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Dossier : Sauvés par la révolution numérique ?

Révolutions industrielles : histoire d’un mythe

Galerie des machines, Exposition universelle internationale de 1889, Paris
Galerie des machines, Exposition universelle internationale de 1889, Paris
Parler de révolutions industrielles est tout sauf neutre. On présente ainsi des évolutions en cours comme inéluctables du fait d’innovations technologiques « miraculeuses ». Et l’on en omet volontiers les incertitudes, les rapports de force, la violence. Histoire d’une mythologie.

Tel le phénix, la vieille expression de « révolution industrielle » ne cesse de renaître de ses cendres. Aujourd’hui encore, elle modèle nos visions du passé, du présent et de l’avenir. De nombreux prophètes des technologies dites nouvelles la mobilisent pour imposer leurs projets, convaincre les pouvoirs et les citoyens de l’urgence de s’adapter au monde numérique. La nouvelle « révolution industrielle », issue de la « révolution numérique », doit ainsi remodeler la société et le travail, le capitalisme et la culture, la démocratie et même, pour les plus exaltés, l’espèce humaine. Depuis les années 1990, l’idiome des révolutions technologiques et numériques s’impose rapidement ; les « humanités numériques » – censées reconfigurer le champ des savoirs – en offrent un exemple remarquable. Mais à quoi servent ces étiquettes ? Que recouvre l’expression « révolution industrielle » et que dissimule sa résurgence pour décrire les trajectoires actuelles ?

Elle a commencé à être employée à la fin du XVIIIe siècle avant d’être popularisée autour de 1830 et de connaître une consécration universitaire dans les années 1880. En France, l’économiste Adolphe Blanqui l’utilise dans son Histoire de l’économie politique (1837) dans un passage où il compare « la révolution française [qui] faisait ses grandes expériences sur un volcan » et « l’Angleterre [qui] commençait les siennes sur le terrain de l’industrie ». Alors que la France était à l’avant-garde de luttes politiques effrayantes pour les élites de l’époque, l’Angleterre se transformait pacifiquement via les mutations de la technologie. Pour ses promoteurs, cette expression devait offrir un antidote aux désordres politiques en substituant « le gouvernement des choses à celui des hommes ». En révolutionnant la production, il s’agissait de refermer la Révolution française et son cycle de violences au profit de l’industrie perçue comme une force pacificatrice. Comme il y a deux siècles, loin d’être une catégorie analytique permettant de penser ce qui advient, la « révolution industrielle » est d’abord une fable qui s’inscrit dans des luttes, elle sert à justifier les mutations en cours en les présentant comme inéluctables car inscrites dans le sens de l’histoire.

Heurs et malheurs de la « révolution industrielle »

Longtemps omniprésente dans les manuels scolaires et les discours décrivant le passage, entre le XVIIIe siècle et le XIXe siècle, d’une société essentiellement agricole et rurale à un monde industrialisé, de plus en plus urbain et envahi par les marchandises, la « révolution industrielle » a pourtant été fortement contestée. L’expression fonctionne en effet d’abord comme un mythe, c’est-à-dire une « image simplifiée et souvent illusoire que des groupes humains élaborent ou acceptent et qui joue un rôle déterminant dans leur comportement ou leur appréciation »1. Diffusée initialement par des économistes marqués par le souvenir de la Révolution de 1789, la « révolution industrielle » est une formule rassurante qui insiste sur le rôle décisif des techniques (la vapeur), le « génie » de quelques inventeurs (James Watt) et la rapidité du processus. À l’inverse, de nombreux travaux ont montré que l’industrialisation fut lente et graduelle, très variable, que la machine à vapeur n’occupa pendant longtemps qu’un rôle secondaire et marginal et ne fut jamais à l’origine du processus2. Loin de découler de quelques innovations miraculeuses promues par des inventeurs héroïques, l’industrialisation du monde fut un processus de longue durée, modelé par les inégalités, par l’accès aux ressources naturelles, par des luttes sociales et politique incessantes.

Loin de découler de quelques innovations miraculeuses, l’industrialisation du monde fut un processus de longue durée, modelé par les inégalités.

