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Le principe d’humanité

Jean-Claude Guillebaud Seuil, 2001, 380 p., 19,82 €

Le dernier essai de Jean-Claude Guillebaud tranche dans l’atonie des débats et la fausse humilité des argumentations. « L’humanité de l’homme n’est ni un constat vérifiable, ni le résultat d’une recherche, ni un héritage : c’est un projet. […] L’humanité fait partie de ces principes énigmatiques qui doivent sans relâche être réinterrogés et défendus, faute de quoi ils se dissolvent et disparaissent dans les fracas de l’histoire naturelle. » Aussi, sans réelle positivité, le principe d’humanité se découvre lorsqu’il est manquant ou à travers les attaques qu’il subit. Ce sont les menaces contemporaines conjuguées de l’économie, de la génétique et de l’informatique que s’attache à décrire l’auteur. Ce faisant, il situe les atteintes portées au principe d’humanité mais en dévoile, à travers l’exposé de ses résistances, les réserves disponibles. Si ce livre fait événement c’est, par-delà la pertinence du propos, par le succès qu’il a rencontré et qui n’est pas le fruit du hasard. Jean-Claude Guillebaud est éditeur jusque dans sa manière d’écrire. Il est d’abord un collectionneur averti comme l’attestent son art de la citation et la diversité de ses références. Sa simplicité dans la présentation de matières complexes fait reconnaître que certaines vulgarisations sont de véritables éloges du peuple. Il est ensuite un relieur : il restitue des cohérences et, à cet égard, sa manière de traiter ensemble économie, génétique et informatique est décisive pour comprendre la globalité d’un mouvement. Il fait preuve aussi d’une véritable politique éditoriale. Son absence de complaisance vis-à-vis des évolutions actuelles n’a d’égal que son refus de toute nostalgie du passé. Sa critique du libéralisme est résolument interne et, d’un bout à l’autre de l’ouvrage, il se confronte au monde tel qu’il est et non tel qu’il devrait être ou a été. On peut ici formuler une réserve : son souci de l’équilibre affaiblit parfois les potentialités de la résistance à laquelle il appelle. Ainsi, sa dénonciation de la nostalgie devient répétitive faute d’être explicitée : on se prend alors à espérer qu’elle est d’autant plus définitive qu’elle dissimule de fidèles sympathies. Enfin, Jean-Claude Guillebaud se révèle éditeur par sa manière de débusquer un public, voire de le constituer. Son emploi récurrent de la première personne du pluriel n’a rien d’une convention académique. La qualité et la consistance du « nous » qu’il propose, la capacité d’adhésion dont il fait preuve, soulignent la réussite politique de ce livre-événement.

Vincent Calliger
4 juin 2012
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