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La véritable richesse. Une économie du temps retrouvé

Juliet Schor Charles Léopold Mayer, 2013, 262 p., 20 € [2010, traduit de l’américain par Françoise et Paul Chemla]

Voilà un livre qui fera date, pour tous ceux qui cherchent une alternative au système économique actuel. Par-delà la critique désormais familière de la croissance, la porte d’entrée est originale : revendiquant un « vrai matérialisme », Juliet Schor mesure la consommation humaine à son poids. En 2000, la consommation moyenne de chaque Américain en matériaux (pétrole, sable, grains, fer, charbon, bois) s’est élevée à 163 kg par jour ! En 2007, chaque habitant outre-Atlantique consommait 67 vêtements par an (contre 34 en 1991). La planète peut-elle se permettre cette ponction ? Ce mode de vie dérègle le climat à vitesse accélérée. Or ni les progrès techniques, ni la seule intégration par les prix des impacts écologiques ne suffiront. Chiffres à l’appui, l’auteure s’adresse aux économistes : « Protéger coûte moins cher que dégrader ». Encore faut-il prendre en compte les services précieux que rend la nature. Aux écologistes, taxés pour certains de verser dans une « rhétorique du sacrifice », elle explique : « Diminuer son impact n’impose pas de vivre en ascète », mais d’être « plus à l’écoute de [son] moi consommateur ». Là où la surconsommation sert de vain palliatif à un vide de sens, une consommation durable mise sur la qualité : l’extension de la vie du produit, sa personnalisation, sa multifonctionnalité. Une attitude que l’auteur inscrit parmi les grands axes d’une vie meilleure pour tous. Mais la clé, pour l’économiste américaine, réside avant tout dans le désinvestissement du marché « business as usual », dominé par les grandes entreprises. Autrement dit, il faut y travailler moins. Ce « temps retrouvé » permettra de favoriser l’auto-approvisionnement (agricole, énergétique, l’échange de services), de diversifier les sources de revenus pour les plus précaires et d’« irriguer les relations humaines qui se sont asséchées » à force d’être réduites à des rapports économiques. À quelles conditions cette nouvelle économie peut-elle advenir ? L’auteur pointe les nombreuses expériences déjà existantes. Elle insiste sur le nécessaire changement d’échelle, le rôle des technologies pour que l’auto-approvisionnement gagne en productivité, le partage gratuit des savoirs. Peut-être néglige-t-elle un peu l’arène politique ? À cette réserve près, difficile de ne pas sortir enthousiaste de cette lecture.

Jean Merckaert
26 juin 2013
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