Dès lors, l’expression « révolution industrielle » a d’abord une fonction idéologique, elle relève d’une rhétorique qui gomme les incertitudes et les contradictions du processus en le présentant comme linéaire, elle offre un langage simple, voire simpliste, pour expliquer des évolutions compliquées. Elle tord le réel en donnant la primauté à l’Occident, à ses techniques et à ses savants contre le reste du monde, en valorisant la figure de l’entrepreneur et l’innovation contre les artisans et les outils anciens, en célébrant le changement sans prêter attention à ses impacts sociaux ou écologiques. Dans sa fresque Civilisation matérielle, économie et capitalisme (XVe-XVIIIe siècles), Fernand Braudel notait à propos de la « révolution industrielle » : « Si massive, si envahissante, si novatrice soit-elle, elle n’est pas, elle ne peut pas être, à elle seule, la totalité de l’histoire du monde moderne ». Depuis, de nombreux auteurs ont montré la complexité du processus selon les territoires et les époques. Toute tentative pour trouver une date fondatrice à la « révolution industrielle » est d’ailleurs vaine, même si l’année 1784 – date du brevet pris en Angleterre par James Watt pour la machine à vapeur à condensation – est parfois considérée comme un point de départ symbolique3.

L’interprétation de la « révolution industrielle » a par ailleurs beaucoup évolué et fluctué. En Grande-Bretagne, une vision assez négative et pessimiste du processus domine ainsi des années 1880 aux années 1920 alors que le pays semble dépassé par de nouvelles puissances ; dans l’entre-deux-guerres, ce sont surtout les crises qui retiennent l’attention. Durant les « Trente Glorieuses » s’impose à l’inverse une lecture optimiste de l’industrialisation célébrant la croissance, et fondée principalement sur une approche quantitative4.

Les économistes qui inventent puis promeuvent la notion de « révolution industrielle » avant 1945 sont fascinés par l’accroissement de la production et par les gains de productivité permis par les nouvelles formes d’organisation du travail et la multiplication des innovations techniques. La notion de gain de productivité – absente au XIXe siècle – est promue au XXe siècle par la science économique, qui en fait un élément central de son analyse et une conséquence naturelle du progrès technique5. Les gains de productivité deviennent un objectif essentiel de l’organisation sociale, une préoccupation décisive des économistes et des autorités politiques. Mais ils semblent s’essouffler depuis les années 1970, mettant un terme aux révolutions successives qui avaient porté la croissance. Pour les théoriciens actuels de la nouvelle révolution industrielle, principalement des entrepreneurs du numérique et des promoteurs des nouvelles technologies, la « révolution numérique » doit permettre de relancer l’accroissement des gains de productivité en ouvrant un nouveau cycle vertueux de croissance et d’enrichissement par le progrès technique. Ils tentent de s’appuyer sur l’expression vénérable de « révolution industrielle » pour construire des marchés et légitimer des trajectoires techniques aux effets encore incertains.

Nouvelles prophéties technologiques

Dès lors, l’expression « révolution industrielle », reléguée au second plan dans les travaux historiques en raison de son obscurité et de son flou, ressurgit au premier plan de l’actualité. Le numérique et les imprimantes 3D sont promues au nom de la « révolution » qu’ils sont censés inaugurer, et les entrepreneurs de l’internet deviennent des héros démiurgiques au même titre que les grands inventeurs du passé. Ces discours renouent de façon spectaculaire avec l’ancien progressisme technologique, mais ils relèvent surtout de la publicité, servant des intérêts commerciaux et idéologiques. Ils visent à promouvoir l’innovation de rupture contre l’accumulation de savoir-faire qu’aucun individu isolé ne peut s’approprier. Ils servent aussi à lever les blocages en renvoyant les récalcitrants du côté de l’ignorance et de l’archaïsme, alors même que les rapports annonçant les bouleversements sociaux du fait des pertes d’emploi et des dégradations des conditions de travail se multiplient, certains prédisant même la destruction de près de 50 % des emplois aux États-Unis d’ici dix ou vingt ans6. Face à ce cataclysme social annoncé, les militants de la nouvelle révolution industrielle défendent la création d’un revenu de base inconditionnel, seule façon pour les humains de s’adapter à un déferlement technologique présenté comme inéluctable.

Autour des nouvelles technologies de l’information et de la communication et des nouveaux outils de production, qu’il s’agisse des robots ou des imprimantes 3D, de nombreux auteurs s’enthousiasment et annoncent un bouleversement complet de « la conception, [de] l’industrie et [de] la production » 7. Entrepreneurs du numérique, makers fascinés par les « fab lab » et autres « technologies conviviales » prédisent l’entrée dans une nouvelle ère qui verrait les rêves futuristes se réaliser et tous nos problèmes démocratiques et sociaux se régler comme par miracle. Cette rhétorique invite à renouer avec le fil historique du capitalisme qui semblait s’être rompu dans les années 1970, lorsque le chômage de masse et les crises énergétiques s’étaient emparés des sociétés industrialisées. Au lieu de réfléchir à de nouvelles trajectoires, à de nouvelles manières d’organiser la production à l’écart de l’obsession pour la croissance et l’accroissement de la productivité, il s’agit de légitimer les nouvelles filières techniques en les inscrivant dans un passé vénérable, dans la continuité des innovations de rupture que furent la machine à vapeur ou l’électricité.

