Les rémunérations extravagantes et les enjeux financiers du système médiatique s’expliquent assez facilement par l’économie de réseau : la valeur d’usage d’un service y dépend non seulement des qualités techniques mais également du nombre de participants. De même, une partie de la valeur subjective d’un livre pour le lecteur, d’un disque pour l’auditeur, d’une place de concert, et pas simplement la valeur d’échange de l’artiste, dépend pour une part plus ou moins forte du nombre de clients. Sans thématiser ce modèle général, Françoise Benhamou l’illustre inconsciemment par un déluge d’exemples tirés du show-business, des mondanités littéraires et des success-stories de peintres à la mode. Bien qu’il ne lui soit pas toujours aisé de suivre le fil de la démonstration, le lecteur comprend assez bien que les jurys qui prétendent juger objectivement les prestations médiatisées, via les prix littéraires, les oscars et autres lauriers spectaculaires, ne peuvent effacer totalement l’arbitraire social qui préside au choix des happy-few. Chemin faisant sont dénoncés les effets pervers de l’exception culturelle qui favorisent rentes et croissance des coûts sans toujours produire qualité et diversité. Le rapprochement fait par l’auteur entre l’économie du star-system et la spéculation financière n’est pas sans mérite : les exubérances pulsionnelles cachent les qualités fondamentales, quand elles existent. Encore faudrait-il préciser que ces qualités fondamentales ne se manifestent qu’à long terme, à l’heure de la dernière instance qui, parfois, ne sonne jamais.