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Polars, philosophie et critique sociale

Philippe Corcuff Textuel, 2013, 208 p., 15,90 €

Y a-t-il une sociologie dans les polars ? Et, plus encore, peut-on y trouver les rudiments d’une critique sociale adaptée au présent ? Le livre du philosophe et sociologue Philippe Corcuff se propose de répondre à ces questions originales qui déplacent et le champ des études littéraires et l’épistémologie sociologique. Le roman noir de tradition américaine, qui met en scène des héros désabusés et pourtant lucides, désenchantés et pourtant intègres, éclaire, tel un miroir critique, les contradictions de nos sociétés modernes et les postures éthiques qui y répondent. Les contradictions travaillées par la fiction ont trait aux inégalités et aux injustices parsemant la réalité sociale, aux apories de la condition moderne, à la perte des valeurs et des repères, à la dislocation de l’esprit du capitalisme et de l’esprit démocratique. La philosophie éthique qui s’en dégage se situe au plus loin de toute pensée cohérente et systématique, en composant avec différentes stratégies critiques et « techniques de soi ». Entre la résistance, le pessimisme cynique et l’attitude oblique face à la domination, les héros, entre autres, de J. Lee Burke, J. Crumley, H. Fast, D. Goodis, D. Hammett ou H. Hunt proposent autant de postures subjectives à même de faire ressortir (et de déjouer) les contradictions de la modernité. Ces contradictions et les postures éthiques sont relues dans une deuxième section de l’ouvrage qui propose des « chroniques (illustrées par le dessinateur de Charlie Hebdo Charb) éclairant l’actualité à partir d’un extrait de polar » (p. 27). La démonstration est plaisante et ne manque pas d’ambition : il s’agit de rechercher, à partir du polar, de nouveaux repères pour une critique sociale d’inspiration libertaire et une pensée critique de facture pragmatiste, éclairants pour les sciences sociales comme pour la vie de tous les jours. Cependant l’ambition théorique, presque démesurée, en vient à reposer sur une base empirique restreinte, au risque de déséquilibrer l’architecture démonstrative et de frôler la surinterprétation.

Federico Tarragoni
22 mai 2014
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