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Comment organiser et financer un système d’aide et de soins pour des personnes âgées qui ne parviennent plus à effectuer les actes essentiels de la vie et dont le nombre est croissant? Le débat sur le cinquième risque a donné lieu, dans les deux dernières années, au travail de nombreuses commissions et à la publication d’articles et de rapports. Il s’est focalisé sur la dimension financière du problème, ce que semble justifier la crise actuelle. Toutefois, la question du financement n’approche que partiellement le sujet. Il importe de prendre la mesure des enjeux non financiers de la dépendance et de décaler la perspective.
Le risque dépendance des personnes âgées concerne, à titre principal, les plus de 85 ans, soit 1,3 million de personnes. Le taux de perte d’autonomie est de 7 % à 60 ans, de 17 % à 80 ans et de 42 % à 90 ans. On décompte ainsi entre 628000 et 850000 cas de dépendance lourde. La dépense publique relative à la dépendance est actuellement d’environ 21,5 milliards d’euros, soit 1 % du produit intérieur brut (Pib). 60 % sont pris en charge par la Sécurité sociale (12,9 milliards d’euros), 20 % par les départements (4,2 milliards d’euros), avec l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa), et le reste par l’État (0,4 milliards d’euros), la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) (3 milliards d’euros), la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) (0,6 milliard d’euros) et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) (0,4 milliard d’euros).
À cette somme il faut ajouter au moins 7 milliards de contribution des ménages au titre des frais d’établissement d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad) et du ticket modérateur de l’Apa, à domicile comme en hébergement. Cette estimation a minima ne comprend pas les dépenses effectuées à domicile en dehors du plan d’aide. Le périmètre des dépenses relatives à la dépendance des personnes âgées est ainsi de l’ordre de 28 milliards en 2008. Une des spécificités françaises est la distinction entre personnes âgées dépendantes et personnes handicapées et l’existence de deux régimes de prise en charge. La possibilité d’une convergence, au nom de l’égalité de traitement tout au long de la vie et à l’image de nombreux pays européens, est un débat important.
Des progrès incontestables ont été accomplis pour les personnes âgées avec la création de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. L’Apa, créée au 1er janvier 2002 (en remplacement de la prestation spécifique dépendance), est ici l’outil principal. Son financement est assuré aux deux tiers par les départements et le reste par la CNSA. Elle a connu une montée en charge très rapide, de 605000 bénéficiaires fin 2002 à 1148000 fin 2009, dont 61 % à domicile. Le bénéficiaire doit avoir plus de 60 ans; ses revenus et son niveau de dépendance, évalué en utilisant la grille Aggir [voir ci-contre, ndlr], sont pris en compte pour fixer le montant de l’aide.
La création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (loi du 30 juin 2004) a profondément modifié le paysage médico-social. Sa première fonction est de gérer l’essentiel des crédits affectés à la perte d’autonomie des personnes âgées et handicapées. S’y ajoute un rôle d’agence : la CNSA développe des programmes à destination des personnes âgées et handicapées (rénovation des établissements médico-sociaux, professionnalisation et promotion des personnels, accompagnement et formation des aidants familiaux, animation du réseau des Maisons départementales des personnes handicapées, amélioration de l’efficacité des aides techniques, développement d’études et de recherches).
Le plan solidarité grand âge (2007-2012) et le dernier plan Alzheimer (2008-2012) ont amélioré sensiblement la prise en charge des personnes âgées. Le secteur des établissements médico-sociaux – 657000 personnes âgées de 84 ans en moyenne dans 6850 Ehpad, 3000 foyers logements, 2000 services de soins infirmiers à domicile fin 2007 – s’est modernisé sous l’impulsion des pouvoirs publics et s’est mis au niveau des standards européens. Plusieurs mesures (généralisation des forfaits globaux, convergence des tarifs soins, reconversion de lits de court séjour hospitalier en lits pour personnes âgées…) ont contribué à cette évolution. Le secteur privé lucratif (26 % des établissements pour personnes âgées) a connu une croissance interne et externe importante.