Il s’agit de légitimer les nouvelles filières techniques en les inscrivant dans un passé vénérable.

Aux États-Unis, l’un des promoteurs de cette vision de la « nouvelle révolution industrielle » est Chris Anderson. Cet ancien journaliste de The Economist, devenu un pilier de la revue Wired avant de prendre la tête d’une start up de fabrication de drones, symbolise plus qu’aucun autre l’origine nord-américaine de cette résurgence du discours sur la révolution industrielle, et ses fonctions idéologiques conservatrices. Le récit d’Anderson est une fable remplie de lieux communs : « Avec un ordinateur portable, écrit-il, n’importe quel gamin peut planter les graines d’une entreprise qui changera le monde » ! S’inspirant explicitement de la science-fiction, l’auteur propose une vision irénique du passé où de grands inventeurs sont parvenus à bouleverser le monde. Peu lui importe que les choses ne se soient jamais passées comme il les décrit, ce qui compte c’est de prouver que ce qui fut autrefois sera encore dans le futur. Celui-ci est décrit aux couleurs qui l’arrangent, promettant par exemple, perle au milieu d’une multitude d’autres, que nous pourrons « photocopier la réalité, du moins aussi fidèlement qu’une reproduction hollywoodienne », car dans le futur nous pourrons tout répliquer sans difficulté depuis notre salon8 !

Jeremy Rifkin est l’autre grand prophète nord-américain de la nouvelle révolution industrielle. Ses discours ont l’oreille des puissants et ses projets sont promus par de nombreux acteurs politiques. Dès 2008, le président du Parlement européen reprenait explicitement son scénario, le seul capable d’offrir « une chance de mettre l’économie européenne en position avancée et viable, et d’assurer ainsi durablement sa compétitivité »9. Pour Rifkin, « la troisième révolution industrielle aura un impact aussi important sur le XXIe siècle que la première sur le XIXe et la deuxième sur le XXe siècle », et elle va modifier radicalement « tous les aspects de notre façon de travailler et de vivre »10. Fondé sur « cinq piliers », sa thèse reste pourtant enfermée dans une vision simpliste des technologies et de leurs effets. Grâce à l’impression 3D, à l’économie hydrogène, à l’internet des objets et à l’économie circulaire, nous sommes censés entrer dans un monde « latéralisé », une « ère coopérative » qui privilégierait « l’interactivité » et où chacun produira son énergie comme il produit de l’information.

Ces innovations et promesses techniques sont justifiées par un discours qui les dote de bienfaits démocratiques. Elles modifieront « notre façon de faire des affaires » comme « notre manière de penser la politique », en instaurant une « économie coopérative » qui rompt avec les anciennes hiérarchies des sociétés industrielles. Facebook et Twitter vont créer une société sans sexisme, sans violence, une société heureuse qui bouleverse les « relations familiales, pratiques religieuses, systèmes scolaires, modèles d’entreprise et formes de gouvernement »11. Mais ces prophéties doivent être prises pour ce qu’elles sont : des discours publicitaires servant avant tout à obtenir des soutiens et des financements. Au milieu du XIXe siècle, la vapeur devait créer l’abondance et faire disparaître les guerres ; au début du XXe siècle, la « fée électricité » devait sauver les petites industries et instaurer un monde magique ; aujourd’hui l’internet est censé résoudre les impasses sociales et environnementales de l’ancien capitalisme en inaugurant une nouvelle ère collaborative et écologique.

Quelle révolution industrielle ?

