Avec la publication de ce « Quarto » bien achalandé, Mona Ozouf se livre à ce qu’elle appelle « une entreprise rassembleuse ». Elle a opté pour la thématique et non pour la chronologie. Car cette mise en ordre soignée d’un itinéraire intellectuel original, ce rapprochement de thèmes épars dans son œuvre peuvent apporter la « révélation d’une organisation invisible du territoire traversé ». Trois grandes divisions structurent cet ensemble : la Révolution, la République, « la » ou « les » France. Des débats récents sur les réformes de l’école, les remaniements récents des délimitations territoriales, la montée des oppositions et des surenchères verbales dans la période actuelle sont comme un écho affaibli des grandes batailles politiques qui caractérisent la vie politique de notre pays depuis la fin de la société d’ancien régime, l’éclosion de la Révolution et ses prolongements avec la naissance de la République. Mona Ozouf est une passionnée de cette socio-histoire qu’elle ne cesse de revisiter sans cesse. Elle en souligne les paradoxes, les méandres particuliers et les visées universalistes. Elle sait capter le lecteur par l’élégance de son style et la variété de ses approches. Ce volume permet, par exemple, de scruter la permanence des tensions entre girondins et jacobins ou les formes du patriotisme dans des campagnes aux mœurs empreintes de ruralité. Jean Jaurès, Jules Ferry et d’autres figures légendaires animent une galerie de portraits brossés d’une plume alerte. Bref, ces tranches d’histoire étalées sur plus de deux siècles sont plus qu’une narration savante. Elles forment une vaste « composition française », cette discipline reine de la classe des temps anciens dans laquelle Mona Ozouf a vite appris à exceller.