Six niveaux de dépendanceLa grille Aggir (autonomie gérontologie groupe iso-ressources) répartit les personnes dépendantes en six groupes. L’allocation personnalisée d’autonomie est versée, sous conditions de ressources, à celles qui relèvent des niveaux 1 à 4.
Gir 1 - Personnes nécessitant une présence indispensable et continue d’intervenants
Gir 2 - Grabataires, détérioration mentale grave
Gir 3 - Personnes dont l’activité mentale et partiellement l’activité locomotrice est handicapée
Gir 4 - Personnes qui ont besoin d’une aide pour des activités corporelles
Gir 5 - Personnes qui ont besoin d’aides ménagères
Gir 6 - Personnes en capacité de mener une vie courante
La rédaction de Projet
La modernisation et la restructuration des services d’aide à domicile sont en cours. La promotion d’actions innovantes et la professionnalisation des métiers de l’aide à domicile sont à l’ordre du jour. Plusieurs dispositifs financés par la collectivité contribuent à développer les emplois destinés aux personnes âgées dépendantes, en particulier l’emploi direct par les particuliers (allègement de charges sur les bas salaires, réduction ou crédit d’impôt, simplifications administratives, telles que le chèque emploi service). Pourtant, des difficultés persistent pour satisfaire l’ensemble des besoins des personnes âgées en perte d’autonomie. Par ailleurs, la demande de soins de long terme va connaître une forte croissance quand la génération des baby-boomers atteindra le grand âge.
La famille reste le premier financeur de la dépendance. La charge que celle-ci représente est très importante, à la fois du point de vue de la contribution financière apportée par les proches et de l’aide en nature. En institution, le reste à charge moyen est de 1600 euros par mois (cf.rapport du Sénat 2008) avec de grandes variations (de 1000 à 3000 euros) selon le statut de l’établissement (public, privé ou associatif non lucratif). Connaissant la retraite moyenne (1102 euros pour les femmes et 1588 euros pour les hommes) et le montant moyen de l’Apa (500 euros), on imagine la situation vécue par les classes moyennes. Les calculs de reste à charge montrent que ce sont les personnes dont les revenus sont compris entre 1200 et 1800 euros qui reçoivent relativement le moins d’aide.
Le financement de la dépendance n’est pas non plus sans poser problème aux départements. La charge nette départementale correspondant au soutien aux personnes âgées et handicapées s’élève à 8,7 milliards, une augmentation de 106 % depuis 2000. La part de la CNSA s’est réduite en raison de la conjoncture économique : son taux de couverture est ainsi passé de 36,5 % en 2006 à 30 % en 2009. Il devait être de 28,5 % en 2010, alors que le vieillissement de la population s’est accru. Ce désengagement de l’État est une source d’inquiétude pour les départements1. Il crée une fracture départementale en fonction de l’âge des populations respectives et de la richesse des finances locales, mettant en cause le principe d’une solidarité nationale. Le rapport souligne que 20 départements rencontrent de graves difficultés financières : la croissance des dépenses sociales (dont l’Apa, la prestation de compensation du handicap et le revenu de solidarité active) n’est plus couverte par les ressources correspondantes.
À l’horizon 2040, selon les scénarios, la France comptera de 1,4 à 1,6 million de personnes dépendantes en raison du vieillissement de la population. Le coût de la perte d’autonomie devrait atteindre 40 milliards en 2040. Le montant de l’Apa devrait plus que doubler. La dépense publique consacrée à la prise en charge de la perte d’autonomie représenterait entre 1 et 1,6 % du Pib d’ici 2025 et entre 2 et 3 % à l’horizon 2040. Le coût de la dépendance va donc s’accroître. Les pouvoirs publics sont ainsi confrontés à la nécessité d’une solution financière de long terme pérenne.
Au printemps dernier, plusieurs groupes de travail ont été mis en place par la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, Roselyne Bachelot, relayant tout un ensemble de rapports, en particulier celui du Sénat de 2008 et le rapport de la députée Valérie Rosso-Debord en juin 2010. Un vaste débat s’est engagé sur les contours du risque dépendance, sa nature, la population bénéficiaire, le partage du financement entre contribution publique, contribution familiale, assurance privée…
La première question concerne la nature du risque dépendance. La dépendance est-elle un risque de sécurité sociale de même nature que les autres (maladie, vieillesse…), ou faut-il opter pour une solution mixte : un socle de solidarité publique complété par une démarche individuelle d’assurance privée, voire tout renvoyer à l’assurance privée?
