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« Laudato si’ » : accueillir nos limites

Image par rikkerst de Pixabay
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Tout à sa quête de pouvoir, d’argent, de maîtrise, l’homme ne veut pas voir les destructions subies par ses semblables et par la nature. Comme si son règne était sans limites. Il se prend pour Dieu. L’encyclique du pape François appelle au contraire à accueillir ces limites, non comme un carcan mortifère, mais comme une invitation à la relation, à une sobriété libératrice et heureuse.


« Le monde est plus qu’un problème à résoudre, il est un mystère joyeux. » (Laudato si’, 12) Est-ce un hasard si c’est parmi les économistes que l’encyclique Laudato si’ du pape François a été le moins bien accueillie ? Prenant soin de « considérer la réalité de manière plus ample » que ne le permet le prisme de la croissance économique (141), François donne à mesurer combien une majorité d’entre eux a déserté la tâche prioritaire qui leur incombe : administrer (nomos)1 notre maison commune (oikos). Dans un état des lieux précis et documenté, il note que la terre se transforme « en un immense dépotoir » (21), que « les limites maximales d’exploitation de la planète ont été dépassées » (27), que « des millions d’espèces disparaissent chaque année de notre faute » (33). L’état de délabrement de cette maison commune, dont les pauvres souffrent au premier chef, est tel que « l’humanité de l’époque post-industrielle sera peut-être considérée comme l’une des plus irresponsables de l’histoire » (165) ! Le pape – qui s’adresse à tous les êtres humains, croyants ou non, cherche à identifier les causes de cette irresponsabilité et jusqu’à la racine de ces causes. Il invite finalement à une acceptation de nos limites, qui interrogent et renouvellent notre relation à l’autre, à la nature et, pour les croyants, à Dieu.

Les causes de l’irresponsabilité

S’il reconnaît les formidables progrès qu’ont permis les technologies pour la santé ou les communications, il s’inquiète de ce qu’« elles donnent à ceux qui ont la connaissance, et surtout le pouvoir économique d’en faire usage, une emprise impressionnante sur l’ensemble de l’humanité » (104). Car le progrès technique ne se confond pas avec celui de l’humanité, dès lors qu’il ne s’accompagne pas « d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience. Chaque époque tend à développer peu d’auto-conscience de ses propres limites » (105). Ce que François nomme « paradigme technocratique », cette approche de la réalité comme une matière inerte manipulable à l’infini, « tend aussi à exercer son emprise sur l’économie et la politique » (109).

De façon récurrente, il dénonce « une emprise absolue des finances » (189), qui « étouffent l’économie réelle » (109) et qui, par leur avidité, ne laissent « pas la place pour penser aux rythmes de la nature » (190). Ni « pour que ceux qui restent en arrière, les faibles ou les moins pourvus, puissent se faire un chemin dans la vie » (196). Dès lors que l’on conçoit « la nature uniquement comme objet de profit et d’intérêt (…), les ressources finissent par appartenir au premier qui arrive ou qui a plus de pouvoir » (82). Or ce même pouvoir est celui « qui résiste le plus » (57) à la nécessaire transformation de notre économie.

La soif d’accumulation trouve à se déverser dans un consumérisme « compulsif ». Le pape en souligne l’illusion : « Les personnes finissent par être submergées, dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles » (203). Mais aussi l’injustice et le danger : « Une minorité se croit le droit de consommer dans une proportion qu’il serait impossible de généraliser » (50), au point qu’« un tel comportement (…) semble parfois suicidaire » (55) !

Ces facteurs, qui traduisent une quête individuelle de contrôle, d’accumulation, d’achat, se conjuguent pour assujettir le lieu collectif du pouvoir : le politique. Au plan national, « les gouvernements ne prennent pas facilement le risque de mécontenter la population avec des mesures [environnementales] qui peuvent affecter le niveau de consommation ou mettre en péril des investissements étrangers » (178). Au plan international, « certains secteurs économiques exercent davantage de pouvoir que les États eux-mêmes » (196) et parviennent à faire prévaloir leurs intérêts sur le bien commun et à entretenir « un système de relations commerciales et de propriété structurellement pervers » (52). François est sévère avec « ceux qui détiennent le plus de ressources et de pouvoir économique et politique », dont beaucoup « semblent surtout s’évertuer à masquer les problèmes » (26). Là où certains responsables cherchent à faire converger des intérêts inconciliables, le pape avertit : « Il ne suffit pas de concilier, en un juste milieu, la protection de la nature et le profit financier, ou la préservation de l’environnement et le progrès. Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l’effondrement » (194). Ces diagnostics sont largement partagés, par exemple, dans la sphère altermondialiste. Mais la radicalité du pape va plus loin : il remonte à la racine.

