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Dossier : Risque et précaution

Retour de l'irrationnel ou conflit de rationalités Que mangeons-nous ?


Bien que la diminution du risque alimentaire global semble avérée, les citoyens, avertis par quelques crises récentes, sont de plus en plus perplexes sur la réalité du contrôle sanitaire. Une logique profane, qualitative, en partie liée à la valeur symbolique de l’alimentation, s’oppose à l’approche quantitative et probabiliste des experts.

Le paradoxe déroute de nombreux spécialistes des filières agro-alimentaires : si, objectivement, le risque alimentaire est de plus en plus faible, les inquiétudes du public vis-à-vis de son alimentation semblent de plus en plus fortes. On peut interroger ce paradoxe à trois niveaux. S’agit-il d’une illusion dans la perception, liée à une visibilité croissante de ces risques ? S’agit-il d’un conflit entre experts et profanes, portant sur la légitimité des méthodes d’évaluation et sur la définition de « l’acceptabilité » de ces risques ? S’agit-il enfin seulement de risques, ou ne faut-il pas rechercher aussi d’autres facteurs à la non-acceptation de certains aliments ou procédés ?

Une illusion d’optique ?

Le premier niveau d’interrogation porte sur la réalité même de la diminution du risque alimentaire et la manière dont cette diminution est perçue par le public. Les statistiques des mortalités, et a fortiori des morbidités, d’origine alimentaire ne sont en effet pas aisées à établir sur de longues périodes. Elles ne reflètent que les cas où l’alimentation a pu être directement incriminée dans le décès. Les troubles alimentaires légers ne faisaient pas dans le passé l’objet de consultation médicale systématique. Aujourd’hui encore, les toxi-infections alimentaires ne sont obligatoirement déclarées que lorsqu’elles concernent la restauration collective1. En combinant diverses approches et « dires d’experts », on peut avancer que le nombre total de décès ayant une origine alimentaire directe est, en France de quelques centaines au plus. L’imprécision de cette valeur souligne la nécessité de développer un système efficace d’épidémiosurveillance2. Les cas de morbidité (troubles plus ou moins graves) sont encore plus difficiles à cerner, mais l’on a recensé, par exemple, en 1997 plus de 3 millions de consultations en médecine générale pour diarrhées aiguës3.

En outre, l’incidence indirecte de l’alimentation (d’une consommation excessive de certains constituants – graisses saturées, sucres rapides – ou insuffisante d’autres, fruits et légumes en particulier) sur le développement de certaines pathologies (athérosclérose, cancer du tube digestif) est fortement pressentie mais elle peut difficilement être quantifiée de manière précise. Ainsi, la part globale des cancers en France est passée de moins de 10 % des décès en 1925 à 28 % en 1988. Plusieurs experts estiment qu’une alimentation inadéquate pourrait être impliquée dans 30 % de ces cas4. De tels chiffres, malgré leur imprécision, révèlent que, en termes de facteurs de mortalité, les effets indirects des composants « ordinaires » de l’alimentation pourraient être beaucoup plus importants que les effets directs (par des contaminants chimiques ou microbiens éventuels).

Hormis quelques cas particuliers (botulisme, listériose...), les indicateurs utilisés pour témoigner d’une diminution du risque alimentaire sont donc le plus souvent indirects : ils concernent des facteurs de risque potentiel. Ainsi, l’éradication de la brucellose bovine, la réduction des salmonelloses dans diverses filières animales, la diminution de la contamination bactérienne des laits, le développement des pratiques d’hygiène dans l’agro-alimentaire, ont contribué à réduire fortement l’exposition de la population à des risques d’origine alimentaire.

Si la diminution du risque alimentaire global semble avérée, il faut cependant reconnaître l’émergence de maladies, liées aux nouvelles pratiques alimentaires. L’élimination de la plupart des bactéries peut favoriser le développement de certaines ! Apparaissent les maladies de conservation à basse température, dont les listérioses constituent l’exemple le plus connu. Certaines bactéries sont peu compétitives à température ordinaire et dans des milieux où de nombreuses autres bactéries sont présentes. En revanche, à basse température et dans des milieux ou l’on a cherché, à juste titre, à réduire la charge bactérienne globale, les bactéries du genre Listeria (il en existe de nombreuses espèces et souches, beaucoup n’étant pas pathogènes) ont une capacité de croissance qui leur permet de proliférer sans compétition avec les autres bactéries. Résultat : la listériose est responsable chaque année d’environ un décès par million d’habitants5 dans les pays industrialisés, alors qu’elle semble absente des pays en développement6.

Il faut compter aussi avec les « maladies de recyclage », liées à la réutilisation à grande échelle de certains sous-produits de la chaîne alimentaire. Ces pratiques ont été considérées comme écologiquement et économiquement pertinentes aux moments des crises pétrolières, et rendues nécessaires par la faible valorisation de certains produits7. Mais elles sont apparues porteuses de risques potentiels, dès lors que certains procédés n’avaient pas été suffisamment testés. L’exemple des farines animales et de la vache folle, celui des huiles de friture et de la dioxine sont deux cas exemplaires de telles « maladies de recyclage ».

Le caractère nouveau et non anticipé de tels problèmes peut expliquer la perplexité des citoyens sur la réalité d’un contrôle effectif du risque dans la chaîne alimentaire. Ces interrogations conduisent à douter de la valeur des évaluations quantitatives (en termes de probabilité) de tel ou tel danger, dès lors que certains d’entre eux ne semblent même pas avoir été, au moins qualitativement, identifiés. De nombreux accidents technologiques récents (Seveso, accidents nucléaires, dioxine...) ont été considérés a priori comme hautement improbables, en faisant l’hypothèse que les procédures prévues étaient évidemment respectées. On a souvent limité l’expertise a priori à l’évaluation des risques intrinsèques et purement techniques (que j’appellerais volontiers « risques asymptotiques »). Mais on a méconnu le fait qu’un objet technologique d’aujourd’hui – et l’aliment en est un – est un produit « hybride » complexe, dont la conception, la fabrication et la gestion mêlent étroitement du technique et de l’humain8. La genèse du risque « réel », et donc son évaluation, implique aussi bien des dysfonctionnements technologiques que des « erreurs humaines ». Ces deux éléments interagissent parfois dans des cercles vicieux générateurs de catastrophes (un incident technique imprévu créant une « déstabilisation » génératrice de réactions humaines inadaptées). Le citoyen perçoit quant à lui le risque réel : il peut, même confusément, ressentir cette distorsion entre l’affirmation des experts et son vécu quotidien (comme lorsqu’on lui annonce, chaque année, que l’on a observé une crue ou une tempête décennale ou séculaire).

Un autre phénomène est à prendre en compte dans la perception du risque : il tient à l’amélioration considérable de la sensibilité et de la rapidité des systèmes d’alerte. Lors de l’alerte à la listériose de décembre 1999, le public a peut-être été surpris que l’on parle « d’épidémie » pour un nombre total de six cas, dont deux mortels9. Les progrès de l’informatique et un dispositif puissant de centralisation des données (géré par l’Institut de veille sanitaire) permettent de repérer très vite des cas cliniques peu nombreux mais dont la localisation et la coïncidence font suspecter une origine commune. Un système d’enquête approfondi vise ensuite à définir les éléments d’histoire commune des patients (notamment en termes alimentaires). Enfin, les progrès de la biologie moléculaire autorisent à conclure sans ambiguïté à l’identité entre la souche pathogène isolée chez ces patients et l’une de celles repérées dans des produits alimentaires. La volonté légitime d’éviter d’autres cas conduit alors, pour prévenir les personnes « à risque », à une médiatisation forte de l’événement, grâce aux moyens modernes de communication. Les morts d’origine alimentaire, autrefois rarement signalées, figurent désormais parmi les plus médiatisées des 2 000 ou 3 000 décès quotidiens observés dans la population française. Cette sensibilité peut ainsi conduire à une surévaluation du phénomène, souvent observée pour les risques faibles, alors que les risques forts resteront, au contraire, sous-évalués.

Deux approches différentes du risque « acceptable » ?

On ne saurait nier l’influence des processus décrits précédemment sur la perception du risque. Ils ne rendent pas compte cependant de l’ensemble du paradoxe, qui touche à la nature du risque et à son acceptabilité.

Pour mener des évaluations comparatives des différents risques, les experts ont développé une métrique dérivée de la théorie des jeux, selon laquelle le risque se définit comme le produit du danger par sa probabilité d’occurrence. Le danger (ce qu’il adviendra si le phénomène se produit) peut être mesuré en nombre de cas (de malades ou de morts) ou transformé en coût financier pour ceux qui devront en assumer la responsabilité éventuelle (Etat, compagnie d’assurance...). Une telle approche permet, par exemple, de comparer le risque du nucléaire civil, qui peut causer des dommages importants, mais avec une probabilité très faible d’advenir, à celui des allergies aux piqûres d’insectes, qui affectent moins de personnes mais avec une incidence plus forte.

Séduisante d’un point de vue technocratique, cette métrique, basée sur la loi des grands nombres, est confrontée à celle du citoyen. Celui-ci ne dispose le plus souvent que d’un nombre limité d’essais, en particulier lorsque le risque peut être fatal. La théorie des jeux est utile aux joueurs professionnels mais elle peut parfois inquiéter un amateur qui ne jouera qu’une fois ! Pour les actes de sa vie courante – et l’alimentation en est un –, le citoyen préfère disposer d’indicateurs binaires (c’est ou ce n’est pas dangereux), traduits par des « signaux » permettant une décision rapide, à l’image de la signalisation automobile. On imagine mal tous les panneaux indiquant un danger ou une interdiction remplacés par un affichage de probabilité d’accident !

A défaut de disposer personnellement d’un grand nombre d’essais, le citoyen accepterait une application de la loi des grands nombres à l’ensemble de ces concitoyens, le risque frappant de manière aveugle. Une telle acceptation, sorte de mutualisation du risque, n’est cependant possible qu’à deux conditions. D’une part, il doit exister une certaine « égalité des chances », c’est-à-dire que le citoyen doit avoir le sentiment qu’il ne sera pas plus exposé qu’un autre et qu’il n’y aura pas de « passe-droit ». Or la situation actuelle du système alimentaire, plutôt opaque pour le consommateur moyen, risque de conduire certains à douter de cette hypothèse et à se demander s’ils ne font pas partie, sans le savoir, de « populations à risque ». D’autre part, le citoyen doit se reconnaître solidaire de ceux avec lesquels il partagera le risque. Pour prendre l’exemple des assurances, le choix d’une compagnie d’assurance est souvent lié à l’hypothèse d’une similitude entre son propre comportement (par exemple pour la conduite automobile) et celui des autres assurés. On imagine les réticences qui s’exprimeraient si l’on proposait de créer une compagnie unique d’assurance automobile ! Or, dans le cas du risque alimentaire, si le citoyen accepte une mutualisation du risque dans un cercle restreint de familiers (la cuisine familiale, les conserves de grand-mère...), il consentira avec réticence à accepter une mutualisation plus large, imposée, avec d’autres opérateurs de la filière agro-alimentaire dont il ignore les pratiques.

C’est pourquoi le discours probabiliste constitue à mon avis une première pierre d’achoppement dans la comparaison des perceptions du risque par les experts et par les citoyens. Il introduit des présupposés implicites auxquels le citoyen peut refuser d’adhérer. Là où les experts regarderont surtout les probabilités (car les experts aiment quantifier), les citoyens se focaliseront davantage sur le premier terme de l’analyse du risque, la nature des dangers potentiels.

Intervient ici une seconde divergence : la notion de « qualité » du danger, définie par un ensemble de caractéristiques qui, à risques similaires, conduiront le citoyen à considérer certains comme acceptables et d’autres non. Cette analyse a été particulièrement développée par le sociologue Paul Slovic, sous le terme de « paradigme psychométrique »10. Il s’est intéressé à un certain nombre « d’attributs » d’un risque susceptible de moduler son acceptation, parmi lesquels :

– Le caractère volontaire (je décide de m’exposer au risque) ou subi (quelqu’un d’autre m’y expose) du risque.

– Son caractère connu (je sais à quel moment je m’expose) ou inconnu.

– Les conséquences immédiates (je perçois rapidement les effets éventuels) ou différés du danger, le cas des conséquences subies par les générations à venir étant un cas extrême d’effets différés.

– Le caractère juste (ceux qui créent le risque sont ceux qui y sont exposés) ou injuste du risque.

– Son potentiel catastrophique, c’est-à-dire le nombre de gens concernés par le problème.

– La confiance ou non dans l’évaluation du risque faite par les scientifiques.

Ce paradigme, dont la pertinence est étayée par des études empiriques, amène à considérer que les caractéristiques qualitatives d’un risque sont, pour le citoyen, au moins aussi importantes que ses caractéristiques quantitatives pour conduire à son acceptation ou à son refus.

Si l’on examine maintenant dans cette optique les risques alimentaires et l’évolution récente de notre société dans ce domaine, on est amené à souligner tous les facteurs qui ont progressivement éloigné le consommateur du producteur de son alimentation. De l’alimentation rurale, produite, préparée et consommée dans un cercle familial, on est passé à une alimentation urbaine, produite par des opérateurs dispersés à travers le monde et préparée industriellement. Cette évolution a conduit à un basculement de la plupart des attributs précédemment définis : volontaire, connu, juste et à conséquences immédiates et limitées dans l’alimentation traditionnelle, le risque alimentaire est devenu inconnu, subi, injuste, porteur de menaces différées (risques liés aux pesticides, aux métaux lourds...) et susceptible de toucher un grand nombre de personnes. Ce « potentiel catastrophique » résulte en particulier de la concentration qui s’est opérée à tous les niveaux du système alimentaire, depuis la production et la transformation jusqu’à la distribution et la consommation (restauration collective, cantines desservies par un même prestataire...). En raison de la modification de ces attributs qualitatifs, l’acceptabilité du risque s’est donc dégradée, en dépit des affirmations des experts sur sa réduction progressive, en termes quantitatifs. Cette évolution peut s’illustrer par le cas du botulisme, intoxication grave liée à une mauvaise stérilisation des conserves. Assez fréquente autrefois lorsque les conserves étaient issues de fabrications familiales, cette intoxication s’est beaucoup réduite grâce aux progrès de la stérilisation industrielle. Néanmoins, le botulisme « familial » était bien plus acceptable que le botulisme « industriel » !

Si cette approche des « qualités » du risque est pertinente (elle peut en tout cas rendre compte du paradoxe évoqué en commençant), elle peut fournir des clés pour une « réconciliation » du citoyen et de son alimentation. En particulier, les questions de l’étiquetage des aliments, de la traçabilité des produits, du renforcement de la crédibilité des instances d’évaluation et de contrôle et de la transparence de l’information, prennent ici toute leur importance, même si ces mesures n’ont que des effets limités sur les probabilités d’occurrence des dangers alimentaires. Elles visent moins, en effet, à tendre vers un hypothétique « risque zéro » qu’à modifier certaines « qualités » du risque, et donc son acceptabilité par les citoyens.

S’agit-il vraiment de risques ?

Même si les approches précédentes nous semblent apporter des éclairages pertinents pour la compréhension du risque alimentaire, nous souhaitons nous interroger pour finir sur la valeur même de la notion de risque pour appréhender les phénomènes d’acceptation ou de non-acceptation de certaines évolutions technologiques. Comme le souligne le sociologue Claude Fischler, l’aliment est la plus intime de nos consommations, car il s’incorpore in fine à notre propre substance : « L’on devient ce que l’on mange. »

Le fait d’accepter ou non de consommer un aliment résulte d’un jugement implicite sur l’adéquation entre ce que nous sommes (ou souhaitons devenir) et les caractéristiques, matérielles ou symboliques, de cet aliment. Les croyances traditionnelles (depuis les pratiques cannibales jusqu’aux adages comme : « les travailleurs de force doivent manger de la viande »), les pratiques religieuses mais aussi les messages modernes de la publicité (« l’eau neuve de vos cellules ») soulignent l’importance de cette approche de l’aliment. Elle est régie par l’opposition entre le goût et le dégoût, qui introduit deux catégories strictes, le noble et l’ignoble, entre lesquelles il n’existe que peu de statuts incertains. Ces catégories varient fortement d’une culture à l’autre (voir le statut du porc, du chien, du lapin, des grenouilles ou des escargots selon les pays), elles apparaissent pourtant peu flexibles au sein de chaque culture, en particulier pour un passage possible du dégoût au goût.

Une telle remarque conduit à s’interroger sur ce qui conduirait à la transition inverse, individuelle ou collective, du goût au dégoût. Cette transition résultera, en particulier, de la « pollution » du noble par l’ignoble, par exemple lorsqu’un consommateur apprend que l’on a introduit des résidus de fosse septique dans une chaîne de fabrication d’aliments pour animaux. Quelle que soit l’importance quantitative de cette « souillure », quelle que soit son innocuité, cette information crée un sentiment de transgression et d’indignation : le rejet est immédiat et difficilement réversible. Claude Fischler11 parle d’un « principe de contagion » : dans la pensée symbolique, lorsque le noble a touché l’ignoble, il est définitivement souillé, à moins de recourir à des rites de purification ou d’expiation dont notre société n’a pas encore explicitement défini les modalités12.

On peut se demander si, face aux changements du système alimentaire, des transitions de ce type, provoquées par des associations fortuites ou délibérées entre des éléments « nobles » et « ignobles », ne constituent pas un facteur majeur de l’évolution des comportements alimentaires. On pourrait, par exemple, analyser ainsi le « scandale » des vaches carnivores, à savoir l’utilisation de farines animales dans l’alimentation des bovins, pratique que les nutritionnistes avaient considérée, sur un plan strictement technique, comme une bonne solution pour couvrir les besoins d’animaux performants. Dans ce cas, l’apparition tardive d’un problème (la maladie de la vache folle) est souvent présentée comme la sanction légitime de la transgression.

Nous avons souhaité montrer, dans cette brève présentation, tout ce qui séparait la rationalité profane, qualitative et symbolique, de l’alimentation et les approches quantitatives développées par les experts de l’analyse de risque. Là où l’expert dira « probabilités », le citoyen appliquera la devise de la République et n’acceptera la fraternité (la mutualisation du risque) que si on lui assure la liberté (savoir et pouvoir décider si l’on s’expose ou non) et l’égalité (le risque étant juste et réparti de façon égale sur tous).

Il serait illusoire d’envisager, a fortiori de souhaiter, la disparition de l’une de ces rationalités. Il me semble, au contraire, que la reconnaissance et la compréhension mutuelle de leur intérêt et de leurs limites sera pour l’avenir le gage d’une alimentation vécue comme un espace de plaisir, de créativité et de liberté. La participation des citoyens aux instances d’évaluation du risque, dans le cadre de « comités hybrides » ou de conférences de consensus, représente une piste qui n’est pas sans poser de nombreux problèmes théoriques et pratiques (mode de désignation des membres, critères utilisés, mode de décision, reconnaissance internationale...) mais qu’il convient sans doute d’explorer, au moins pour les questions relatives à l’alimentation. Si elles concernent chacun et de manière extrêmement quotidienne13, elles ont vocation à être un champ privilégié d’exercice de la démocratie.



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1 On recense en France environ 400 événements de TIAC (Toxi-infections alimentaires collectives) par an, affectant au total 5 000 à 10 000 personnes et causant in fine 1 à 5 décès, ces chiffres étant assez stables au cours des années récentes (Marion Guillou in Risque et Société, Actes du colloque de la Cité des Sciences et de l’Industrie de novembre 1998, éd. Nucléon, Gif, 1999).

2 L’AFSSA et l’IVS (Institut de veille sanitaire) ont récemment décidé d’entreprendre conjointement ce travail.

3 S. La Vieille, Rapport interne AFSSA 1999.

4 M. Tubiana, Risque et Société, cf. note 1.

5 Ce chiffre a cependant été divisé par 3 en dix ans.

6 J. Rocourt, CHOLE-DOC, n° 53, mai/juin 1999.

7 Dans le cas des animaux d’élevage, de nombreux morceaux autrefois consommés par l’homme doivent maintenant trouver d’autres usages.

8 Sur cette conception des « objets techniques », voir en particulier le point de vue de Bruno Latour dans le séminaire du Cnrs, Risques collectifs et situations de crise, éd. du Cnrs, 1994.

9 L’épisode de 1992, qui concernait également des produits de charcuterie, avait fait 279 victimes.

10 Voir, par exemple, le chapitre 5 de Social theory of risk, 1992, S. Krimsky and O. Golding (eds), Praeger, Westport, Connecticut

11 Cf. le Bulletin de l’IFN, n° 70, novembre 1999.

12 On trouverait cependant dans certaines crises récentes des similitudes fortes avec la vieille tradition du bouc émissaire et expiatoire.

13 Voir par exemple sur ce sujet l’article de Michel Callon, « Des différentes formes de démocratie technique », Annales des Mines, janvier 1998.


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