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« Travailleurs de tous les pays, qui lave vos chaussettes ? » Le slogan des féministes des années 1970 reste d’actualité. Les femmes consacrent en moyenne deux heures et demie de plus par jour que les hommes aux tâches domestiques, selon le Panorama de la société 2011 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui étudie 29 pays. La cuisine, le ménage, la garde des enfants, la lessive, sont des activités essentiellement féminines qui relèvent du « travail non rémunéré », car il s’agit d’activités pour lesquelles une tierce personne pourrait être rétribuée. Largement répandu dans le domaine du soin à la personne (des nourrissons aux personnes âgées), le travail non rémunéré s’exerce aussi dans les associations caritatives, sportives ou culturelles. Autant d’activités qui participent au bien-être des familles et des communautés, mais qui sont ignorées par les différents indicateurs économiques. Pourtant, le travail non rémunéré représente près d’un tiers du produit intérieur brut (Pib) des pays de l’OCDE. C’est à cette « économie invisible » que l’économie féministe veut redonner sa place.
Dès les années 1960, les thèses de l’économie féministe émergeaient aux États-Unis. Mais c’est avec la naissance de l’Association internationale pour une économie féministe en 1990 et la création de la revue universitaire Feminist Economics en 1994 qu’elle s’affirme en tant que telle. L’économie féministe invite à repenser les relations de pouvoir dans la sphère économique, en soulignant l’importance de la notion de genre, de groupe ethnique, de classe, d’orientation sexuelle, et les différences entre pays du Nord et pays du Sud… Pluridisciplinaire, elle prend en compte les contextes sociaux, politiques et psychologiques dans l’analyse économique et l’élaboration politique. L’économie féministe propose de compléter le Pib par des indicateurs du bien-être humain, social et de la planète pour mesurer la performance économique d’un pays. Elle fait de ce bien-être de l’humain et de la société les objectifs premiers de l’activité économique. Évolutive, elle s’adapte aux avancées de la recherche et aux changements économiques. Ainsi, elle inclut désormais dans son analyse les préoccupations écologiques et la réalité de la finitude des ressources naturelles.
Ce texte s’inspire librement du travail de Maria Riley, militante pour les droits des femmes et fondatrice du projet Global Women au centre de recherche sociale Center of Concern de Washington (États-Unis).