Le ciblage de la population bénéficiaire fait également débat. La solidarité publique doit-elle bénéficier aux personnes qui ont des incapacités légères au motif que les mesures d’aide auront des effets préventifs, ou doit-elle se restreindre aux incapacités lourdes? Dans quelle mesure faut-il moduler l’aide en fonction des revenus? Une autre interrogation concerne le libre choix des familles en matière de prise en charge et la neutralité attendue des financements de la dépendance entre le domicile et l’hébergement. Deux grands scénarios se dessinent pour le moyen terme : la création d’un droit universel à la compensation pour l’autonomie et un modèle mixte combinant appel à la solidarité publique et assurance privée. Entre ces deux extrêmes, une série de modulations est envisageable.
Le rapport de 2007 de la CNSA a défini clairement les principes d’un droit universel à la compensation :
- Permettre à chacun l’exercice de son choix de vie en finançant un plan personnalisé de compensation de l’autonomie après une analyse de la situation propre de la personne, en lieu et place du système complexe actuel. Une approche universelle est combinée avec une approche individuelle. C’est une situation qui doit être compensée et non une catégorie. Avec une idée-force : sortir d’une logique de population cible.
- Faire converger les systèmes de prise en charge des personnes âgées et ceux des personnes handicapées. L’âge doit cesser d’être un facteur discriminant au bénéfice de l’évaluation des besoins et des réponses apportées.
- Construire des réponses de proximité : les conseils généraux se chargeant de la gestion décentralisée des dispositifs de soins et d’aide et la CNSA de la régulation globale et de la réduction des inégalités de traitement.
Le rapport du Sénat privilégie un modèle de financement différent concernant uniquement les personnes âgées. Il met en avant deux types de propositions : l’assurance dépendance privée et le recours au patrimoine des personnes dépendantes. Actuellement, 3 millions de Français environ (pour 13 millions de retraités) sont bénéficiaires d’un contrat d’assurance dépendance (contrat d’entreprise ou contrat individuel). 10 % des plus de 40 ans sont assurés contre la dépendance. L’assurance privée ferait l’objet d’aménagements pour soutenir son développement : convertir des contrats d’assurance-vie en contrats dépendance, sans que cette transformation ne pénalise l’assuré; permettre la déductibilité fiscale des cotisations complémentaires dépendance…
La seconde proposition suppose la mise en place d’un « gage patrimonial », touchant les bénéficiaires de l’Apa les mieux dotés. Deux niveaux d’Apa seraient définis, avec, en cas de perception de l’Apa à taux plein, une part récupérable sur succession. La contribution sur le patrimoine disparaîtrait si le bénéficiaire acceptait de percevoir une Apa réduite de 50 %. La crise financière a suspendu le débat politique sur le cinquième risque et renvoyé la décision politique après les élections présidentielles.
À supposer que les questions financières trouvent une solution, plusieurs problèmes demeurent. La prise en charge publique de la dépendance met en jeu de nombreux acteurs : l’État, les collectivités territoriales (conseils généraux, municipalités…), la Sécurité sociale, la CNSA, etc. Cette complexité est due à la manière dont la couverture de ce risque, non prévu dans le système créé à la libération, s’est organisée. Les financements utilisés proviennent à la fois des impôts nationaux (CSG et CSA) et locaux, ainsi que des cotisations sociales. Cette complexité des circuits financiers a été dénoncée par la Cour des comptes. Le cas français est un compromis entre devoir de solidarité de l’État républicain, vision libérale de la subsidiarité et action sociale facultative des caisses d’assurances et des municipalités.
