Auteur de travaux sur les conflits régionaux en Afrique centrale et orientale, André Guichaoua se trouvait à Kigali en mars-avril 1994 et a effectué diverses missions pour le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) d’Arusha. Les sources sont nombreuses et diverses. Le livre est étayé par 134 annexes – plusieurs milliers de pages – consultables sur Internet. À la fois « témoin-expert » et « chercheur », l’auteur tente d’appréhender le déroulement du conflit au niveau politique central : celui des gouvernants et des divers décideurs. Son analyse s’attache à « établir des faits et à décrypter les stratégies ». La documentation est abondante sur le parti au pouvoir depuis 1959 mais lacunaire et souvent hypothétique sur l’autre parti. L’auteur reconnaît que, sur bien des points, le temps n’est pas encore venu de convenir qui dit le vrai, qui dit le faux. Aveu qui rend fragiles certaines de ses thèses.

Les pages sur le TPIR apportent un éclairage intéressant sur le fonctionnement de cet organisme, souvent contesté, et cependant devenu pièce maîtresse pour l’histoire, et qui devrait clore ses travaux en décembre 2012. En principe, il est le lieu où s’est effectué le travail de collecte, d’archivage et d’exploitation des données. Mais malgré l’énorme volonté d’informations accumulées au nom de la « vérité » et de la « justice », la recherche n’a donné que peu de résultats apparents. Lorsque le TPIR fermera, le travail de vérité devra se poursuivre. Enfin, l’œuvre montre à évidence que ce « génocide » pouvait être évité… Mais dans l’interprétation que présente l’auteur, le lecteur se souviendra des propos de Claudine Kayitesi : « Un génocide n’est pas une mauvaise broussaille qui s’élève sur deux ou trois racines. Mais un nœud de racines qui ont moisi sous terre sans personne pour les remarquer ».