dreyfus. Une histoire des intellectuels lui semble être aujourd’hui nécessaire, alors que, du même souffle, on pleure la mort de l’espèce et l’on déplore sa prolifération. L’auteur invite à n’être pas dupe d’une impression qui tient peut-être seulement à ce que l’on n’est pas suffisamment conscient des changements de figure de l’intellectuel au cours de l’histoire : le sage, l’homme de lettres, le savant, le militant d’une cause universelle ou celui qui vient critiquer et relativiser les pouvoirs en place. Les portraits contrastés de personnalités qui ont noué avec d’autres divers liens de sociabilité illustrent cette histoire complexe, : Emile Zola, Durkheim, Aron, Sartre, Mounier, Foucault, Bourdieu et beaucoup d’autres. A côté de l’histoire des intellectuels, François Dosse fait place à une histoire intellectuelle s’inscrivant à la croisée de deux lignes de force : l’une diachronique par laquelle un système de pensée se relie à tout ce qui l’a précédé dans une même branche d’activité culturelle, l’autre synchronique par laquelle une relation est établie avec ce qui se fait dans d’autres domaines à la même époque. On relèvera l’intérêt de ce travail d’une grande richesse d’information, mais peut-être aussi ses limites lorsqu’il s’agit de préciser le rôle de l’intellectuel aujourd’hui.