Les discours de la « révolution numérique » fascinent ; mais ne reposent-ils pas sur une vision erronée et simpliste du passé, qu’ils instrumentalisent pour créer du désir ? Face à la crise sociale et environnementale généralisée, à la complexité croissante du monde, les politiques et les citoyens sont en quête d’espoir et sont prêts pour cela à s’en remettre au premier prestidigitateur venu qui tiendra un discours optimiste. Alors que les prophètes de malheur sont repoussés comme d’inutiles Cassandre, ceux du numérique deviennent les héros de notre monde. Dans notre époque d’injonction permanente à être positif, l’utopie numérique s’impose comme un impératif. Les élites économiques et politiques sont ainsi prêtes à écouter n’importe quel futurologue visionnaire, particulièrement s’il vient des États-Unis et s’il adopte le langage de la modernité numérique. Ce « solutionnisme technologique » – bien déconstruit par Evgeny Morozov12 – prolonge les utopies techniques du passé et leurs rhétoriques révolutionnaires pour mieux vendre leurs projets. Peu importe que le monde et la société s’effondrent sous le poids des déchets, des pollutions, que les psychismes s’épuisent sous l’effet de l’accélération généralisée, les futurologues annoncent la solution, qui sera nécessairement technologique13. Ces nouveaux augures articulent un discours technologique à un discours politique et moral, ils voient dans les machines des solutions aux crises sociales, aux effondrements de toute sorte qui menacent le monde contemporain.

Le constat qui fonde les discours et les scénarios de la « troisième révolution industrielle » n’est pas faux. Rifkin a raison de souligner que les lois de l’énergie gouvernent l’activité économique et que « l’âge industriel fondé sur l’énergie fossile se meurt ». C’est bien l’énergie fossile et les métaux rares qui ont fait le succès économique de notre civilisation, et il est incontestable que les ravages s’accumulent désormais rapidement. « Cette situation grave nous force à réévaluer fondamentalement les postulats qui ont guidé notre conception de la productivité. Désormais, il faudra mesurer celle-ci d’une façon qui prendra en compte à la fois l’efficacité thermodynamique et les conséquences entropiques ». Le constat est juste, mais les solutions proposées sont illusoires, et Rifkin ne saurait être « le sauveur de la planète » 14.

Philippe Bihouix a ainsi montré pourquoi ses prophéties étaient irréalistes, et l’économie « dématérialisée » de l’internet une fable qui esquivait une multitude de questions concrètes concernant le stockage et le transport de l’énergie, comme les vertus soi-disant écologiques de l’internet15. On doit ajouter que ces discours oublient de penser les rapports de pouvoir et les inégalités sociales. Ils construisent un monde profondément antidémocratique qui repose sur les seuls experts et décideurs en laissant de côté les populations invitées à se soumettre aux révolutions technologiques présentées comme inéluctables. C’est d’ailleurs l’un des paradoxes justement pointé par Jean Gadrey : censé promouvoir un pouvoir « latéral », décentralisé et coopératif, ce scénario prospectiviste fait appel à des forces hautement capitalistiques. Supposé réduire les consommations d’énergie, il est fondé sur des systèmes numériques très sophistiqués, centralisés et dévoreurs de métaux rares, via des serveurs géants actionnés par une poignée d’entreprises mondiales qui récoltent au passage des données personnelles sur les heureux utilisateurs. Censé reposer sur la généralisation des énergies renouvelables, il ne calcule ni la matière ni l’énergie nécessaires pour édifier ces machines.

Mais peut-être est-ce justement le secret dissimulé derrière l’annonce répétée de la troisième révolution industrielle : éviter les remises en cause trop radicales, résorber les contestations qui s’élèvent en renouvelant l’utopie des technologies salvatrices qui résoudront naturellement tous les problèmes. Le succès de ce scénario vient de son aspect rassurant et de ce qu’il nous berce d’illusions. Il correspond au désarroi d’une immense majorité de nos contemporains qui attendent des techniciens qu’ils façonnent un monde clés en main, en les dotant de smartphones et d’écrans plats. Comme à ses débuts, l’expression « révolution industrielle » construit une vision progressiste et rassurante de l’histoire, une vision qui donne le premier rôle aux high tech, en gommant les inévitables luttes et choix politiques.

Économie de la promesse et illusions durables

Les discours sur la nouvelle « révolution industrielle » ont l’intérêt de révéler qu’une transformation décisive est en cours. Mais plus qu’un scénario pour l’avenir, ils relèvent davantage de la prophétie, c’est-à-dire de la « prédiction des choses futures par inspiration divine ». Portés par les entrepreneurs du numérique et leurs relais dans toutes les sphères de la vie socioéconomique, ils appartiennent aux rêves, alors qu’ils ne cessent de se présenter comme réalistes. Ils sont déconnectés du passé comme du présent, ils annoncent la gratuité, l’abondance, le partage démocratique et universel alors que partout triomphent la guerre, la misère, l’effondrement du système industriel et technique. Ils entendent rompre avec les vieux pouvoirs et les anciennes formes de la société industrielle, tout en promouvant les mêmes recettes technologiques, le même discours sur la compétitivité, la même croyance dans la neutralité et les vertus intrinsèques du changement technique. Loin de rompre avec les anciennes trajectoires, ces visions iréniques les prolongent, les maintiennent encore en vie et empêchent donc d’expérimenter d’autres chemins.

