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L’archipel paysan. La fin de la république agricole

Bertrand Hervieu et Jean Viard Editions de l’Aube, 2001, 124 p., 13,57 €

Qui sont les derniers représentants de la cohorte paysanne qui depuis vingt siècles laboure et ensemence le sol de France ? L’archipel paysan tente de répondre à cette question à partir d’une enquête réalisée fin 1998 par le Cevipof (laboratoire de sciences po) sur « l’univers socio-politique du monde agricole ». Minorité issue d’une majorité historique, les hommes de la terre préfigurent sur le plan démographique ce que sera sans doute la France des années 2030. D’où l’intérêt quasi prospectif des auteurs pour l’étude des opinions et comportements de cette population répartie dans 680 000 fermes, dont seulement 405 000 sont qualifiées de « professionnelles ». Issue du modèle du paysan-propriétaire défenseur du pacte institué sous la IIIe République, cette minorité, forte de douze mille maires, occupe un espace social qui va bien au-delà des questions alimentaires. Ainsi les résultats de l’enquête confirment les travaux antérieurs de sociologie politique menés par Bertrand Hervieu, actuel président de l’Inra. Outre cette spécificité symbolique qui la place « aux fondements de la république paysanne », l’agriculture fut un pilier de l’œuvre de modernisation technique et sociale entreprise durant les « trente glorieuses » qui portèrent la France au rang de premier exportateur mondial de produits agroalimentaires transformés. Mais « La terre comme outil de travail », ce slogan du Cnja promu pivot des lois d’orientation agricole des années 60, est désormais confronté dans sa légitimité à la diffusion de l’habitat périurbain dans les espaces ruraux et à l’envahissement des pratiques de loisirs. La campagne devient alors un patrimoine autant culturel que naturel, au temps de l’urbanité généralisée et du village réinventé. Face aux logiques dominantes des marchés mondialisés, la campagne française peut-elle se reconstruire comme espace public local en évitant aux agriculteurs la tentation du repli communautaire ? A bien des égards, ce livre pose des questions essentielles à une agriculture qui chercherait son salut du côté du paysage et des produits du terroir plutôt que de l’enfermement dans un productivisme étroit. Les réponses appartiennent cependant aux héritiers de la république agricole. Et malgré les outils mis en place par la nouvelle loi française d’orientation agricole, les incertitudes demeurent grandes en Europe sur les directions à donner pour une politique agricole commune qui garantirait à des coûts socio-économiques acceptables le maintien durable sur l’ensemble du territoire national de cet archipel paysan.

Dominique Desbois
8 juin 2002
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