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La fin de l’hospitalité. Lampedusa, Lesbos, Calais… jusqu’où irons-nous ?

Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc Flammarion, 2017, 240 p., 18 €.

Le titre de l’ouvrage pourrait sonner comme un constat sans appel. Et de fait les auteurs, tous deux philosophes, rapportent de leur périple aux frontières de l’Europe un portrait bien sombre de notre époque : « Il est devenu inimaginable de réclamer une solution décente à la crise des réfugiés car nous vivons dans la peur ». Plus encore, l’étranger, qui « pouvait tenir sa place par le fait qu’il venait d’un autre monde, assurant une sorte de passage entre l’ici et l’ailleurs », « a été dépouillé de toute sacralité. Il n’est plus celui à qui on doit l’hospitalité du fait qu’il est étranger ». L’hospitalité serait-elle donc morte et enterrée ? Certes non : « à Calais, à Grande-Synthe, à Lampedusa, à Vintimille, à Tempelhof, dans tous les camps d’Europe et hors d’Europe, les bénévoles affluent ». Un élan né « de la certitude sensible que n’importe quelle vie équivaut à n’importe quelle autre vie ». Mais l’hospitalité, ce « soin approprié à des vies rendues vulnérables. Ces vies qui pourraient (…) être les nôtres », ne saurait relever de la seule éthique individuelle. Car elle est aussi « un risque, une épreuve existentielle », qui appelle « une solution collective, et donc politique ». C’est ici que le bât blesse : l’héritage des Lumières, celui de Kant en particulier, nous avaient civilisés : le droit à l’hospitalité – à bien distinguer de l’accueil durable – était devenu universel pour toute vie menacée. Aujourd’hui, le Vieux Continent dresse des murs, des barbelés, parce que ces hommes, ces femmes, ces enfants, que l’on nomme indifféremment « migrants » pour mieux les maintenir à distance. Une fois « animalisés », selon l’expression empruntée à Hannah Arendt, pourquoi se soucier encore de leurs histoires, de leurs projets, de leurs rêves ? Alors « le pouvoir (…) les dépose des années durant dans des camps pour les oublier et ne plus les voir ». Mais alors, que faire ? L’accueil inconditionnel n’est-il pas une réponse bien angélique ? Au contraire, selon Guillaume Le Blanc et Fabienne Brugère, qui plaident pour un « réalisme de l’hospitalité », revendiquant l’intérêt qu’a une société à être hospitalière, avant d’esquisser en guise de conclusion les grands axes de ce que pourrait être une « République bienveillante ».

Jean Merckaert
9 juillet 2017
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