La complexité, le manque de lisibilité et de coordination de professionnels nombreux, aux cultures hétérogènes, qui gravitent autour de la personne âgée dépendante ont été déplorés de longue date par tous les acteurs médico-sociaux comme par les usagers. Mais les tentatives de simplification (centres locaux d’information et de coordination, réseaux gérontologiques…) ne sont pas parvenues jusqu’ici à des résultats probants. Et pour prendre en charge un nombre croissant de personnes âgées, ces insuffisances seront encore plus marquées alors même que le contribuable, appelé à un effort supplémentaire, ne manquera pas de demander des comptes sur l’usage des financements publics. La montée en charge des systèmes de soins de long terme ne se fera pas sans restructurations profondes. D’ailleurs, l’un des objectifs des agences régionales de santé est précisément de fluidifier les parcours de soins des personnes âgées entre le sanitaire et le médico-social et de gagner en efficience.
Mais, par ailleurs, la croissance massive des services aux personnes âgées dépendantes doit intégrer l’exigence qui se fait jour d’une prise en charge véritablement individuelle, adaptable, globale, évolutive. Cet idéal d’une réponse personnalisée pèse sur les épaules des professionnels. En contrepoint, la floraison des normes collectives établies par les pouvoirs publics pose problème en raison du coût de leur application. Une double requête s’adresse ainsi au secteur médico-social : celle d’une réponse cohérente et efficiente pour des populations de plus en plus nombreuses et celle d’une individualisation croissante des soins de l’aide. Il va falloir faire preuve de pragmatisme pour y répondre!
Une majorité d’études soulignent la charge que représentent les soins à une personne dépendante pour sa famille. Elle peut conduire à l’épuisement de l’aidant, à la détérioration de son état de santé et réduire son espérance de vie. Les difficultés rencontrées par les seniors en charge de leurs parents dépendants peuvent également affecter le mécanisme de la transmission intergénérationnelle des valeurs et des savoirs à la génération la plus jeune. Mais il faut se garder d’une approche schématique, face à des arbitrages familiaux complexes. Certaines familles, certains aidants trouvent des satisfactions à organiser des soins de qualité pour leur parent. Leur préoccupation principale est la bonne gestion de la situation. Il existe une grande diversité des modèles d’aide.
L’économie familiale est bouleversée par la venue de la dépendance et il importe de comprendre quelles sont les dépenses qui ne sont plus possibles une fois financés les aides et les soins, dans quelles conditions et avec quels revenus vit le conjoint non dépendant. Quand l’aidant principal appartient à la génération pivot, ses arbitrages demandent d’être bien perçus, entre l’aide aux vieux parents et celle attribuée aux enfants et petits-enfants. Le mécanisme financier mis en place au titre de la solidarité nationale ne doit pas décourager les solidarités familiales là où elles existent : elles contribuent à l’organisation de prises en charge stables, elles évitent des interventions d’urgence, coûteuses et déstructurantes pour la personne âgée. Au total, le volet économique (et non strictement financier) de la prise en charge familiale de la dépendance est beaucoup plus important qu’on ne l’imagine, mais il est généralement mal connu.
L’incertitude des prévisions et scénarios reste grande. Elle concerne d’abord le nombre de personnes dépendantes dans vingt ou quarante ans, en raison de la prise en compte plus ou moins large des patients atteints de maladies neuro-dégénératives non diagnostiquées et de l’évolution des pathologies. Elle touche aussi la situation des personnels médico-sociaux. Leur rareté relative, leurs revendications professionnelles, l’évolution du coût du travail et du marché noir, les perspectives d’immigration de main-d’œuvre médico-sociale ne permettent pas de faire des prévisions très précises et les scénarios sont très ouverts. De grandes incertitudes existent encore concernant les nouveaux médicaments pour soigner les maladies d’Alzheimer, de Parkinson…
Le secteur des soins de long terme voit se développer actuellement de nombreuses innovations (télé-assistance, télé-surveillance, géo-localisation, domotique, robots…). Mais les effets cliniques de ces innovations ne sont pas toujours clairs. Très peu d’évaluations économiques sont susceptibles de servir d’appui à la décision publique. Les évolutions technologiques vont contribuer à restructurer ce secteur, mais dans quel sens? Quel sera l’usage des robots dans vingt ans, dans les Ehpad par exemple?
