Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

Ville affamée. Comment l’alimentation façonne nos vies

Carolyn Steel Rue de l’échiquier, 2016 [2008, trad. de l’anglais par Marianne Bouvier], 448 p., 25 €

Lorsqu’elle est parue en 2008 au Royaume-Uni, cette somme de Carolyn Steel – architecte, écrivaine et universitaire – a rencontré un franc succès. Les éditions Rue de l’échiquier, dans leur belle collection « Intial(e)s DD » (pour développement durable), nous en offre une traduction réussie. Les villes y sont appréhendées à travers le prisme de la nourriture, dans toutes leurs dimensions : historiques, géographiques, physiques et architecturales, sociales et sensorielles – avec, par exemple, une attention marquée aux odeurs. L’amour pour ces lieux et leurs habitants et l’amour pour ce qui les alimente n’y font qu’un. « À l’instar de l’homme, la ville est ce qu’elle mange. » La métaphore est rendue concrète par l’étude des logiques, réseaux et lieux d’approvisionnement des villes. Ainsi, au XVIIe siècle, les grains étaient acheminés à Londres (ville clé du livre, où a grandi l’auteure et où elle vit) par la Tamise et accédaient au marché de Cheapside par la rue du pain (Bread Street) ; le grand marché à viande de Smithfield était, lui, situé au nord-ouest de la ville, par où arrivaient les bœufs, à pied. Les transports modernes, à commencer par le train, puis les supermarchés, ont bouleversé ce type d’organisation qui perdura pendant des siècles. L’ampleur du propos est impressionnante. Les villes ne sont jamais déconnectées des territoires qui les nourrissent et des questions soulevées en termes d’écologie et de paysage. La nourriture est un des liens sociaux primordiaux de nos existences ; alimentation et espace public sont intimement liés. Ainsi, si la disparation des commerces de bouche des centres villes anglais (en Grande-Bretagne, près de 2000 magasins d’alimentation indépendants ferment chaque année) laisse le bâti quasiment intact, elle ébranle la vie urbaine. Le dernier chapitre du livre – intitulé « Sitopia », un néologisme forgé à partir  des mots grecs sitos, nourriture, et topos, lieu – est consacré aux utopies. Partant de la première tentative d’« éco-cité » intégrale en Chine, remontant à l’île de Thomas More où les Utopiens « entretiennent admirablement leur jardin » et veillent à leur agriculture, Carolyn Steel s’interroge sur ce que pourrait être la ville « sitopique », c’est-à-dire conçue en fonction de la nourriture de demain.

Jean Vettraino
26 septembre 2016
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules