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Le pardon est-il durable ? Une enquête au Rwanda

Benoît Guillou Éditions François Bourin, 2014, 248 pages, 16€

Une question au cœur de cet ouvrage : pratique par nature individuelle, le pardon peut-il devenir l’axe d’une politique à visée réconciliatrice ? Comment le mettre au service d’un nouveau vivre-ensemble dans un pays ravagé par la haine, comme ce fut le cas au Rwanda en 1994 entre Hutus et Tutsis, au prix de 800 000 morts ?

Inspiré de l’expérience des commissions de vérité et réconciliation en Afrique du Sud, le projet très risqué de l’Église et d’une partie du monde politique est de parvenir à purger la mémoire collective du souvenir des atrocités sans rien sacrifier de l’œuvre de justice dont la fonction est double : établir la vérité des faits et la culpabilité de leurs auteurs. Après la phase judiciaire dans les 9 000 « gacacas », ces tribunaux de la palabre mobilisant 120 000 juges, peut intervenir le pardon demandé aux victimes, devant témoins, par les condamnés. L’auteur, toujours au plus près du terrain, cite de très beaux témoignages de Xavière ou de Geneviève, qui à la demande de pardon de l’assassin de son père répond sur le champ : « Quand il a eu fini, je me suis levée et puis je l’ai embrassé. Tout le monde a crié. Il m’a regardée : « Tu me pardonnes vraiment ? ». Je te pardonne. À ce moment-là, j’ai senti une libération jusqu’à aujourd’hui. Je n’ai jamais autant pleuré que ce jour-là ».

S’il n’épargne pas l’exécution de la peine, le pardon en atténue la rigueur. D’où, bien sûr, la tentation d’en profiter sans la contrition correspondante. Les cas n’en sont pas rares et l’auteur n’en fait pas mystère. Il reste néanmoins que « pardonner est apparu comme une ressource individuelle et collective de dépassement des divisions passées ». Et vingt ans après, le pays connaît à nouveau un climat apaisé et une relative prospérité.

À la question du titre, l’enquête apporte réponse : si le pardon n’est pas un acte politique, il peut devenir l’horizon et le vecteur d’une politique de réconciliation.

Jacques Le Goff
21 septembre 2015
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