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La désunion française. Essai sur l’altérité au sein de la République

Yvon Ollivier L’Harmattan, coll. « Questions contemporaines », 2012, 257 p., 27 €

La République une, indivisible et égalitaire ne cesse d’éliminer impitoyablement l’altérité en elle : telle est la thèse défendue dans ce livre. Exposée sous la forme d’une critique, souvent même d’une charge violente, elle n’en est pas moins fortement argumentée : on peut dire que l’ouvrage réunit avec brio l’essentiel des réserves face au modèle de la République jacobine, considéré ici comme « dépassé » face à la nouvelle affirmation de la diversité, celle de l’« autre » immigré, venu de l’étranger, ou celle de l’« autre » indigène, habitant ou originaire des régions françaises (avec une mention spéciale, dans le livre, pour la Bretagne). Pour l’auteur, quelque peu psychanalyste sauvage des fantasmes mortifères qui habitent la nation France, la République est incapable de se défaire d’une sorte de scène primitive : celle de la Révolution où elle fit son unité en coupant des têtes, en ne concevant la liberté des siens que par suppression de celle des autres, en ne créant l’égalité que par arasement des différences. Subsiste toujours  l’idée réflexe que toute différence – de langue, de vêtement, de coutume, d’origine régionale ou internationale – est menace : elle doit donc être interdite ou réduite, condamnée à l’inexistence. La laïcité dont la France se targue, le droit français,  ne sont-ils pas eux aussi contaminés par ces fantasmes d’exclusion ? L’auteur ne craint pas de parler d’un « racisme républicain », qui s’exprime ouvertement du côté du nationalisme lepéniste, mais aussi chez des républicains souverainistes. Il note avec justesse l’hypocrisie qui consiste à louer la diversité chez les autres, et à l’empêcher chez soi. Au total, cet ouvrage militant – d’une République plus libre (au sens d’une liberté intérieure) par rapport au « différent » – met le doigt sur une difficulté française récurrente, que le triste débat sur l’identité en 2010 a encore confirmée. L’embarras à le suivre entièrement tient à l’histoire : dans de nombreux pays, les différences, régionales par exemple, pour être mieux admises sur le papier, ne sont pas pour autant vécues dans une harmonie qui suscite l’envie. D’un point de vue plus théorique, la discussion peut rester plus ouverte que dans le livre. Dans Les immigrés de la République (Seuil, 2010), un auteur comme Philippe d’Iribarne, peu suspect de manquer d’intérêt pour les différences, n’en préférait pas moins, en argumentant sa préférence, le modèle de l’intégration républicaine au modèle multiculturel.

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Jean-Louis Schlegel
29 août 2012
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