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La migration comme métaphore


Jean-Claude Métraux La dispute, coll. Essais, 2011, 260 p., 25 €

Psychothérapeute, Jean-Claude Métraux a été engagé auprès des victimes de conflits armés, puis des migrants, pour retrouver avec eux une capacité à dire et à agir. Son livre ouvre un point de vue neuf sur la relation aux migrants et à leur vie de migration.  Comment permettre à des personnes de sortir de l’exclusion où elles ne peuvent prendre racine, comment soigner des maladies de la reconnaissance qui hantent leurs journées, comment défaire les torsions du lien entre eux et nous ?  Premier pas à faire : saisir que cette expérience de la migration n’est pas réservée à ceux qui se déplacent dans l’espace de notre monde. Nous sommes tous des migrants, dans l’espace, mais aussi dans le temps. L’ouvrage commence par une « autobiographie » de migrant, pour se poursuivre ensuite par un essai de phénoménologie de la migration. Où s’enchaînent les tableaux qui jalonnent cet itinéraire : vivre dans un monde et en être, quitter ce monde, passer d’un monde à l’autre, entrer dans un autre monde, vivre dans l’autre monde, être de cet autre monde. Il y a bien quelque chose de l’ordre d’une perte, bien sûr, engendrant un processus de deuil dont les phases vont s’articuler, ou bien se gripper en quelque moment du fait des circonstances ou des relations.  La deuxième partie, « Relents d’orientalisme », examine les représentations que l’on a eues de la migration. Après être passé d’une pensée de la différence à une considération du déficit des migrants, l’interculturalisme n’est-il pas en fait une seconde vie du modèle des déficits, avec toutes les asymétries possibles entre observateur-soignant-autochtone et observé-patient-migrant ? Au fond, l’étranger n’a pas droit à la parole.  La troisième partie, « Paroles précieuses », cherche des voies de solution, pour pallier notre incapacité, dans la santé, le social, l’éducation, à soulager les migrants (comme aussi les précaires, les exclus) malades d’un lien social défaillant et de l’effet iatrogène de nos interventions. J.-C. Métraux reprend les théories de l’échange pour dégager les cercles de la réciprocité et la qualité des dons (monnaie, précieux, sacré). L’offre de paroles précieuses viendra de notre propre parole, ouverte à donner comme à recevoir. Elle pourra devenir un remède. Le pari de la confiance restera assorti d’une totale absence de garantie. Il convient alors d’élaborer à nouveau l’endroit et l’envers du parcours de la reconnaissance, en relisant Ricœur, chez qui la reconnaissance emmène identification, capabilité, réciprocité. Nourrir la reconnaissance mutuelle suppose de notre part aussi un voyage qui n’est autre que notre consentement à notre propre migration.  Tous ceux qui se risquent à entrer en relation avec des migrants, parce qu’ils leur ouvrent leur porte pour un temps, ou parce qu’ils se sont engagés à leurs côtés de diverses manières (associatives, professionnelles) trouveront beaucoup à gagner avec la réflexion dans J.-C. Métraux. L’attention portée au processus de deuil qu’engage toute migration – la leur comme la nôtre –, le souci pour les échanges de paroles ou de dons et pour les processus de reconnaissance qui tissent nos relations, tels sont les chemins par où s’ajustent nos vies et la vie des migrants à cette humanité nouvelle, surgie avec les phénomènes de migration.

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Jean-Marie Carrière
30 août 2012
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