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Le deuxième âge de la machine. Travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique

Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee Odile Jacob, 2015, 330 p., 24,90 €

Après l’invention de la machine à vapeur, une nouvelle rupture historique apparaît avec « le deuxième âge de la machine » : le développement fulgurant des ordinateurs et des robots dont s’émerveillent les deux auteurs américains, pourtant habitués à l’économie numérique (tous deux sont directeurs de recherche au MIT, Massachusetts Institute of Technology). Le livre est très documenté, très pédagogique et aux prises avec la réalité et le capitalisme de leur choix. Ils reprennent la « loi » de Moore sur la croissance exponentielle des capacités de mémoire et de calcul des ordinateurs : doublement tous les dix-huit mois pendant des décennies. Ce triomphe est cependant pondéré par le paradoxe de Moravec, selon lequel le numérique réussit beaucoup moins dans les actes simples du quotidien, comme manipuler des objets hétéroclites, que dans les labyrinthes cognitifs. Le numérique a aussi beaucoup de mal en communication complexe. Les aides-soignants, les coiffeurs, les commerciaux, les concierges et les poètes ne sont pas près d’être remplacés par des machines. Mais il y a un paradoxe économique et social beaucoup plus grave. Grâce aux ordinateurs, aux robots et à leurs mises en réseaux, nous entrons dans une civilisation de l’abondance matérielle et culturelle, abondance de qualité et à bas prix. Mais cette abondance s’accompagne d’une « dispersion », c’est-à-dire d’inégalités croissantes dans la distribution de la prospérité. Les auteurs sont persuadés que, dans bien des cas, la machine peut remplacer l’homme, d’où un chômage massif, une baisse des salaires des peu qualifiés et la disparition de la classe moyenne. Ils préconisent « l’impôt sur le revenu négatif » pour compenser les revenus en dessous de 20 000 dollars, alimenté par des taux d’imposition allant jusqu’à 76 % pour la tranche supérieure. Il impose surtout de ne pas démotiver le travail, valeur fondamentale. Mais le livre mise sur une espérance d’ordre anthropologique. Certes, IBM a battu Kasparov en 1997. Depuis, un assez bon joueur d’échecs assisté d’un ordinateur ad hoc bat tout ordinateur seul. L’innovation, la créativité, la rupture dans un processus, l’«  idéation » sont encore le propre de l’homme. Pour reprendre Voltaire, un homme se juge « par ses questions, plutôt que par ses réponses ». Pour le numérique, c’est l’inverse. Travail humain et machine peuvent collaborer. Néanmoins, les auteurs n’excluent pas que l’ordinateur accède un jour à une certaine forme de conscience (mot ici non défini). Ni trop désespéré, ni trop enthousiaste, ce livre nous change de la littérature manichéenne sur le numérique, même si, à le lire, on a l’impression que seul le numérique a de l’importance.

Bernard Ibal
12 septembre 2016
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