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Film - Le dernier assaut

Sylvain Pioutaz 2012, France, 56 min

Sylvain Pioutaz retrace ici, du premier au dernier jour, le tournage de L’ordre et la morale, le film réalisé par Mathieu Kassovitz en 2011, reconstituant l’« affaire d’Ouvéa » en Nouvelle-Calédonie1. Le making-of est réussi : des décors et costumes aux attitudes des acteurs, les tensions, les incertitudes et les problèmes du tournage sont bien montrés, de même que les interactions de l’équipe franco-kanak de 250 personnes sur l’atoll polynésien d’Anaa qui compte 300 habitants (le tournage n’avait pas été autorisé en Nouvelle-Calédonie). Bernice Utia, la mairesse de l’île, accueille les nouveaux venus par un discours de bienvenue, ceinte de son écharpe tricolore. Elle interviendra à nouveau pour condamner la rixe qui a éclaté entre un Français et un Kanak. Surtout, le documentaire nous met au cœur de cette tentative de filmer un événement historique traumatique, dans une sorte de double introspection. Pour le réalisateur, dont la première prise de contact avec les Kanaks d’Ouvéa remonte à 2001, il faut faire un document aussi précis et impartial que possible : non pas donner de réponse, mais construire le film pour poser des questions. Ni manichéisme, ni héroïsme, mais une recherche. Ainsi cette question récurrente, lors de la reconstitution de la prise de la gendarmerie, dont la rapidité et l’emballement étonnent : « C’était comme ça ? C’était proche de la réalité ? » Cette séquence est aussi l’occasion pour Kötrepi Neudjen, qui a participé à l’attaque vingt-trois ans plus tôt, d’expliquer comment, malgré la volonté d’une occupation pacifique, les hommes étaient venus, par précaution, avec des armes chargées. Une fois la scène tournée, et suite aux applaudissements, Mathieu Kassovitz demande une minute de silence pour les gendarmes tombés : « Ce n’est pas juste un bon plan, ça raconte une histoire. » Les Kanaks présents entament ensuite un chant religieux. Pour eux, le tournage semble opérer une catharsis. Tous sont liés à une histoire, qui est restée tue en grande partie. Pour le film, les aînés doivent se remémorer les différentes étapes, expliquer en détail comment les événements se sont déroulés aux acteurs français comme aux figurants d’Anaa, et surtout les rejouer… Ainsi Iabé Lapacas, joue-t-il le rôle de son oncle, Alphonse Dianou, leader des preneurs d’otages mort lors de l’assaut de l’armée ; Macki Wea, représentant de la délégation kanak, celui de son frère, tué également... Chaque prise leur coûte ; les larmes viennent après. Outre la responsabilité qui leur incombe, ils insistent, tout comme Mathieu Kassovitz, sur l’importance de faire passer l’émotion d’alors. Ce que dit Matha Wea à sa manière, après avoir décrit la manière dont les femmes ont vécu la torture de leurs maris ou de leurs enfants : « Il faut que l’on se mette ça dans le sang, dans le corps. » La transmission est ainsi un aspect essentiel du tournage. À mesure qu’il progresse, les protagonistes ressentent soulagement et apaisement. Espérons-les durables.

Pour voir le film Le dernier assaut

Mardi 4 juin 2013 à 22h50 sur France Ô

Jeudi 06 juin 2013 à 03h50 sur France Ô

Vendredi 07 juin 2013 à 09h05 sur France Ô



1 Le 22 avril 1988, des indépendantistes du Front de libération kanak socialiste attaquent le poste de gendarmerie de Fayaoué, chef-lieu de l’île d’Ouvéa. Ils tuent trois gendarmes français et prennent les autres en otage. Retranchés dans une grotte, ils sont pris d’assaut deux semaines plus tard par l’armée française. Vingt et une personnes sont tuées : dix-neuf Kanaks et deux militaires.

Jean Vettraino
23 mai 2013
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