De même que les mutations économiques et sociales du XIXe siècle ne sauraient être ramenées à une série d’innovations et de bouleversements techniques radicaux, mais tenaient plus profondément à de nouveaux rapports sociaux et à une extraordinaire dépense énergétique, de même les technologies numériques ne résoudront pas par elles-mêmes les impasses dans lesquelles sont plongées les sociétés de croissance contemporaine. Au lieu de s’en remettre toujours à des mages qui annoncent le bonheur pour demain, développons notre esprit critique. Dans des domaines aussi divers que les nanotechnologies, les technologies de l’information et les biotechnologies, le capitalisme actuel ne cesse de promettre, de construire des idées du futur, de stimuler des attentes, de fabriquer des imaginaires puissants afin d’accompagner la diffusion de ses produits en surfant sur les frustrations et les désirs des populations. Mais le monde et son évolution n’obéissent pas aux rêves des entrepreneurs de la Silicon Valley, ils ne suivent pas leurs scénarios préétablis. Le monde de demain ne sera jamais comme le décrivent les techno-prophètes du numérique. L’enjeu n’est pas de se convertir à un scénario élaboré dans le cerveau de quelques démiurges, mais de garder les yeux ouverts, en valorisant par exemple les basses technologies comme l’agroécologie, les innovations douces, en questionnant nos besoins et nos désirs, en repensant les chemins d’une égalité émancipatrice à l’échelle locale contre le gigantisme des infrastructures en cours d’édification.



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1 Michel Callon, « L’innovation technologique et ses mythes », Annales des Mines, 1994, p. 5-17.

2 Parmi de nombreux travaux historiques, voir deux synthèses très utiles : Patrick Verley, La révolution industrielle, Gallimard, 1997 ; et Jeff Horn, Leonard N. Rosenband et Merritt Roe Smith (ed.), Reconceptualizing the Industrial Revolution, The MIT Press, 2010.

3 Christine MacLeod, Heroes of Invention. Technology, Liberalism and British Identity, 1750-1914, Cambridge University Press, 2007, 458 p.

4 David Cannadine, « The Present and the Past in the English Industrial Revolution, 1880-1980 », Past and Present, 108 (1984), p. 131-172.

5 Notamment Jean Fourastié dans sa synthèse intitulée La productivité, PUF, 1952.

6 Cf. Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, « The Future of Employment : How susceptible are jobs to computerisation ? », Oxford Martin School, Programme on the Impacts of Future Technology, University of Oxford, 2013 : http://www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/academic/The_Future_of_Employment.pdf ; Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, Le Deuxième Âge de la machine. Travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique, Paris, Odile Jacob, 2015.

7 Fabien Eychenne, Fab lab : L’avant-garde de la nouvelle révolution industrielle, FYP, 2012, 112 p. ; Aymeric Bourdin, Le Numérique, locomotive de la 3e révolution industrielle ? Ellipses, 2013, 208 p.

8 Chris Anderson, Makers. La nouvelle révolution industrielle, Pearson, 2012, p. 18 et 123.

9 Jérémy Rifkin, La Troisième Révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Paris, Les liens qui libèrent, 2012, 380 p.

10 Ibid., p. 58. Voir l’article de Sylvain Lavelle dans ce numéro.

11 Ibid., p. 201.

12 Evgeny Morozov, Pour tout résoudre cliquez ici. L’aberration du solutionnisme technologique, FYP Éditions, 2014, 358 p.

13 Michael et Joyce Huesemann, Techno-Fix. Why Technology won’t Save Us or the environment, New Society Publishers, 2011 ;

14 Voir par exemple les analyses de Philippe Bihouix, « Pourquoi Rifkin fait fausse route », Les Échos, 14/10/2014, et Jean Gadrey, « Non, Jeremy Rifkin n’est pas le sauveur de la planète », en ligne sur le site Reporterre : http://www.reporterre.net/Non-Jeremy-Rifkin-n-est-pas-le ;

15 Philippe Bihouix, L’Âge des low tech, Paris, Le Seuil, 2014 ; Fabrice Flipo, Michelle Dobré, Marion Michot, La face cachée du numérique. L’impact environnemental des nouvelles technologies, Montreuil, L’Échappée, 2013. Voir aussi l’article de P. Bihouix dans ce numéro.


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