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Penser le travail avec Simone Weil

Emmanuel Gabellieri Nouvelle Cité, 2017, 166 p., 15 €

La collection « Penser avec » des éditions Nouvelle Cité a pour ambition de présenter avec clarté la pensée d’un auteur sur un thème précis. Emmanuel Gabellieri, qui en est à son quatrième ouvrage sur Simone Weil, relève le défi de condenser en près de 160 pages la complexe et lumineuse pensée de la philosophe sur le travail. On pourrait résumer cette dernière en une seule formule : le travail est médiation entre l’homme et le monde. Dans le contexte du prolétariat industriel, Simone Weil déplore l’aliénation que provoque la séparation entre la pensée et l’exécution, alors que le travail est l’union de l’intention de l’âme et du reflet de cette intention dans la matière. Face à cette aliénation, il s’agit de penser une anthropologie de l’homme « complet », plutôt qu’une révolution violente. C’est là le principal point d’achoppement avec Marx, qui identifie le progrès technique au progrès moral et le place en moteur de l’histoire. Simone Weil critique cette « religion des forces productives » qui se prend à croire que la matière peut fabriquer du bien et de la justice, et que ce bien et cette justice seront les fruits d’une nécessité historique. Simone Weil développe donc une critique générale de la révolution comme événement soudain, eschatologique, dispensant de tout effort moral. Son œuvre vise au contraire un idéal : restituer à l’homme la domination qu’il devrait exercer sur la matière et sur les machines ; que l’homme sache ce qu’il fait et qu’il en perçoive l’usage. Pour cela, elle invite à rassembler les conditions pour que chacun puisse développer la « faculté d’attention » propre à chaque métier, c’est-à-dire qu’il puisse contempler la matière qui se transforme, dans une attente implicite de voir se révéler une vérité inconnue. Comprise ainsi, l’attention dans le travail est à l’ordre intellectuel ce que la prière est à l’ordre spirituel. En dressant ainsi un tableau à la fois chronologique et thématique, Emmanuel Gabellieri offre une introduction approfondie à la pensée de Simone Weil. Les derniers chapitres permettent d’explorer la dernière phase de sa réflexion : le travail prolonge l’Incarnation de Dieu dans le monde, il est à la fois mort à soi-même (fatigue, sacrifice, soumission à la matière) et résurrection (« nouvelle création »).

Louise Roblin
6 avril 2018
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