L’oubli de nos limites

Pourquoi cette fuite en avant dans une quête de toujours plus d’argent, d’avoir, de maîtrise ? L’encyclique invite à se tourner vers le cœur même de l’homme. C’est la démesure humaine qui est en cause : nous avons prétendu nous affranchir de nos limites (la locution apparaît 56 fois).

Les limites les plus évidentes sont physiques. Les ressources de notre planète sont limitées, ce qui rend impossible « de maintenir le niveau actuel de consommation des pays les plus développés et des secteurs les plus riches des sociétés » (27). François incrimine l’accélération des modes de vie : « Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète, le style de vie actuel (…) peut seulement conduire à des catastrophes » (161), y compris des guerres.

Le pape dénonce la « joyeuse irresponsabilité » d’une écologie superficielle.

Une autre limite tient à nos capacités de compréhension. François juge la croyance dans le progrès technique et scientifique semblable à une idolâtrie. Or notre approche technologique « est ordinairement incapable de voir le mystère des multiples relations qui existent entre les choses » (20). « Bien que nous n’en ayons pas conscience, nous dépendons [des écosystèmes] pour notre propre existence » (capture du dioxyde de carbone, purification de l’eau, contrôle des maladies et des épidémies, formation du sol, décomposition des déchets…) (140). Et quand l’homme cherche à réparer ou à remplacer la nature qu’il s’est vu confier, il risque d’aggraver encore plus la situation (34). D’autres fois, « nous le savons, mais nous ne le croyons pas », pour reprendre la formule de Jean-Pierre Dupuy2. C’est ici notre courage qui montre ses limites. Le pape dénonce la « joyeuse irresponsabilité » d’une écologie superficielle : « Nous sommes tentés de penser que ce qui est en train de se passer n’est pas certain » (59). Il explique ce déni par « la distraction constante [qui] nous ôte le courage de nous rendre compte de la réalité d’un monde limité et fini » (56), mais aussi par notre volonté de « continuer à maintenir nos styles de vie, de production et de consommation » (59).

Ce sont aussi des limites éthiques que l’homme franchit. Tout en rappelant celles qui s’imposent à la recherche scientifique, notamment quant à la manipulation du vivant (131), le pape fixe des interdits à nos pratiques sociales et économiques. Il rappelle avec force la « subordination de la propriété privée à la destination universelle des biens », dont il fait « ‘le premier principe de tout l’ordre éthico-social’« (93). Que signifie « le commandement ‘tu ne tueras pas’ quand vingt pour cent de la population mondiale consomment les ressources de telle manière qu’ils volent aux nations pauvres, et aux futures générations, ce dont elles ont besoin pour survivre » (95) ? Faut-il admettre que « les uns se considèrent plus dignes que les autres (…), comme s’ils étaient nés avec de plus grands droits » (90) ? Limiter l’appropriation privée (de terres, de minerais, de logements, d’argent…) « seulement pour l’administrer pour le bien de tous », voilà un propos classique de la pensée sociale de l’Église, mais combien à contre-courant ! Plus novateur, François fait de la protection des espèces un nouvel impératif : « À cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message. Nous n’en avons pas le droit » (33) car « chaque créature est l’objet de la tendresse du Père » (77). « Un crime contre la nature est un crime contre nous-mêmes et un crime contre Dieu » (patriarche Bartholomée cité dans Laudato si’, 8). Il en va de même quand la culture d’une communauté humaine est menacée de disparition (145).