Enfin, l’évolution des modes de vie est un autre facteur à prendre en considération. Il y a tout lieu de penser que les générations futures ne s’accommoderont pas des formes de prise en charge actuelles. L’utilisation permanente de l’informatique, le recours à la restauration collective tout au long de la vie, pour ne citer que ces deux exemples, modifieront les modes de consommation et de vie, jusque dans la dépendance.
On estime actuellement à 840000 le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de troubles apparentés. La population atteinte serait de 1,3 million en 2020 et de 2,1 millions en 2040. Ce constat place la maladie d’Alzheimer et les pathologies apparentées, du simple point de vue quantitatif, au centre du débat sur la dépendance. L’inscription de la question dans l’agenda politique a permis de dégager des crédits importants au titre de la recherche et de développer le nombre de places. Mais ce dernier reste encore très insuffisant, même si, en 2009, sur les 7500 nouvelles places créées pour les personnes âgées dépendantes, les trois quarts ont concerné des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Nouveauté importante : la création des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer. Il s’agit d’un lieu de coordination des services existants, sanitaires et sociaux, sans superposition de nouvelles structures. Une centaine de projets sont prévus à l’horizon 2012.
Toutefois, le troisième plan Alzheimer (2008-2012) est loin d’avoir épuisé la question. L’enjeu principal est la capacité de la société civile à se mobiliser dans la durée sur les maladies neuro-dégénératives pour apporter des soins appropriés à l’ensemble des patients et une aide suffisante aux familles des malades. Avant tout se pose la question de la tolérance sociale, du regard sur ces maladies. Les incapacités qui ont pour origine une pathologie physique sont souvent mieux tolérées quand la relation interpersonnelle n’est pas altérée. La première manifestation sérieuse de perte de mémoire n’assimile pas, de facto, la personne à un dément potentiel…
Il faut garder en tête que sur 13 millions de personnes de plus de 60 ans, entre 1 et 1,5 million seulement présenteront des incapacités pour les actes de la vie courante (à des niveaux de gravité plus ou moins importants). La perte d’autonomie n’est pas un passage obligé. La solidarité à l’égard de ces populations doit s’organiser, sans dramatiser à outrance, ni masquer la complexité du problème.
La tournure prise par le débat actuel focalise l’attention sur les aides financières individuelles et en particulier l’Apa. Or ce que nous a appris l’organisation de l’aide aux personnes handicapées, c’est l’importance des réponses collectives. L’aménagement des trottoirs facilite la vie des personnes handicapées en leur permettant de sortir de chez elles, avec tous les avantages en termes de socialisation que l’on sait; mais il bénéficie également aux personnes âgées qui ont du mal à marcher à la suite d’un accident ou d’une maladie, aux parents qui sortent avec un enfant dans une poussette, à ceux qui font rouler une valise, etc.
La définition de normes collectives sur l’environnement urbain et l’habitat, qui n’excluent pas, d’entrée de jeu, certaines catégories de la population, maintient leur mobilité et leur socialisation et ralentit la perte d’autonomie. Si sortir de chez soi est un parcours du combattant parce que la rampe de l’escalier est inadaptée et que la crainte de chute est permanente, les personnes âgées ne sortent plus. Le Japon est souvent cité en exemple. Dès lors qu’il n’y a pas d’écart de niveau entre le quai et le plancher du train, voyager aux âges avancés est moins problématique. Dès que ces personnes trouvent des bancs en suffisance pour se reposer et la possibilité d’accéder à des toilettes dans des conditions convenables, sortir seul est moins problématique et peut se faire sans mobiliser un aidant professionnel. Les arbitrages entre une approche collective et une approche individuelle méritent donc d’être davantage explorés.
L’organisation des soins de long terme apparaît ainsi comme une question bien plus large que ne le laisse suggérer une approche financière. Un changement de culture important est requis des professionnels, autant que de l’opinion publique, pour assurer la croissance des soins de long terme et leur adaptation, malgré le contexte de crise actuelle.
Notes
(1) . En témoigne le rapport sur les finances départementales de Pierre Jamet, directeur général des services du Rhône, remis en avril 2010 au Premier ministre.