Vitesse et urgence (politique, écologique, économique…) éprouvent nos sociétés, où, même dans le milieu de l’édition, « prendre le temps devient inconcevable » (cf. « L’appel des 451 »). Les travaux du sociologue allemand Hartmut Rosa, par leur ampleur et leur puissance théorique, se distinguent nettement des nombreux livres publiés sur ce thème. Cet essai, soigneusement délimité, d’une densité et d’une clarté remarquables, poursuit (et tient) plusieurs objectifs. Le plus important, est la volonté de « poser des questions qui ‘résonnent’ avec la vie des gens, qui électrisent les étudiants et déclenchent alors (…) des recherches empiriques. » Ces dernières seront en effet indispensables pour préciser ou infirmer les pistes esquissées. Les questions sont posées du point de vue du courant de la théorie critique, qu’Hartmut Rosa entend « revigorer » (deuxième objectif), en insistant sur l’importance des structures temporelles des sociétés contemporaines. Ce « régime-temps » constitue pour l’auteur un point aveugle des analyses sociales. D’où la nécessité d’en rendre compte grâce au concept d’accélération sociale – déjà étudié dans son livre Accélération. Une critique sociale du temps (2010) – qu’il reprend ici en l’articulant à celui d’aliénation (troisième objectif), lié à ceux d’« idéologie » et de « faux besoins ». Il démontre ainsi, avec finesse, comment normes et régulations temporelles affectent chacun d’entre nous et bouleversent profondément notre rapport au monde : « Ce par quoi nous sommes aliénés par les diktats de la vitesse (…) n’est pas notre être intérieur ou immuable, mais notre capacité à nous approprier le monde. »

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Hartmut Rosa
Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive
La Découverte, 2012, traduit de l’anglais [2010] par Thomas Chaumont, 153 p., 16 €