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La famille par contrat La construction politique de l’alliance et de la parenté

Daniel Borrillo PUF, 2018, 170 p., 13 €

Face à la transformation profonde du modèle familial classique, Daniel Borrillo nous propose une analyse radicale dans sa rigueur juridique et quelque peu surprenante – voire subversive – par rapport à la manière dominante de penser la relation familiale. Point de départ : la société postmoderne, présentée comme envahie par l’ultra-individualisme et l’inflation des droits subjectifs. Exception faite de la liberté de l’individu de disposer de son corps et de sa vie, car cette liberté est définie d’une manière négative par des restrictions propres à la santé, à la moralité et à l’ordre public. De fait, la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît le droit de tout individu « à l’autonomie personnelle » en tant que principe au service de l’épanouissement de la personne, le droit de mener sa vie comme on l’entend et même de s’adonner à des activités perçues comme étant physiquement ou moralement dangereuses pour l’individu. Mais Daniel Borrillo constate que les lois relatives à la dimension physique de la personne ne consacrent pas l’autonomie de l’individu sur son corps et sur sa vie, se limitant à dépénaliser un certain nombre de pratiques comme la contraception, l’avortement, le changement de sexe ou l’accouchement sous X. La libre disposition de soi n’est pas l’élément moteur des décisions prises. Des concepts (comme la dignité humaine) et le règne de la bioéthique remplacent l’autonomie individuelle : l’État impose une conception univoque juridiquement, à travers ses intermédiaires, juges, médecins, psychiatres, assistantes sociales. Cette vision s’applique tout spécialement à la famille. Celle-ci, en tant que telle, est dépourvue d’existence juridique : seule la personne physique ou la personne morale constituent des sujets de droit ; le Code civil français ne contient aucun titre et aucun chapitre relatif à la famille. Dès lors, les grands principes démocratiques autour desquels se fonde le droit civil sont déplacés au profit de nouvelles prescriptions fondées sur l’ordre symbolique de la différence des sexes, les lois biologiques, le nécessaire accès aux origines, la structuration psychique des enfants ou la dignité humaine. Daniel Borrillo tente ainsi d’expliquer comment les relations familiales se sont affranchies progressivement de toute forme de naturalisme, provoquant une rupture avec l’ordre traditionnel et produisant un pluralisme de l’organisation de la vie intime. En Occident, les familles sont nucléaires, monoparentales, recomposées, homoparentales, avec des enfants biologiques, adoptifs ou issus d’une assistance médicale à la procréation. Pour Daniel Borrillo, c’est à partir de cette libre association d’individus qu’il faudrait penser le phénomène familial et non pas en fonction d’un principe extérieur ou d’une entité transcendantale (nature, cohésion sociale, ordre symbolique, vérité biologique, système de parenté…). La théorie générale du contrat lui permet d’articuler un droit à la vie familiale plus proche des exigences actuelles de liberté et de diversité, avec un surcroît d’égalité et de justice. Au fil de l’ouvrage, Daniel Borrillo tente de cerner les significations anthropologiques des nouvelles dispositions juridiques, notamment en matière de mariage et de filiation. Penser la famille à partir du contrat bouleverse bien des conceptions, notamment religieuses. Le contrat, au sens courant du droit civil, est considéré comme un instrument au service de la pluralité des projets conjugaux et parentaux.

Jean-François Mézières
12 avril 2019
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