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La pente despotique de l’économie mondiale

Hubert Rodarie Salvator, 2015, 380 p., 22 €

La pente despotique de l’économie mondiale. Titre étrange, malheureusement bien étayé finalement, pour une description, toute en méandres et profondeur, de l’évolution du monde occidental depuis 1970. Hubert Rodarie rappelle d’abord les trois « piliers » sur lesquels sont censées reposer nos sociétés : libre marché, common law et démocratie représentative. Il ne traite que du premier, tout en laissant entendre que les mêmes dérives affectent les deux autres. Elles expliquent la « dégénérescence totalitaire » qui inspire le titre : au lieu du libre choix éclairé d’agents responsables (et au besoin sanctionnés), s’installerait une réglementation complexe, à la fois systémique et « machinique », inspirée par des technostructures ou des oligopoles à gouvernance opaque, au profit final d’une nouvelle nomenclatura mondiale, dans une ambiance délétère évoquant la décennie 1930-1940. Cette vision est développée de façon originale et vigoureuse. Elle mêle des éléments proprement techniques (analyse des risques, automatisation des processus, contraintes de concurrence, mécanismes monétaires et du crédit) et des principes souvent informulés : les déséquilibres comme « moteurs de croissance », les dettes comme moindre mal quasi négligeable, la monnaie devenue réserve temporaire de valeur et non outil d’investissement, la prééminence combinée d’une représentation partielle des besoins et aspirations et d’un système englobant, aux rétroactions sans garde-fous. Courageusement, des pistes de correction ou de progrès sont également esquissées : face à la prégnance croissante des inégalités, Hubert Rodarie plaide pour un rééquilibrage mondial de la répartition des sources de valeur ajoutée, en même temps qu’une véritable prise en considération du sort des plus faibles. Face à l’accumulation alarmante des dettes excessives, il prône à la fois une réduction drastique quasi arbitraire et une remise en cause périodique, plus un retour aux changes flottants et au contrôle de la création monétaire. Face aux systèmes complexes et autres « modèles automatiques », Rodarie recommande enfin un retour à la prééminence du qualitatif, de la valeur du temps long, de la responsabilité personnelle et du risque assumé face à l’incertitude. En refermant La pente despotique de l’économie mondiale vient irrésistiblement à l’esprit, pour la convergence des diagnostics, l’analyse percutante de Hans Magnus Enzensberger : « Bruxelles, le monstre mou ». Puissent ces deux esprits pénétrants avoir gravement péché par pessimisme, face à une évolution certes résistible mais peu engageante !

Henri Laurent
25 janvier 2016
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