Le temps enfin impose ses limites. Or la brièveté de notre passage interroge le sens de nos vies : « Pour quoi passons-nous en ce monde, pour quoi venons-nous à cette vie, pour quoi travaillons-nous et luttons-nous, pour quoi cette terre a-t-elle besoin de nous ? (…) Ce qui est en jeu, c’est notre propre dignité. Nous sommes, nous-mêmes, les premiers à avoir intérêt à laisser une planète habitable » (160).

L’oubli de toutes ces limites est en soi un enjeu spirituel : nous nous prenons pour Dieu ! Il en va ainsi quand nous prétendons « substituer à une beauté, irremplaçable et irrécupérable, une autre créée par nous » (34). Le pape parle d’un anthropocentrisme dévié ou despotique : « Quand l’être humain se met lui-même au centre, il finit par donner la priorité absolue à ses intérêts de circonstance », ce qui provoque « en même temps la dégradation de l’environnement et la dégradation sociale » (122). Quand les personnes sont pour elles-mêmes le principe et la fin de tout, « elles accroissent leur voracité. (…) Plus le cœur de la personne est vide, plus elle a besoin d’objets à acheter, à posséder et à consommer. Dans ce contexte, il ne semble pas possible qu’une personne accepte que la réalité lui fixe des limites » (204). Or nous ne sommes ni à l’origine du monde ni isolés de la nature qui nous environne : « Nous vivons et agissons à partir d’une réalité qui nous a été offerte au préalable » (140).

Un appel à la conversion écologique

Mais « tout n’est pas perdu » (205) : « Il faut espérer que l’humanité du début du XXIe siècle pourra rester dans les mémoires pour avoir assumé avec générosité ses graves responsabilités » (165). Le paragraphe 116 résume bien l’esprit de l’encyclique : face à la « grande démesure anthropocentrique qui [nuit] à toute référence commune et à toute tentative pour renforcer les liens sociaux (…), le moment est venu de prêter de nouveau attention à la réalité avec les limites qu’elle impose, et qui offrent à leur tour la possibilité d’un développement humain et social plus sain et plus fécond », ce que le pape appelle une écologie intégrale. Pour François, « les récits de la création dans le livre de la Genèse (…) suggèrent que l’existence humaine repose sur trois relations fondamentales intimement liées : la relation avec Dieu, avec le prochain, et avec la terre » (66). Et c’est parce que nous avons « prétendu prendre la place de Dieu, en refusant de nous reconnaître comme des créatures limitées » que « les trois relations vitales ont été rompues » (66).

C’est ce double mouvement qui est au cœur d’une encyclique « dramatique et joyeuse » selon le mot du pape : la reconnaissance des limites, avec les renoncements qu’elle implique, mais aussi les relations fécondes qu’elle permet de nouer ou de renouer, de découvrir, d’approfondir. On peut lire dans le mot relation, employé 75 fois, le pendant au mot limite. La limite oblige l’individu à renoncer – à « mourir » – à ce qu’il n’aura pas, à ce qu’il ne dominera pas, à ce qu’il ne sera pas. La relation le fait renaître. « Tout est lié » résonne dès lors comme un appel : tout est dans le lien. « Nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement sans assainir toutes les relations fondamentales de l’être humain. (…) L’ouverture à un ‘tu’ capable de connaître, d’aimer, et de dialoguer continue d’être la grande noblesse de la personne humaine » (119), nonobstant « sa dimension transcendante, son ouverture au ‘Tu’ divin ». C’est bien la reconnaissance d’une incomplétude, d’une fragilité, d’une vulnérabilité, en soi, chez les autres, dans la nature qui nous est confiée, qui appelle la relation, le soin, l’amour.

« Tout est lié » résonne comme un appel : tout est dans le lien.

Dès lors, nous sommes convoqués à une véritable « conversion ». Si le mot peut faire peur aux non croyants, c’est bien à cette profondeur de transformation que nous sommes appelés, jusque dans nos façons de vivre notre désir, et non à une simple transition, entendue comme le passage d’un point à un autre.

