Ces deux ouvrages de l’ancien Premier ministre nous montrent que Michel Rocard a toujours conjugué l’action politique et la réflexion. Lettre aux générations futures, un entretien avec le journaliste Mathias Thépot, est comme un condensé et une introduction de Suicide de l’Occident, suicide de l’humanité ? Rocard a beaucoup lu sur ce qui relève des menaces sur la planète. Ainsi le chapitre 5 : « Le ravage de la niche écologique menace la vie » présente un dossier très complet sur le sujet popularisé par les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Mais l’auteur est aussi préoccupé par l’économie et la politique. La mathématisation de la science économique est une catastrophe, même si les outils quantitatifs demeurent utiles. Dénonçant le rôle des banques dans la crise de 2008, il incrimine également l’impuissance des politiques, leur culte de la souveraineté. Tentant de détecter « la longue saga des émergences subversives », il s’interroge sur la faiblesse de l’Europe et met cause la Grande-Bretagne (dont il souhaite la sortie de l’Union européenne). C’est seulement à la page 406 que Michel Rocard nous parle brièvement de l’autogestion, une notion qu’il a introduite en 1975 au Parti socialiste. En est-il revenu à une social-démocratie de type scandinave, très axée sur la dépense publique, avec une apologie étonnante de l’impôt ? Il fait l’éloge de la solidarité en prenant comme référence Léon Bourgeois mais n’interroge guère « la crise de l’État-providence ». On peut s’étonner de ce manque de conscience de l’ampleur de la crise des finances publiques dans un pays où la dépense publique représente 57 % du produit intérieur brut. Très actuel en ce qui concerne l’écologie, l’ouvrage est, pour le reste, quelque peu démodé.

• Michel Rocard, Suicide de l’Occident, suicide de l’humanité ?, Flammarion, 2015, 424 p., 22,90 €
• Michel Rocard, Lettre aux générations futures, en espérant qu’elles nous pardonneront, Bayard, 2015, 132 p., 14,90 €