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Les diasporas, une chance pour l’intégration

Crédits :Elena Dijour / iStock
Crédits :Elena Dijour / iStock

En tant que travailleurs et en tant que consommateurs, les migrants participent à la vitalité économique du pays où ils vivent. La présence préalable d’une diaspora structurée peut faciliter leur intégration.


Déjà, en 1985, Bernard Stasi1, alors conseiller régional de Bourgogne et ancien ministre de l’Outre-mer de Pierre Messmer, estimait que l’immigration était une chance pour la France et pouvait être créatrice de richesse pour le pays. Il se heurtait pourtant à des critiques de gauche comme de droite qui sont les mêmes que celles que l’on peut entendre aujourd’hui sur la question de l’immigration. Quelque trente ans plus tard, Alain Juppé, ancien Premier ministre et fondateur de l’UMP, envisageait dans un discours prononcé à Strasbourg le 14 septembre 2016 que l’immigration pût être heureuse, se heurtant aux mêmes reproches que Bernard Stasi. Comment l’immigration peut-elle enrichir notre pays ?

Les théoriciens de la croissance endogène sont unanimes pour saluer les apports économiques de l’immigration à l’économie d’un pays2. Ils soulignent que l’immigration a toujours été un levier de croissance et de développement : elle est historiquement une réponse à la fois immédiate et pérenne aux difficultés que peuvent éprouver nombre d’entreprises à pourvoir certains emplois. L’immigré occupe le plus souvent ces emplois dont ne veulent pas ou plus les nationaux et qui pourtant sont essentiels à l’économie du pays.

C’est bien ainsi que les États-Unis ont bâti leur modèle et leur consensus social sur l’immigration. À force de travail, chacun pourrait construire sa place au sein de la communauté nationale. Ce fut le cas pour nombre d’Européens et de Japonais au XIXe siècle, puis de Chinois et d’Indiens au XXe qui ont migré vers ce pays. Les premiers arrivants étaient attirés par la perspective de faire fortune en construisant un pays neuf, alimentant les chantiers du télégraphe ou du chemin de fer. Puis, au fil des décennies, l’esprit d’entreprise, vanté aux États-Unis, a relevé pour beaucoup des immigrés : une fois arrivés, certains n’ont d’autre choix que de créer leur entreprise, par laquelle ils créent de l’emploi et de la richesse. De même, en France, où ils contribuent selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à un gain de produit intérieur brut de 0,5 %3.

Les diasporas jouent un rôle de régulateur social, inculquant au nouvel arrivant les valeurs du pays d’accueil et lui signifiant ce qui est acceptable ou ne l’est pas.

Aujourd’hui, Pôle emploi estime le nombre d’emplois non pourvus à plus de 190 0004. On rétorquera que l’on pourrait former des chômeurs nationaux plutôt que de recruter des étrangers. Certes, mais c’est à supposer que le marché de l’emploi en France soit suffisamment fluide pour que les demandeurs acceptent un métier loin de chez eux. C’est tout d’abord en réponse à cette difficile mobilité que peut répondre l’immigration. En faisant la démarche de quitter son pays, l’immigré témoigne qu’il est capable de mobilité et de s’installer là où il y a du travail. Un emploi pourvu par un immigré est un emploi qui sera forcément créateur de richesse pour l’entreprise et le pays. Comment prétendre que l’immigré spolie un national en lui prenant son travail ? À l’inverse, lorsqu’une entreprise ne parvient pas à pourvoir des postes vacants, elle est mise en péril : elle n’est plus en mesure de répondre aux appels d’offres ou d’honorer ses commandes. Un immigré en poste pourrait permettre d’éviter une telle situation. Toute démarche d’immigration est en soi la gestion d’un grand projet personnel et familial. Et, en un sens, on y retrouve des caractéristiques communes avec celle de l’entrepreneur : celle d’une prise de risque importante en se lançant dans l’inconnu. Une immigration isolée ou mal préparée risque de se révéler douloureuse pour les candidats au départ. Aussi ne doit-on pas négliger le rôle que jouent les diasporas : celles-ci constituent un réseau de solidarités dans le pays d’accueil, permettant de prendre en charge à son arrivée le nouvel arrivant et de l’aider à trouver un travail. Par ailleurs, ces diasporas jouent un rôle de régulateur social, inculquant au nouvel arrivant les valeurs du pays d’accueil et lui signifiant ce qui est acceptable ou ne l’est pas.