Fixer des limites à la voracité de notre économie

Bien que l’économie se présente comme une science de la rareté, toutes nos politiques économiques sont orientées vers une croissance sans limite. Comme si la destruction du « capital naturel » pouvait être réparée ou remplacée par une autre forme de capital – humain, financier, technique. Or l’environnement « est un prêt que chaque génération reçoit et doit transmettre à la génération suivante » (159). « Si nous reconnaissons la valeur et la fragilité de la nature, (…) cela nous permet d’en finir aujourd’hui avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite. Un monde fragile (…) interpelle notre intelligence pour reconnaître comment nous devrions orienter, cultiver et limiter notre pouvoir » (78).

Pour l’économie, penser la gestion de notre maison commune et le partage des ressources à partir des limites, au lieu d’en évaluer le respect a posteriori, est un réel bouleversement. Concrètement, une entreprise doit être prête à renoncer à un investissement au vu des résultats d’une étude d’impact sur l’environnement et la biodiversité (183). Les responsables politiques, eux, ont à « créer un système normatif qui implique des limites infranchissables et assure la protection des écosystèmes » (53), par exemple, pour la gestion des océans (174). Pour l’atmosphère, éviter un réchauffement climatique supérieur à 2°C suppose de renoncer à 80 % du charbon, du gaz et du pétrole que l’on s’apprête à extraire. Prend-on vraiment au sérieux cette limite ? D’autant qu’il ne suffira pas d’y substituer de l’énergie renouvelable : il s’agit aussi de réduire notre consommation d’énergie et de matières premières. Dans les pays riches, « l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance » (193).

Redéfinir un cap

Mais ce ralentissement « peut donner lieu à d’autres formes de progrès et de développement » (191). Des notions à redéfinir, pour le pape, qui voit dans la crise écologique l’occasion de réfléchir à nos finalités, aujourd’hui « rachitiques » (203) en comparaison de nos moyens. Dans sa critique de la croissance, François rejoint le mouvement pour de nouveaux indicateurs de richesse (alternatifs au produit intérieur brut), tout en proposant quelques balises. Le principe « central et unificateur » est le bien commun : « l’ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée » (156). François insiste, notamment, sur la dignité par le travail, l’accès à l’eau potable et sûre, la possession d’un logement, l’accès des paysans à la terre… Il propose, surtout, une méthode afin d’écouter la clameur des pauvres et celle de la terre : « À la table de discussion, les habitants locaux doivent avoir une place privilégiée, eux qui (…) peuvent considérer les objectifs qui transcendent l’intérêt économique immédiat » (183). C’est parce qu’ils habitent quelque part qu’ils peuvent percevoir la fragilité de leur environnement, de leur relation à la nature.

D’où l’encouragement papal à ces « systèmes alimentaires ruraux de petites dimensions qui continuent à alimenter la plus grande partie de la population mondiale, en utilisant une faible proportion du territoire et de l’eau, et en produisant peu de déchets » et l’insistance sur « la responsabilité [des autorités] de prendre des mesures de soutien clair et ferme aux petits producteurs et à la variété de la production, [quitte à] mettre des limites à ceux qui ont plus de moyens et de pouvoir financier » (129).

Un changement personnel

Dès lors que la démesure de notre économie prend racine en nous, « l’existence de lois et de normes n’est pas suffisante à long terme (…), il est nécessaire que la plupart des membres de la société l’aient acceptée (…) à partir d’un changement personnel » (211). « Il manque aujourd’hui [à l’être humain] une éthique solide, une culture et une spiritualité qui le limitent réellement et le contiennent dans une abnégation lucide » (105). Aussi François nous invite-t-il à relever ce défi : » Que notre époque soit reconnue dans l’histoire comme celle de l’éveil d’une nouvelle forme d’hommage à la vie, d’une ferme résolution d’atteindre la durabilité, de l’accélération de la lutte pour la justice et la paix et de l’heureuse célébration de la vie » (207). Le défi est d’abord éducatif : même si la sensibilité écologique progresse, il est difficile d’adopter un style de vie sobre quand on a « grandi dans un contexte de très grande consommation » (209). Cette éducation, qui incombe en premier lieu à la famille, ne saurait se borner à informer : elle doit « s’étendre aux différents niveaux de l’équilibre écologique : au niveau interne avec soi-même, au niveau solidaire avec les autres, au niveau naturel avec tous les êtres vivants, au niveau spirituel avec Dieu » (210). Elle touche à la formation esthétique : tout en invitant à découvrir la fragilité de l’autre et de l’environnement, « prêter attention à la beauté » (215) ouvre un champ pour l’infini du désir humain. La conversion écologique s’opère aussi au quotidien, que ce soit à travers les éco-gestes, ces petites actions « très nobles » (211) qui « répandent dans la société un bien qui produit toujours des fruits au-delà de ce que l’on peut constater » (212), ou dans nos achats, qui sont « toujours un acte moral » (206). Or prête-t-on attention à son empreinte écologique et au sort réservé aux plus pauvres lorsqu’on choisit sa nourriture, sa banque, l’école de ses enfants, l’éloignement de ses vacances, de son logement, le placement de son épargne, son fournisseur d’électricité ? Mais toute la responsabilité ne repose pas sur l’individu : « Il ne suffit pas que chacun s’amende » pour répondre aux problèmes sociaux (219). L’échelon de la communauté est essentiel pour renouer à la fois la relation à la nature et la relation à l’autre : quand des associations d’habitants, par exemple, s’organisent pour prendre soin de leur environnement, pour l’embellir, on voit des liens sociaux se retisser (232).

