Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site
Dossier : Social : réparer ou reconstruire ?

L’école de production ou la confiance retrouvée


À côté des dispositifs de « rattrapage » scolaire de l’Éducation nationale (comme la réussite éducative), les « écoles de production » (comme les Maisons familiales rurales ou d’autres institutions) proposent une autre réponse, qui permet aux jeunes de se construire.

« Tu vois voler un avion et tu te dis que peut-être dans cet avion, il y a une pièce que tu as fabriquée. » Nous sommes à Toulouse à proximité des usines Airbus, pour lesquelles l’école de production de l’Institut catholique d’arts et métiers (Icam) est parfois amenée à fabriquer des pièces.

Comment croire qu’un jeune de 15-16 ans, en échec scolaire depuis longtemps, qui vit dans un environnement social difficile et dont certaines des activités et des attitudes sont souvent qualifiées de déviantes, puisse un jour devenir un technicien hautement qualifié de l’aéronautique ? Si on pense que tout est de sa faute, c’est impossible ! Si on lui fait confiance, c’est possible !

Le principe de l’école de production est de mettre les jeunes en situation de sous-traitance au sein même de l’école, les deux tiers du temps. Chaque jeune a la responsabilité d’une machine et d’une production à livrer dans les délais, selon les spécifications du client. Ce qui, au collège, mine le moral de certains élèves, c’est qu’ils ne voient pas le sens des efforts qui leur sont demandés. Produire des pièces d’usinage a un sens, basique et valorisant : par exemple, contribuer à construire un avion !

On n’est plus dans le virtuel ou le factice, mais dans l’exigence rigoureuse de la réalité, celle du métal et de la machine. Si, à la fin, il manque 3 centièmes de millimètre à la pièce, cela ne pardonne pas : il n’y a plus qu’à la refaire. Un jour un débutant « tue » la moitié de ses pièces, sans manifester de souci particulier : « J’ai 10/20 ! » nous avait-il dit… Il rentrera petit à petit dans l’exigence de la production, à savoir, se sentir responsable d’une série de pièces sans défaut. Rien de tel pour aider un jeune à construire sa personnalité, surtout lorsqu’il manque quelque peu de repères et de structure.

Le jeune est pris dans toutes ses dimensions, dans une relation de bienveillance de la part des adultes et de confiance petit à petit retrouvée de la part du jeune. L’école est leur « deuxième famille ».

Cela ne se fait pas tout seul. Il y a un encadrement de professionnels du métier, avec, bien sûr, des compétences pédagogiques et éducatives. « Les formateurs sont différents des professeurs, ce sont aussi des collègues de travail », disent les jeunes. En effet, ils n’en peuvent plus de la relation duale prof-élèves, d’autant que, pour beaucoup, elle a fini par mal tourner. Ils trouvent là une relation de compagnonnage : côte à côte, tourneurs ou fraiseurs, ils accomplissent la production et visent à satisfaire un tiers, le client. Cette relation est fondamentale. Le jeune se sent écouté, il peut avancer à son rythme, reprendre confiance. Le bénéfice de cette relation de compagnonnage déborde de l’atelier et profite à toute l’école, dans ses dimensions d’enseignement théorique et d’accompagnement éducatif. Au même endroit, avec la même équipe, le jeune est pris dans toutes ses dimensions, dans une relation de bienveillance de la part des adultes et de confiance petit à petit retrouvée de la part du jeune. L’école est leur « deuxième famille » disent-ils souvent.

Les résultats sont au rendez-vous : 100% de réussite au CAP (certificat d’aptitude professionnelle), insertion professionnelle ou poursuite des études pour la très grande majorité. Et, surtout, une forme de réconciliation réciproque entre les jeunes et la société, permise par une institution qui s’appelle « école », mais « de production ».

À lire dans la question en débat
« Social : réparer ou reconstruire ? »

J'achète Le numéro !
Social : réparer ou reconstruire ?
Je m'abonne dès 3.90 € / mois
Abonnez vous pour avoir accès au numéro
Les plus lus

Les Marocains dans le monde

En ce qui concerne les Marocains, peut-on parler de diaspora ?On assiste à une mondialisation de plus en plus importante de la migration marocaine. On compte plus de 1,8 million de Marocains inscrits dans des consulats à l’étranger. Ils résident tout d’abord dans les pays autrefois liés avec le Maroc par des accords de main-d’œuvre (la France, la Belgique, les Pays-Bas), mais désormais aussi, dans les pays pétroliers, dans les nouveaux pays d’immigration de la façade méditerranéenne (Italie et ...

L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible

Faut-il expurger la Bible ou y lire l'histoire d'une Alliance qui ne passe pas à côté de la violence des hommes ? Les chrétiens sont souvent gênés par les pages violentes des deux Testaments de la Bible. Regardons la Bible telle qu’elle est : un livre à l’image de la vie, plein de contradictions et d’inconséquences, d’avancées et de reflux, plein de violence aussi, qui semble prendre un malin plaisir à multiplier les images de Dieu, sans craindre de le mêler à la violence des...

Aux origines du patriarcat

On entend parfois que le patriarcat serait né au Néolithique, près de 5 000 ans avant notre ère. Avant cela, les femmes auraient été libres et puissantes. Les données archéologiques mettent en doute cette théorie. De très nombreux auteurs, de ce siècle comme des précédents, attribuent la domination des hommes sur les femmes à l’essor de l’agriculture, lors du Néolithique. Cette idée est largement reprise dans les médias, qui p...

Du même dossier

Le travail social sur la sellette

Le travail social a subi de profondes mutations en France ces dernières décennies. Sous couvert de modernisation, un modèle résolument libéral se met en place, selon le sociologue M. Chauvière. Au point d’amorcer la fin du social comme travail ? Au cours des dernières décennies, en France, le couple que formaient l’action sociale (au sens politique et administratif) et le travail social (non-caritatif, salarial et reconnu par les autorités publiques1) a perdu de sa légitimité historique et de sa...

« Dans la charité, je vois une soumission »

Qu’est-ce que la solidarité ? En quoi est-elle différente de la charité ? Des membres de l’association Magdala et du groupe « Fous d’art solidaires » (Secours catholique de Créteil), qui ont l’expérience de la précarité, nous livrent ici leurs réflexions croisées et nous proposent des pistes pour ré-enchanter la fraternité. Comment se fait-il qu’en 2015, des personnes vivent à la rue alors qu’il y a plein de logements ou bureaux vides, que certains soient si riches quand d’autres n’ont rien ? Le...

Québec : les « assistés » font front commun

« Le changement est possible… le monde n’est pas. Il est en train d’être – est en devenir permanent1. » Cette certitude a germé au travers de multiples expériences de dialogue, au long d’un parcours avec les personnes « assistées sociales ». Je me situe dans le mouvement de la conscientisation développé par Paulo Freire, dans sa façon de concevoir l’alphabétisation comme moyen d’appréhender et nommer les réalités, de les transformer ; un mouvement repris et adapté au Québec par le Collectif qué...

Du même auteur

Un tremplin vers l’emploi

Cent mille jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. La pédagogie des écoles de production vise à leur apprendre un métier tout en leur donnant confiance en eux. Un élève, après deux mois dans une école de production, avait produit une série de cent pièces en fraisage. La moitié des pièces étaient mauvaises, elles ne pouvaient pas être livrées au client. Au maître professionnel qui l’encadre, le jeune rétorque : « C’est bon, j’ai 1...

Vous devez être connecté pour commenter cet article
Aucun commentaire, soyez le premier à réagir !
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules