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Geneviève de Gaulle-Anthonioz

Frédérique Neau-Dufour Cerf, 2015, 368 p., 23€

C’est une grande dame « libre » qui est entrée au Panthéon le 27 mai 2015 en compagnie de son amie de Ravensbrück Germaine Tillion. Nièce du général de Gaulle dont elle partage la foi, elle a mis son expérience personnelle au service des pauvres parmi les pauvres.

Sa déportation au camp de Ravensbrück comme résistante, à 22 ans, lui a montré que la solidarité et le respect sacré de la dignité humaine sont seuls capables d’accéder à l’universel. Elle ne faillira jamais. De retour des camps, elle s’étonne du peu d’intérêt porté aux rescapées, souvent seules, malades et sans famille : elle crée l’Adir (association des femmes déportées et internées de la Résistance), dont elle deviendra présidente en 1958, pour leur trouver des logements et la possibilité de se faire soigner. Sa parenté avec le général de Gaulle, revenu au pouvoir, lui donne des oreilles attentives, ce qui permet d’aboutir en 1961 à l’indemnisation des victimes par le gouvernement allemand de Konrad Adenauer. Cette association de défense des déportées deviendra une organisation de défense de la dignité humaine.

Épouse comblée et mère de quatre enfants, soutenue par son mari, Geneviève va poursuivre son combat. Elle rencontre par hasard, chez des amis, le père Joseph Wresinski, ancien militant de la jeunesse ouvrière chrétienne, surnommé le « curé de la racaille ». Celui-ci lui fait part de l’existence du bidonville de Noisy-le-Grand et l’invite à le visiter (1958). Geneviève ne soupçonnait pas une telle misère : ni route, ni électricité, ni chauffage, ni eau courante. Elle reconnaît sur les visages des habitants la même détresse qu’elle a vu au camp. Cela sera le combat de toute sa vie avec ATD (aide à toute détresse) dont elle devient présidente en 1964. ATD n’est ni un mouvement politique ni un mouvement confessionnel, bien qu’issu du catholicisme. Il va à la rencontre de « l’oublié » de la croissance. Le Père Wresinski et ATD sont réticents à toute forme de charité qui n’aboutirait pas à la destruction de la misère et donc à la libération humaine des plus pauvres. L'aide de Geneviève de Gaulle est d’abord ponctuelle, liée à la recherche de mécénats. Mais très vite elle est amenée à intervenir auprès des autorités administratives et politiques. Elle participe activement à des manifestations publiques donnant la parole aux familles qui avaient l’expérience de la grande pauvreté, comme lors de l’année internationale de la femme en 1975 et de façon plus continue aux échanges avec elles dans la cadre des universités populaires du Quart Monde. Dès les premières années de son engagement, elle soutient le père Wresinski pour obtenir que les familles du bidonville de Noisy-le-Grand ne soient pas dispersées mais puissent accéder à un relogement dans une cité de promotion familiale, ce qui advient finalement en 1971 lors de la destruction du bidonville. Elle continue à relayer les efforts du fondateur d'ATD pour révéler l’importance de l’illettrisme dans la population pauvre et appeler à son éradication. Elle fait preuve du même soutien quand il s’agit de faire adopter par le Conseil économique et social (CES) son rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » (promouvant une approche de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale en termes de droits de l’homme), en 1987, et de faire ériger sur le Parvis des libertés et des droits de l’homme, au Trocadéro, une dalle à l’honneur des victimes de la misère. Geneviève succède en 1988 à Joseph Wresinski au CES, après son décès. Elle contribue à mobiliser la société civile à travers la création du comité Alerte (regroupement de 30 associations) et fait adopter par le CES son propre rapport, « Évaluation des politiques publiques de lutte contre la grande pauvreté », en 1995 : la loi d’orientation contre les exclusions verra le jour en 1998. Cet objectif atteint, elle peut démissionner de la présidence d’ATD pour se consacrer à la rédaction de son livre, « Le secret de l’espérance », publié cinq mois avant sa mort en 2002. « C’est seulement quand on reconnaît l’autre comme son égal, comme son frère, que quelque chose change… » : ses mots en ont marqué plus d'un.

Annie da Lage
23 juillet 2015
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