L’hospitalité est une vertu mais elle est aussi une pratique sociale qui demande à être analysée et comprise en tant que telle. C’est à quoi s’applique Anne Gotman dans un livre qui fera date, car, s’appuyant sur des faits et des récits qui portent sur la vie quotidienne, il relève les multiples facettes d’un phénomène de société relativement peu étudié jusqu’à présent et il en fait découvrir le sens. L’hospitalité est au sens propre l’espace fait à l’autre. Elle implique des pratiques de sociabilité et l’engagement de liens assez durables pour assurer la réciprocité. Mais ce sont toutefois des liens asymétriques. L’hospitalité est aussi une épreuve car elle induit un renversement de situation, la transformation de l’ennemi en hôte ou du moins de l’étranger en proche. Loin d’être absolue, elle a toujours l’inhospitalité pour horizon. La première partie du livre retrace les contours socio-historiques de l’hospitalité et la pluralité des registres dans lesquelles elle s’est exercée (religieux et laïques, familiaux et publics). La deuxième partie est consacrée à une analyse approfondie de ce que donnent à connaître des entretiens menés auprès de personnes ayant reçu un ou plusieurs hôtes. La troisième parle d’hospitalité envers des inconnus, en l’espèce les réfugiés du Kosovo que des familles françaises souhaitaient recevoir mais n’ont guère eu l’occasion de rencontrer. En contrepoint est analysée la rétrogradation des juifs au statut d’hôtes avant qu’ils soient livrés aux nazis pendant la guerre. Une quatrième partie est consacrée à une enquête sur l’Arc-en-Ciel, une association d’accueil des malades du Sida à Paris. L’ampleur des informations que l’auteur a su réunir, dans la littérature comme dans la vie, la rigueur et la finesse de ses analyses font de ce livre un remarquable instrument de réflexion. Anne Gotman, directrice de recherche au Cnrs, a dirigé une recherche sur « Ville et hospitalité » dans le cadre du plan « Urbanisme, Construction, Architecture » du ministère de l’Equipement.