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La Revue Projet, c'est...

Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.

Ce populisme qui vient. Conversation avec Régis Meyran

Raphaël Liogier Textuel, 2013, 112 p., 15 €

Construit sous forme de dialogue, ce livre prend le contrepied des thèses de l’extrême droite sur l’identité nationale et la « menace de l’islamisation » et « nous invite à la résistance intellectuelle, face aux pires idées reçues » (p. 9). En convoquant le regard critique d’un sociologue des religions, il constitue une hygiène intellectuelle indispensable à tout citoyen soucieux de voir clair dans le discours de l’extrême droite. Mais le principal écueil est de fonder l’interprétation du populisme sur un amalgame périlleux : en réduisant celui-ci au « national-populisme » et en appuyant sa définition sur la xénophobie et l’essentialisme culturel, l’ouvrage contribue à alimenter un débat piégé sur la nature du populisme et sa relation à la démocratie. L’enchaînement de la démonstration est ainsi largement prévisible : le populisme est une pathologie de la démocratie ; sa force électorale découle de sa capacité à puiser dans les fantasmes du peuple, tout en se réclamant de son unité et de son « bon sens » ; cette force se double aujourd’hui d’une plus grande élasticité idéologique (le nouveau « populisme liquide » accolant éléments progressistes et réactionnaires, idées de droite et projets de gauche) ; si le populisme est une maladie, c’est que le peuple, en premier, est malade (voire qu’il l’a toujours été ?). Démonstration inéluctable ? Elle est piégée en réalité par des jugements de valeur : l’auteur ne voit dans le peuple qu’une masse ignorante, raciste et xénophobe. Cet essai, qui reprend maintes idées de la « psychologie des foules » d’un Le Bon, aura manqué l’un des objectifs de tout travail sérieux sur le populisme : une analyse philosophique du concept doublée d’un travail historique et sociologique (comparatif) sur les populismes. Travail qui aurait pu montrer que dans certains contextes socio-historiques, comme le monde ouvrier sous la première présidence de l’Argentin Juan Domingo Perón, le populisme a été le berceau d’une politisation, d’un accès au politique, d’une émancipation des exclus.

Federico Tarragoni
9 janvier 2014
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