En France, cependant, toutes les nationalités d’immigrés ne sont pas également constituées en diasporas soudées. On connaît les diasporas chinoise, grecque, arménienne ou encore turque. Quand certains se plaignent du poids de l’immigration et pointent du doigt l’étranger, c’est rarement un ressortissant de ces pays qui est visé. De la même manière, il est d’autres diasporas moins bien connues et pourtant très bien structurées qui facilitent l’intégration : les diasporas congolaises (Brazzaville et Kinshasa), vietnamienne, haïtienne ou tamoule du Sri Lanka. Là encore, on a rarement à connaître de cas où des ressortissants de ces pays sont marqués comme délinquants ou « profiteurs » de notre « généreuse » protection sociale.

L’arrivant est pris en charge par ces diasporas qui lui font aussi bien comprendre que ce soutien n’a pas vocation à se prolonger trop longtemps, avant tout pour une période de transition et d’adaptation au nouveau pays. Très rapidement, l’immigré comprend qu’il lui faudra s’en sortir par ses propres moyens et restituer à la communauté ce que celle-ci lui a donné (ou avancé). S’il veut en rester un digne membre, il doit se conformer à ses règles, notamment celles qui l’engagent à être un citoyen modèle dans le pays d’accueil. Il n’est pas question d’être responsable de la stigmatisation de toute une communauté. Le risque serait de s’en trouver marginalisé, isolé, avec comme seule issue un comportement déviant.

Pendant cette période de transition, il n’est pas rare que le nouvel arrivant travaille pour le compte d’un membre de la diaspora, chef d’une petite entreprise : un petit commerce, un restaurant, une société d’import-export avec le pays d’origine, etc. À mesure qu’il s’intègre, il a vocation à s’émanciper et à devenir à son tour un éminent membre de la diaspora, lui aussi capable d’offrir du travail à de nouveaux arrivants. C’est ainsi qu’on trouve beaucoup d’entrepreneurs parmi les immigrés : une fois formés auprès de la diaspora, ils peuvent créer leur propre entreprise et contribuer à la richesse collective.

S’il n’est pas isolé, l’immigré n’est pas à la charge de la collectivité, contrairement à une idée reçue : il est intégré à une communauté qui le forme et l’emploie. Puis il peut lui-même devenir employeur et contribuer au cercle vertueux de l’établissement de la diaspora. Malheureusement, faute de disposer de statistiques ethniques en France, on ne sait guère chiffrer cet apport des diasporas.

Si l’immigration est, finalement, synonyme de richesse pour un pays d’accueil, c’est notamment le cas lorsque celui-ci est déjà une terre d’immigration !

L’immigré qui est accompagné se trouve être un contribuable solvable. Lors de la période de transition, alors qu’il est employé par un autre membre de la diaspora, il paie des cotisations sociales et celles-ci viennent alimenter les caisses de Sécurité sociale, permettant le versement de prestations à ceux qui en ont besoin. Il contribue aujourd’hui à financer la dépendance ou encore les retraites de nos aînés. Lorsqu’il est lui-même employeur, il contribue toujours mais se trouve de fait exclu des régimes d’indemnisation. Comme n’importe quel entrepreneur non-salarié ou indépendant, il cotise pour une retraite qui sera minime et pour l’indemnisation du chômage dont il ne bénéficiera pas s’il échoue. En cas d’échec, ce sera encore une fois la diaspora qui pourra l’aider à remonter la pente. Au bout du compte, l’immigré est un ménage comme un autre qui consomme des biens et services. Par sa simple présence sur le territoire et sa consommation, il contribue à soutenir des emplois indirects, dans les entreprises auprès desquelles il s’approvisionne et de leurs fournisseurs. De la même manière, il paie comme n’importe qui d’autres taxes, impôts et autres droits d’accises qui viennent alimenter les finances publiques.

Si l’immigration est, finalement, synonyme de richesse pour un pays d’accueil, c’est notamment le cas lorsque celui-ci est déjà une terre d’immigration ! L’affirmation peut paraître à la fois tautologique et paradoxale, mais elle souligne les conditions du succès de l’immigration. Un immigré ne s’intégrera et ne contribuera au bien commun que s’il n’est pas isolé, s’il est attendu, épaulé et conseillé le temps de comprendre les structures et le fonctionnement du pays d’accueil. Les diasporas sont une chance pour une immigration réussie.

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1 Bernard Stasi, L’immigration est une chance pour la France, Robert Laffont, 1985.

2 Robert Lucas, « On the mechanics of economic development », Journal of Monetary Economics, juillet 1988, vol. 22, n° 1, pp. 3-42.

3 « L’impact fiscal des migrations dans les pays de l’OCDE », dans OCDE, Perspectives des migrations internationales 2013, 2013, chapitre III, pp. 133-202.

4 Pôle emploi, « Éclairages et synthèses. Offres pourvues et abandons de recrutement », Statistiques, études et évaluations, décembre 2017, n° 40.


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