Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site
Dossier : Vers une finance au service de la société ?

Agir en faveur de pratiques fiscales responsables


Constatant « le rôle joué par les paradis juridiques et fiscaux », l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp) « souhaite que le reporting financier des entreprises intègre (…) un reporting financier pays par pays d’implantation de chaque entreprise [et] soutiendra toute initiative (…) allant dans le sens de la transparence financière et du paiement par les entreprises des impôts dus dans les pays où elles opèrent ». Pour les mêmes raisons, « l’Ircantec pourra s’opposer à la résolution sur l’approbation des comptes sociaux d’une entreprise si cette dernière ne publiait pas de reporting financier pays par pays ». L’Erafp est un fonds de pension public qui gère 18 milliards d’euros d’actifs. L’Ircantec est l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques. Ces deux institutions ont respectivement inscrit en 2013 et en 2014 les enjeux fiscaux dans leurs lignes directrices pour l’engagement actionnarial, adoptées à l’unanimité de leurs conseils d’administration respectifs.

Les pratiques d’optimisation fiscale agressive menacent la santé de l’économie, les recettes publiques et la capacité des gouvernements à financer les systèmes de retraite.

Curieusement, le juste paiement des impôts et la gestion des risques fiscaux étaient restés jusque-là le parent pauvre de l’investissement responsable et de la responsabilité sociétale des entreprises. Pourquoi des institutions de retraites publiques se sont-elles emparées du sujet ? Si l’Erafp, par exemple, « exprime sa préoccupation devant le développement de l’évasion fiscale et de (…) montages visant principalement à échapper à l’impôt », c’est que les recettes fiscales financent des services essentiels pour permettre aux communautés, aux entreprises et aux investissements de prospérer. Or l’équilibre d’une caisse de retraite et de ses réserves, comme la capacité d’un fonds de pension à générer des rendements durables à long terme, requièrent une économie saine. Les pratiques d’optimisation fiscale agressive menacent la santé de l’économie, les recettes publiques et la capacité des gouvernements à financer les systèmes de retraite. Au final, ce sont les citoyens qui en paient le prix. Aussi les caisses de retraite et les fonds de pension ont-ils la responsabilité de s’y intéresser et d’en tenir compte dans leurs politiques d’investissement responsable, à travers notamment l’exercice des droits de vote en assemblée générale ou le dialogue actionnarial.

L’impôt n’est pas un coût externe à éviter, mais un paiement légitime qui contribue à créer une valeur durable.

L’absence d’un reporting financier pays par pays a conduit l’Erafp (en 2013 et 2014) et l’Ircantec (en 2014), lors de l’assemblée générale de certaines banques, à un vote négatif concernant les comptes sociaux. Il s’agit certes de « signaux faibles », sans effet direct sur les pratiques des banques. Mais ils s’inscrivent dans un mouvement global : les gouvernements du G20 ont approuvé le plan d’action « BEPS » préconisé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) afin d’assurer que les bénéfices imposables soient localisés là où l’activité économique réelle se produit. Dans ce contexte, les investisseurs devraient s’assurer que le paiement des impôts s’effectue de manière responsable tout au long de la chaîne d’investissement. L’enjeu est aussi fondamental pour eux que la gestion des risques environnementaux et sociaux. Car l’impôt n’est pas un coût externe à éviter, mais un paiement légitime qui contribue à créer une valeur durable. Au-delà du vote des comptes sociaux, quelles nouvelles approches pour accentuer la pression en faveur de pratiques fiscales responsables ? Comment étendre le mouvement au-delà du seul secteur bancaire ? C’est le rôle des administrateurs de caisses de retraite que de promouvoir ces efforts.

Pour aller plus loin, consulter le blog du Réseau des administrateurs pour l’investissement responsable.

J'achète Le numéro !
Vers une finance au service de la société ?
Je m'abonne dès 3.90 € / mois
Abonnez vous pour avoir accès au numéro
Les plus lus

Les Marocains dans le monde

En ce qui concerne les Marocains, peut-on parler de diaspora ?On assiste à une mondialisation de plus en plus importante de la migration marocaine. On compte plus de 1,8 million de Marocains inscrits dans des consulats à l’étranger. Ils résident tout d’abord dans les pays autrefois liés avec le Maroc par des accords de main-d’œuvre (la France, la Belgique, les Pays-Bas), mais désormais aussi, dans les pays pétroliers, dans les nouveaux pays d’immigration de la façade méditerranéenne (Italie et ...

L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible

Faut-il expurger la Bible ou y lire l'histoire d'une Alliance qui ne passe pas à côté de la violence des hommes ? Les chrétiens sont souvent gênés par les pages violentes des deux Testaments de la Bible. Regardons la Bible telle qu’elle est : un livre à l’image de la vie, plein de contradictions et d’inconséquences, d’avancées et de reflux, plein de violence aussi, qui semble prendre un malin plaisir à multiplier les images de Dieu, sans craindre de le mêler à la violence des...

Un héritage tentaculaire

Depuis les années 1970 et plus encore depuis la vague #MeToo, il est scruté, dénoncé et combattu. Mais serait-il en voie de dépassement, ce patriarcat aux contours flottants selon les sociétés ? En s’emparant du thème pour la première fois, la Revue Projet n’ignore pas l’ampleur de la question.Car le patriarcat ne se limite pas à des comportements prédateurs des hommes envers les femmes. Il constitue, bien plus, une structuration de l’humanité où pouvoir, propriété et force s’assimilent à une i...

Du même dossier

L’exclusion bancaire, un phénomène persistant

Des personnes, parce qu’elles ne peuvent bénéficier des services des banques, se retrouvent marginalisées pour des actes quotidiens si simples pour d’autres. Combien sont concernées ? Comment remédier à ce phénomène ? Depuis les années 1950, la société française s’est de plus en plus « financiarisée ». De profondes mutations ont été induites par un cadre législatif (obligation, dès 1973, d’avoir un compte bancaire pour percevoir son salaire et dès 1978 pour les prestations sociales), ou par l’év...

Quand l’engagement actionnarial s’embourbe : le cas de Total

Il est très rare, en France, que des actionnaires minoritaires déposent une résolution à l’assemblée générale (AG) d’une entreprise cotée, car il faut réunir au moins 0,5 % du capital, ce qui peut représenter des montants importants. En 2011, PhiTrust Active Investors en a fait l’amère expérience.Société de gestion connue pour son engagement actionnarial, PhiTrust fut contactée en 2010 par deux ONG, Greenpeace et Natural Resources Defense Council, qui cherchaient à obtenir de Total des informat...

Financiarisation : la révolution silencieuse

Depuis les années 1970, le capitalisme s’est transformé considérablement sous l’effet de la place croissante prise par la finance dans l’économie. Quelle en est l’incidence ? À quel point les marchés financiers sont-ils encore laissés à eux-mêmes ? L’influence de la finance sur l’activité économique, malgré des crises régulières, est longtemps restée relativement cantonnée. En Europe, les marchés étaient de faible taille et très cloisonnés et le secteur financier relativement peu développé. Aux ...

Vous devez être connecté pour commenter cet article
Aucun commentaire, soyez le premier à réagir !
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules