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Dossier : Risque et précaution

Limites de la déresponsabilisation assurée


Face au risque, la demande de protection a été honorée par le développement de l’assurance et une socialisation généralisée. Mais le risque est une construction culturelle avec d’importants facteurs d’interprétation personnelle. La montée des périls collectifs et les incertitudes de l’action comme de l’expertise cultivent le doute, et tendent à faire des responsables de nouveaux coupables.

Le danger, et son corollaire la conscience du danger encouru, est une notion très ancienne pour laquelle les Grecs avaient un mot, kindunos. Mais les professionnels d’aujourd’hui utilisent cette racine dans un sens tout différent avec la cindynique, science appliquée qui combine le calcul des probabilités, la technique actuariale, les méthodes d’analyse des situations à risque et l’évaluation des stratégies de prévention comme de réponses aux catastrophes.

Le risque n’est pas le danger ; il est l’évaluation de la probabilité d’être affecté par un danger plus ou moins clairement reconnu. La prise de risque suppose un calcul coût-avantage. Parler de risque implique de mettre en balance la probabilité d’accident avec une situation recherchée, acceptée ou subie. Le risque est un concept abstrait : il naît culturellement avec l’assurance dont les premières formes apparaissent dans le milieu du grand commerce maritime à Gênes et à Venise au XVe siècle. Pascal, pensant atteindre les esprits forts, ou libertins, plus facilement par le raisonnement que par l’éveil de la foi, place, au début de l’Apologie, le fameux pari qui repose sur un calcul de risque avec coût exposé, minime, et espérance de gain, infinie.

Au XIXe siècle, le développement de l’assurance donne naissance à l’un des secteurs les plus stables du capitalisme. Les risques identifiés, circonscrits et, donc, évaluables, sont assurables. Ainsi des navires, des immeubles... Un peu plus tard se met en place l’assurance vie, forme d’épargne au profit de la génération future dans laquelle les perdants sont ceux qui, vivant vieux, auront cotisé longtemps. La création des chemins de fer entraîne une première intervention de la puissance publique au titre du risque. La loi de 1841 fait obligation aux compagnies concessionnaires de prévoir des indemnisations en faveur des victimes d’accidents. Il en ira de même dans les conventions internationales du transport aérien auxquelles tous les transporteurs souscrivent. Le risque sur le plan social n’existe que comme contrat d’assurance ; il s’agit, sauf exception, d’une affaire privée. Les calamités naturelles sont exclues de l’assurance, parce que trop mal évaluables et il n’est pas question que l’Etat indemnise. C’est en 1982 seulement, dans un contexte culturel bien différent, que les sociétés d’assurance incluent les dommages dus aux forces de la nature.

Avant 1898, en France, l’accident du travail n’est un risque ni pour le patron qui n’est pas tenu de s’assurer, ni pour la victime. Selon une jurisprudence bien établie, celle-ci n’a à s’en prendre qu’à elle-même ou à la malchance. La protection contre l’accident ne fait pas partie du contrat de travail.

Socialisation des risques

Depuis lors, un changement considérable s’est produit, consacré par le législateur et renforcé par la jurisprudence qui veut que les victimes soient indemnisées, soit sur base privée mais garantie, soit par la collectivité au titre de la solidarité. Les automobilistes sont légalement tenus d’être assurés pour les dégâts matériels ou humains faits à des tiers. L’Etat impose des contraintes d’assurance pour certaines relations éventuelles entre particuliers. De même, les architectes et les constructeurs sont astreints à la garantie décennale : ils doivent prévoir de faire face, d’où, pour eux aussi, nécessité d’assurance. La mise en œuvre demande, on le sait, de difficiles évaluations du partage des responsabilités, car une assurance couvre un responsable. En dehors de toute question de faute et imputation pénale contre des personnes qui peuvent éventuellement interférer, il faut déterminer qui doit payer, ce qui peut conduire les avocats et les tribunaux civils à chercher qui peut payer.

Toute différente est l’intervention de l’Etat au titre de la solidarité nationale. La première guerre mondiale a entraîné, parmi d’autres et innombrables conséquences, la création d’un plan d’indemnisation des victimes de guerre. Les dommages, humains et matériels, appellent à trouver compensation au moins financièrement et partiellement. Ce fut le point de départ d’une inflexion où la recherche de responsables s’efface derrière l’évaluation des dommages qui, de loin, va primer.

L’Etat-providence combine, en proportions variables selon les pays (en France avec un degré élevé de confusion historiquement stratifiée), le principe de l’assurance individuelle assise sur les cotisations de la population active employée et celui de la solidarité qui justifie la progressivité des contributions selon les ressources et l’appel à l’impôt en faveur de bénéficiaires qui peuvent n’avoir guère cotisé. Le devoir de prévoyance individuelle enseigné au titre des vertus laïques dans les écoles communales était, croyait-on, passé de mode. Le débat sur les fonds de pension et la capitalisation le voit ressurgir aujourd’hui dans un tout autre contexte. Car la prévoyance individuelle est collectivisée ; il ne s’agit pas pour chacun d’être son propre assureur mais de contribuer à l’équilibre des charges entre les générations. On peut penser que les fonds de pension ne soulèveraient aucun écho favorable si le dynamisme retrouvé de la croissance, technologie aidant, ne donnait de bons espoirs de rentabilité à l’épargne ainsi investie.

Parallèlement, et sans doute avec un effet de convergence et de renforcement, sans qu’on puisse assigner clairement un sens de causalité à ces changements, la demande adressée à la puissance publique est allée croissant. La protection contre d’éventuels dommages et la prise en charge des conséquences négatives d’événements plus ou moins prévisibles, inévitables et indépendants de l’action humaine fait partie des attentes communes. La demande de protection est traitée par l’assurance et par une socialisation généralisée. La responsabilité personnelle disparaît derrière des procédures efficaces de prise en charge.

Pendant une petite vingtaine d’années, plein emploi aidant, et dans un climat général d’optimisme pour l’avenir, le rêve du risque zéro a eu quelque consistance.

Cet âge d’or a eu une fin. Risques technologiques, sida, effet de serre et trou d’ozone, dégâts écologiques, peurs, abîmes de perplexité suscités par les fantastiques avancées de la génétique, mais aussi insécurité urbaine..., autant de chapitres qui semblent voués à ne plus sortir de l’actualité. Le niveau de sécurité des espaces publics historiquement exceptionnel qui avait été atteint paraît, lui aussi, révolu.

Bonnes raisons subjectives et raison démonstrative

On parle communément de perception des risques, comme si cette notion complexe pouvait être objet de jugement perceptif, comme si l’évaluation subjective du risque se situait normalement sur le même plan que les éléments statistiquement établis. Or il n’en est rien. Le rapport vécu au risque implique une sorte de calcul avec des hypothèses probabilistes, en partie informées et interprétées en relation avec des facteurs personnels.

Dans une thèse récente, dont on espère pour bientôt la publication et à laquelle cette page doit beaucoup, Patrick Peretti-Watel1 montre de façon convaincante que la prise en compte, ou l’évaluation, d’un risque doit être vue comme une représentation sociale fort construite. Il identifie deux mécanismes principaux. L’un concerne la représentation de la causalité, l’autre la propension à exorciser la menace ou à l’exagérer.

Le premier relève de la rationalité cognitive au sens que Raymond Boudon2 lui a donné. Les croyances reposent sur de « bonnes raisons » lesquelles peuvent heurter les esprits rationnels, informés de la science actuelle, mais n’en sont pas moins rationnelles, subjectivement, car c’est d’une représentation de la causalité qu’il s’agit. Denise Jodelet, psychologue sociale, a décrit comment, confronté au sida, tout un chacun a développé une interprétation bricolée de la contagion lui permettant de se retrouver en terrain connu. Le porteur sain a servi, mais aussi le châtiment divin des déviants sexuels. Des anxieux se sont mis à craindre la contagion par la sueur des mains...

Je ne me représente un risque que selon un schéma de causalité, dans lequel j’ai, ou non, une place. Si je pense qu’un réacteur nucléaire d’une centrale Edf n’est guère autre chose qu’une bombe ralentie, je serai sans doute enclin à majorer le risque encouru et j’inclinerai sûrement en faveur de l’arrêt de l’équipement. Si je sais, fût-ce sommairement, comment les centrales du programme français sont programmées pour s’arrêter en cas d’incident et qu’elles ne peuvent absolument pas déclencher un effet Tchernobyl, ma représentation et ma peur du danger nucléaire s’en trouveront affectées.

Le deuxième mécanisme en jeu dans la représentation est ce que les chercheurs de l’Institut de protection et sécurité nucléaire3 ont appelé le « biais d’optimisme ». Invitées à associer des probabilités à divers risques, les personnes enquêtées tendent, très majoritairement, et à peu près quel que soit le domaine, à donner des estimations différentes selon que la question demande une réponse d’ordre général ou qu’elle invite à une réponse sur la situation personnelle. Grossièrement, chacun semble penser que son exposition personnelle au risque est et sera inférieure, voire très inférieure, à la moyenne, telle qu’il l’estime. Les conducteurs automobiles classés dangereux surestiment les risques d’accidents mais pensent qu’ils y échapperont, parce qu’ils ont confiance en eux. Cet écart entre appréciations de la situation générale et de celle personnelle se rencontre dans des domaines sans rapport avec dangers et risques. Les enquêtes sur les revenus, notamment celles du Cerc, soulignent combien l’appréciation sur l’évolution générale du pouvoir d’achat était systématiquement plus défavorable que celle où l’enquêté y associe sa situation personnelle. Comme s’il y avait quelque satisfaction à se penser mieux loti que les autres, ou du moins une rationalisation apaisante. Plusieurs constructions psychologiques concourent pour apprivoiser le danger ou le mettre à distance : la comparaison avec des situations pires, la désignation de boucs émissaires, etc.

Il est cependant des catégories de dangers où l’on observe une surestimation du risque personnel. C’est le cas des risques d’agression, et pour une bonne part des risques technologiques Les enquêtes de victimation4, qui se développent, révèlent des craintes en augmentation, certes avec les expériences malheureuses, mais aussi, sinon plus, sans relation objective avec la dangerosité enregistrée du quartier ou de la ville chez les personnes qui se sentent vulnérables par l’âge ou par l’isolement social. Le sentiment d’insécurité est largement indépendant du degré d’insécurité ambiant et, plutôt, tributaire de dispositions personnelles.

L’explication souvent donnée pour rendre compte de cette différence entre les dangers dont on tend à minimiser le risque pour soi et ceux, au contraire, qu’on voit plus menaçants que de raison, en appelle à trois facteurs. Un danger est d’autant plus mal accepté qu’on s’y sent exposé malgré soi, et qu’on pense qu’il devrait être maîtrisé, ou supprimé. En outre, les risques créés par l’activité technico-industrielle sont plus surestimés que les risques domestiques ou naturels. Les travailleurs en installations nucléaires qui relativisent le danger le comparent aux morts de la route : ils tirent une certaine fierté de la familiarité avec des dangers côtoyés dans des métiers et des affectations pour lesquelles ils se sont portés volontaires. De même, les marins. En revanche, les salariés exposés aux poussières d’amiante surestiment, sans doute, un risque réel qui aurait dû être supprimé.

Devant de telles dispositions, les arguments objectivement fondés sur l’état des connaissances ou la fréquence observée des accidents, ont peu de prise, surtout si l’expert ou l’autorité de décision prétendent balayer d’un revers de main les croyances qui ne sont pas les leurs. Ils ne reconnaissent pas que le commun des mortels, même composé à 40 % ou plus de bacheliers, ne vit pas en phase avec la pointe des connaissances et construit ses croyances en fonction de ce qu’il a compris, de ses expériences et, donc, de ses doutes face à des propos officiels rassurants ou générateurs de contraintes selon les cas.

Remontée des périls et incertitudes de l’action

Le réchauffement de la planète aux conséquences inquiétantes – un fait certain dont la part due à l’effet de serre est incertaine –, quelques catastrophes (Tchernobyl en tête), ont contribué à créer un climat général d’interrogations ou de suspicion à l’endroit des applications de la science, voire vis-à-vis de la science elle-même. En même temps, les moyens scientifico-techniques sont convoqués pour prévoir et prévenir des catastrophes, qui, sauf le sida, sont classées comme produites par cette action prométhéenne de l’humanité, dont on attend pourtant aussi qu’elle prévoie et évite les accidents de la nature.

Et voici venir le principe de précaution qui, selon François Ewald, auteur de l’Etat-providence, marque un tournant aussi important que l’invention de la solidarité plus haut évoquée. Selon l’usage dans les réunions internationales qui débattent de notre avenir, le principe de précaution devrait s’appliquer quand il est impératif de limiter, encadrer, ou empêcher certaines actions potentiellement dangereuses, sans attendre que ce danger soit scientifiquement établi de façon certaine. On interroge les scientifiques moins pour les savoirs qu’ils peuvent donner que pour les doutes qu’ils vont instiller.

Les certitudes sont insuffisantes et, pourtant, il faut agir. La prévention des risques collectifs sort des domaines protégés de l’assurance, d’une part, des dispositifs techniques, de l’autre. Elle appelle des décisions de la part des autorités politiques, qui doivent répondre à des exigences démocratiques nouvelles dont les modalités d’exercice se cherchent encore. Campagnes d’information, comités consultatifs d’éthique créés officiellement ou fruits d’initiatives de scientifiques conscients de leur part de responsabilité se sont multipliés. Dans ce domaine, plus peut-être que dans d’autres, les Etats ne sauraient désormais passer en force ou écarter tout débat par appel à l’autorité des experts. Gorbatchev était bon politique en popularisant la transparence. Les citoyens acceptent, partout, de plus en plus mal des décisions secrètes ; la confiance dans la science et ses porte-parole s’est effritée. En même temps, la diffusion d’un certain niveau de connaissances scientifiques nourrit l’inquiétude, peut-être, la contestation, sûrement.

Les craintes qui entraînent la surestimation de certains risques sont sources de difficultés politiques sérieuses qui ont toutes chances d’aller s’amplifiant. Pour s’en convaincre, point n’est même besoin de considérer les risques technologiques et l’incertitude des expertises. S’agissant de la sécurité publique, les hauts cadres de la Police nationale savent bien qu’ils sont contraints au double langage, l’un pour la population, l’autre entre professionnels et politiques. Pour le dehors, il faut dire que les mesures prises ou qui seront arrêtées visent à rendre plus efficace la protection contre les agressions, les vols dans la rue, le petit trafic de drogue. Or les limites, assez vite atteintes, des effets d’une présence policière accrue dans un quartier, sont connues. La prévision peut être facilement faite que détrousseurs de vieilles dames et dealers iront opérer ailleurs en attendant qu’un jour, leur quartier de prédilection leur soit comme rendu. Une bonne part des actions de démonstration ont pour effet principal et, sans doute pour objectif, de rassurer les résidents. L’îlotage, dont on semble attendre merveille, en fait partie. Coûteux en temps de travail de policiers, il est peu utile en zone tranquille et impraticable dans les quartiers difficiles. Il est demandé aux maires, à la Police de faire plus et mieux mais l’idée que la sécurité publique est une construction collective d’une société passe mal.

En France, une mobilisation associative de citoyens pour la sécurité et l’aide aux personnes, selon le modèle britannique, est encore peu concevable. Cependant, et pour ne prendre qu’un exemple, l’évolution des établissements scolaires est tout à fait notable. Les irrégularités fortement répréhensibles, liées ou non à des trafics de drogue, les violences se sont multipliées. Longtemps, les chefs d’établissement ont eu pour ligne de conduite de limiter la diffusion de l’information et de tenter de régler les problèmes avec leurs seules forces. Depuis peu, selon un changement que les contrats urbains de sécurité ne peuvent que renforcer, la collaboration avec les services de la mairie et le commissaire de police tend rapidement à se généraliser. La réalité, peu plaisante, est plus acceptée avec les conséquences quant à la nécessité d’agir.

Responsables ou boucs émissaires

Les procédures administratives d’agrément et de contrôle n’écartent évidemment pas toutes les catastrophes d’origine humaine. Elles ouvrent, de plus, sur la question de savoir si, pour bien pensées qu’elles soient, elles peuvent ou non être respectées avec un espoir suffisant d’efficacité. Choquée par une catastrophe, l’opinion demande des comptes. La recherche de coupables, chassée de bien des domaines par l’assurance et l’Etat-providence, reparaît. Derrière une demande, qui, dans sa forme fruste, s’apparente à un désir d’exorcisme mêlé de ressentiment, n’est-ce pas un doute profond sur l’efficacité de mesures administratives et sur la sincérité des élites qui s’exprime ?

La catastrophe survenue à Furiani (le stade de Bastia) en 1993 est, dans sa simplicité et sa brutalité, exemplaire. Un match d’importance nationale y est programmé ; les dirigeants locaux et nationaux du football décident de faire monter en hâte des tribunes supplémentaires sur échafaudages métalliques. La réglementation, s’agissant d’espaces devant accueillir du public, subordonne l’agrément à l’avis d’une Commission qui, comme tant d’autres, est présidée par le préfet. En l’occurrence il est absent, le directeur de l’équipement également ; la présidence échoît à la chef de division de la préfecture laquelle a, en face d’elle, tous les niveaux de la hiérarchie du football avec les millions en jeu, les entreprises (au moins trois), les expertises du sol et celles des constructions échafaudées. Il y a urgence ; l’avis favorable est donné. Après l’effondrement d’une tribune, qui fera 19 morts, la recherche de responsabilités conduit à mettre en examen le préfet. Le fait est encore nouveau, il est mal accepté par le corps préfectoral qui fait savoir son mécontentement. Le préfet sera mis finalement hors de cause et les condamnations, pénales, de plusieurs cadres des entreprises ne paraîtront pas, pour les victimes et leurs proches, s’être situées au niveau adéquat. Peut-on se limiter à dire que la populace aime le sang des grands et qu’il convient de la frustrer ? Peut-on dire que l’Administration avait fait tout ce qu’elle devait ?

La contradiction est réelle. Le système administratif veut que le chef, qui a la signature, soit responsable de ses troupes. Or comme, manifestement, les chefs – préfets, ministres ou autres – ne peuvent ni physiquement, ni mentalement être au fait de tout ce qui relève théoriquement d’eux, les procès en responsabilité pénale, qui se multiplient, aboutissent à concentrer sur des acteurs de niveau secondaire, voire sur des lampistes, une sévérité modérée. La responsabilité des chefs est mise entre parenthèses précisément à propos de situations où leur expérience, leur sens de la décision auraient dû jouer et, peut-être, pu éviter ou limiter des dégâts.

C’est bien parce que le système administratif est en cause que les procédures de contrôle préventif des risques technologiques se développent, avec une difficulté évidente. Les meilleurs experts et les informations les plus sûres se trouvent dans les organisations à contrôler. D’où un inévitable soupçon, renforcé chaque fois qu’après un incident ou une catastrophe, l’information a été distillée avec parcimonie. L’aléa de moralité est bien connu des économistes, spécialistes des relations tutelle-tutellé qui cherchent les tarifications incitatives.

Finalement, il en va, politiquement, de la conduite après catastrophe comme des épurations après changement de régime et retour à la démocratie. Les autorités ont, normalement, un souci d’apaisement des passions : celui-ci n’est admis que si elles inspirent confiance dans leur volonté d’éviter l’engrenage décrit par Sartre. Petite ou grande dans ses conséquences, la répétition par engrenage est un scandale.



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1 Patrick Peretti-Watel, Les représentations du risque, thèse de doctorat de sociologie, Iep, Paris, 1999.

2 Raymond Boudon, Le juste et le vrai, Fayard, 1995.

3 L’institut de sécurité et protection nucléaire, créé par Edf et la Cogema pour mener des travaux sur la sécurité, d’abord nucléaire, mais débordant largement vers d’autres domaines, est un organisme indépendant.

4 L’enquêté est invité à citer tous les incidents dommageables causés par autrui qui lui sont arrivés pendant la période de référence. Un résultat massif est l’écart entre les chiffres de la police et les données d’enquête. La majorité des petits dommages ne sont pas rapportés à la police.


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