L’ancienne professeure de littérature Claude Habib nous enjoint à « repenser à la tolérance » en France. Elle s’intéresse essentiellement aux questions de mœurs, de religion et de culture ; les intolérances à la pauvreté (arrêtés anti-mendicité, mobilier anti-SDF, etc.) ou à l’impôt par exemple ne sont pas considérées. Comme souvent dans ses essais, l’auteure procède à partir de son expérience personnelle, de son intime connaissance du XVIII^e siècle et de la littérature. L’ouvrage est profondément ambivalent. D’un côté, il se confronte réellement au sujet. Claude Habib, remontant aux guerres de religion, en brosse un portrait saisissant. La tolérance, considérée comme un péché (voire un crime) jusqu’en 1780 (on conspuait alors le « tolérantisme »), devient positive grâce aux Lumières. Mais toujours, elle relève d’un effort et d’une tension : « Corollaire de la liberté individuelle, [elle] n’est pas indifférence aux croyances et aux mœurs, mais suspension active du jugement. ». En effet, « le problème de la tolérance, c’est l’aversion [ou « répulsion »] qu’elle rencontre, qu’elle surmonte, et qu’elle doit toujours surmonter car il n’existe pas de tolérance en roue libre. Seule l’indifférence est sans peine ». Claude Habib souligne aussi que, pour des raisons historiques et logiques, la tolérance ne peut s’étendre aux intolérants. Mais, d’un autre côté, l’ouvrage verse parfois dans un essai plutôt confus. On y trouve par endroits des allégations péremptoires, sans souci de sources. Des enquêtes de grande ampleur (comme l’European Values Survey) ou des outils (comme l’indice de tolérance à l’altérité de la Commission nationale consultative des droits de l’homme) ne sont pas mobilisés… Le dernier ̶ et le plus long ̶ des 17 chapitres de l’ouvrage, intitulé « Le besoin des frontières » est sans doute le plus emblématique de ces manquements, ne proposant qu’une approche inexacte de la question.