Une sobriété libératrice

Accepter nos limites, est-ce un appel suffisamment porteur pour opérer la conversion écologique ? Certes non, s’il s’agit uniquement de dompter un formidable désir de vie pour le conformer à des contraintes qui viendraient s’imposer à nous. Mais Laudato si’ nous invite à le détourner des chemins illusoires qui prétendent le combler – la toute-puissance, l’accumulation... – pour le tourner vers des chemins libérateurs.

La conversion proposée passe par un renversement d’attitudes, à commencer par la gratitude, « une reconnaissance du monde comme don », d’où procède « la conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures ». Il s’agit encore de « développer sa créativité et son enthousiasme, pour affronter les drames du monde » (220), de « consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux » plutôt que de « [faire] les choses à toute vitesse pour se sentir occupés [au risque de] tout renverser autour » (225).

Si cette voie de la sobriété est choisie librement, elle est « libératrice » et heureuse : « Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie », dans « les rencontres fraternelles, dans le service, dans le déploiement de ses charismes, dans la musique et l’art, dans le contact avec la nature, dans la prière » (223). On est loin d’une ascèse austère et triste : « Ceux qui jouissent plus et vivent mieux chaque moment, sont ceux qui cessent de picorer ici et là en cherchant toujours ce qu’ils n’ont pas, et qui font l’expérience de ce qu’est valoriser chaque personne et chaque chose, en apprenant à entrer en contact et en sachant jouir des choses les plus simples ».

 

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1 « La façon correcte d’interpréter le concept d’être humain comme ‘seigneur’ de l’univers est plutôt celle de le considérer comme administrateur responsable » (Laudato si’, 116).

2 Patrick Viveret l’explique par une triple contradiction : temporelle (quand l’impact de nos actions d’aujourd’hui n’est pas perceptible à brève échéance) ; émotionnelle (l’annonce de catastrophe peut nous paralyser) ; la contradiction des imaginaires (l’annonce d’une catastrophe sans montrer les voies alternatives nous place dans une impuissance à laquelle nous préférons bien souvent le déni) (cf. « Écologie : pourquoi bouge-t-on si peu ? », Revue Projet, n° 344, février 2015).


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1 réactions pour « « Laudato si’ » : accueillir nos limites »

Claude Chauby
21 March 2016

C'est bien là la limite de l'exercice, parler de limites dans notre ambiance contemporaine du 'Tout tout de suite" !!!, sans être renvoyé à la case "moralisateur judéo-chrétien" ?
Difficulté aussi de faire admettre que toute personne de bonne volonté peut s'enrichir des paroles du pape François. Réaction d'un journaliste auquel je demandais, après un exposé sur une "approche globale" des causes créatrices d'Inégalités, s'il faisait un rapprochement avec '"l’Écologie intégrale " de l'encyclique, a trouvé comme réponse... "oui, mais il est contre l'avortement". Comment faire dépasser ces réductions intellectuelles?
Merci Jean pour la qualité de ces articles, continuons le combat... sans limites. Claude

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