Le sous-titre de ce livre d’histoire en donne la visée : l’auteur pratique la « variation d’échelles », en croisant les discours officiels au niveau national et international, avec ce qui se passe sur le terrain. Le lecteur plonge dans une histoire événementielle vivante et détaillée, bien complétée par de bonnes annexes et des notes de bas de page. Le livre étudie les relations interreligieuses où sont engagés juifs, chrétiens et musulmans en France entre 1945 et 2000. Dans la première période, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la fin de la Guerre d’Algérie, on assiste à la naissance d’associations telle l’Amitié judéo-chrétienne et à l’émergence de réseaux d’acteurs de l’interreligieux. La deuxième période, de 1962 à 1980, voit s’enraciner le dialogue – c’est l’époque de Vatican II, puis de la rencontre d’Assise. Entre 1980 et 2000, le dialogue devient davantage « citoyen », touchant à la question de la gestion du pluralisme et du vivre-ensemble. C’est aussi le moment où les musulmans sont davantage perçus dans leur identité religieuse – auparavant ils étaient surtout vus comme des immigrés. À travers cette fresque historique, on perçoit à quel point les questions politiques (comme celle du Proche-Orient) interfèrent avec les rencontres interreligieuses. Leur réussite dépend beaucoup des personnes qui s’y engagent – ce qui fait la grandeur, mais aussi la fragilité de toutes les initiatives de dialogue. Deux regrets : la dimension théologique des questions interreligieuses est abordée avec une certaine maladresse. Par ailleurs, l’enquête s’arrête en l’an 2000. Or l’ouvrage est publié en 2013 et bien des changements ont eu lieu entre 2000 et 2013 ! Une mise à jour serait bienvenue pour un certain nombre de groupes et d’acteurs du dialogue.