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L’avènement de la démocratie. Tome IV. Le nouveau monde

Marcel Gauchet Gallimard, 2017, 768 p., 25 €

Le quatrième tome de Marcel Gauchet, dix ans après L’Avènement de la démocratie. Tome I. La Révolution moderne (2007), est un essai  tout aussi imposant (749 pages) que peu prolixe en notes et même dépourvu d’index. Difficile également de le situer : ce n’est pas vraiment un ouvrage d’histoire, pas plus qu’il ne répond aux formes argumentatives de la philosophie politique contemporaine ou aux cadres de pertinence de la science politique. Néanmoins il livre un diagnostic sur le moment présent où tout « est à réapprendre de ce que nous pensions connaître ». L’un des problèmes majeurs selon l’auteur, auquel il faut faire face, est celui d’une autonomie « tronquée », avec ses trois dimensions, juridique, historique et politique. Le droit tend à faire oublier la matrice sociale de l’individu et le présente comme une donnée première. L’orientation historique est indifférente à l’avenir et prise dans le seul présent, quant au politique il se cache derrière la politique, faisant comme si une société universelle existait spontanément. Ce qui manque est la fonction instituante et médiatrice. Or, on ne peut revenir à la religion car la politique est désormais seule pour « infuser leurs formes aux communautés humaines », notamment par le processus de production de la représentation. L’autonomie qui semblait être une solution, se révèle un problème. On a commis une méprise sur ce qu’elle veut dire, pensée sous ses diverses formes comme le savoir de soi et le pouvoir sur soi. De plus elle est composée en une autonomie structurelle et une autonomie substantielle. Or, la première n’est pas transparente et maîtrisable; au contraire nous avons affaire « à la confusion et à l’impuissance ». Elle a besoin de la seconde pour fonctionner. Les acteurs la comprennent différemment. Souvent la promesse d’autonomie n’exprime que la désolation devant l’impuissance de la politique ou encore elle traduit la désorientation identitaire « par rapport aux certitudes du présent », avec des sujets incapables de conjurer l’anxiété de ne pas savoir d’où ils sont issus. Le diagnostic est pessimiste pour la « surmodernité » que nous vivons où nous n’aurions jamais « véritablement pensé » la liberté politique. Nous ne l’aurions envisagée que négativement mais elle est sans pouvoir. Or, la liberté et son prix ne s’apprécieraient que dans l’effort de conquête (pour faire écho à la dernière phrase de l’ouvrage). On peut être étonné du sous-titre, puisque le regard est principalement tourné vers le passé, même récent. Marcel Gauchet défend ce choix, la clé du « Nouveau monde » se situant sur le Vieux Continent, où les manifestations les plus poussées de ce monde nouveau ont eu leur foyer. Il poursuit ainsi dans sa ligne du désenchantement wébérien ; les Européens se sont extraits de la structuration religieuse.

Bernard Reber
10 janvier 2018
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