Depuis sa position de psychanalyste, Ali Magoudi affirme que « la quantité de personnes dont la vie est gouvernée par des peurs qu’elles ignorent n’a cessé de croître ». Dans cet essai, il s’emploie à démêler cet écheveau, procédant par associations libres. En une série de courts chapitres, interviennent des cas cliniques, des discussions avec son fils ou son cousin octogénaire polonais, des réflexions suscitées par une pièce de théâtre, un débat avec un exégète de la Torah – Monsieur F. (comme frayeur) –, des anecdotes amicales, ou encore l’œuvre fictive de Jean-Baptiste Botul… Risque de pandémies mondiales mis en avant par l’Organisation mondiale de la santé (grippe aviaire, H1N1, ...), régime sans gluten, retrait phobique du monde…, les registres des peurs sont multiples et il est très difficile « d’isoler une peur singulière de celles qui l’environnent ». Mais les attentats terroristes de 2015 font hésiter l’auteur au milieu du gué : « Où l’auteur et ses velléités d’éclairer le nouveau régime des peurs sont emportés par la réalité » (chapitre 11). Derrière cette variété, un même mécanisme : la peur naît le plus souvent d’un scénario imaginaire où le danger de mort tient la première place. Ces scénarios individuels proliféreraient dans la mesure où les grands récits communs – l’auteur insiste sur la Genèse –  ont perdu de leur efficacité dans la protection du sujet de la peur de la mort, alors même que la « rhétorique de la catastrophe » s’étendrait (notamment du fait d’internet). Insistant sur le rôle de la langue et de la culture, Ali Magoudi montre le poids du discours collectif. Comment sortir du « régime généralisé de la peur de la mort » ? Si l’auteur ne donne pas de recette toute faite, il montre comment l’acceptation du manque et de la coupure (à commencer par celle avec les parents), ainsi qu’un effort de réflexion rationnelle constituent une première étape.