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Pour une Europe de l’électricité

©Bruno Parmentier/Flickr/CC
©Bruno Parmentier/Flickr/CC
Les énergies renouvelables produisent une électricité disséminée et fluctuante. La consommation suit ses propres variations. L’équation technique est redoutable et invite à mieux intégrer les réseaux de transport d’électricité au niveau européen. Les explications de Dominique Maillard, président de RTE.

Quel est le rôle de RTE (Réseau de transport d’électricité) en France ?

Dominique Maillard – RTE est l’entreprise chargée de l’acheminement de l’électricité entre les producteurs et les grands consommateurs, industriels directement raccordés au réseau de transport ou distributeurs. Sa mission première est d’assurer à tous ses clients un accès économique, sûr et propre à l’énergie électrique : les connecter par une infrastructure adaptée et leur fournir les outils et services pour répondre à leurs besoins, dans un souci d’efficacité économique, de respect de l’environnement et de sécurité d’approvisionnement.

La qualité et la continuité de l’alimentation électrique représentent un enjeu essentiel pour la compétitivité de l’économie française, mais aussi pour les consommateurs finaux, PME, petites et moyennes entreprises de l’industrie et particuliers qui, sans être directement raccordés à notre réseau, en dépendent par l’intermédiaire des distributeurs.

Depuis la loi sur l’ouverture à la concurrence des marchés de l’énergie, les activités de production et de transport de l’électricité ont été séparées. RTE a été créé le 1er juillet 2000, en même temps que la Commission de régulation de l’énergie, chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz. En 2005, RTE a acquis la personnalité morale en devenant une filiale d’EDF. Nos statuts garantissent notre indépendance et notre neutralité à l’égard de l’ensemble des producteurs d’électricité.

À quoi sert le réseau de transport d’électricité ?

L’existence de ce réseau est essentielle, car tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne. Côté production d’électricité, certains disposent de conditions favorables à l’énergie solaire, éolienne ou hydraulique. La consommation dépend quant à elle des habitudes de vie, du tissu industriel ou de la démographie. Les équilibres entre zones productrices et consommatrices d’électricité peuvent s’inverser au cours d’une journée, d’une saison, ou d’une année. Les panneaux photovoltaïques installés sur les toits des pavillons dans les quartiers résidentiels produisent, en journée, une électricité qui sera exportée et utilisée à l’endroit et au moment où elle est nécessaire, dans les bureaux et les principaux centres de consommation. En retour, ces zones résidentielles resteront alimentées la nuit, grâce à une électricité provenant de zones plus éloignées. On comprend que les équilibres entre production et consommation d’électricité ne sont figés ni dans le temps, ni dans l’espace. C’est bien la mutualisation des moyens de production et la complémentarité des sources d’énergie à l’échelle d’un territoire, d’un pays et d’un continent qui permettent d’assurer la livraison à tout instant et en tous points d’une électricité sûre et fiable et de limiter le recours à des capacités supplémentaires de production. Le réseau de transport est un vecteur clé de la sécurité de l’alimentation et de la solidarité électriques.

En modifiant la carte de la production, le développement des énergies renouvelables (ENR) accentue la contribution de la solidarité électrique. Leur production, en effet, ne coïncide pas avec les besoins locaux. En l’absence de capacités de stockage disponibles à la bonne hauteur (pour l’heure circonscrites au pompage hydraulique), le réseau de transport est le meilleur instrument de flexibilité aujourd’hui disponible pour leur valorisation.

Des mécanismes de marché agissent sur toute la chaîne de valeur de l’électricité à travers les signaux qu’ils émettent. Ils contribuent à la sécurité d’alimentation électrique, à l’optimisation économique du système et donc à de meilleurs prix pour les consommateurs. Associées à ces mécanismes, les interconnexions permettent aux sources de production les moins chères de répondre aux besoins de consommation, indépendamment des frontières politiques ou des limites de réseaux.

Quels sont les enjeux liés à l’interdépendance des réseaux européens ?

L’interconnexion des réseaux permet d’étendre cette optimisation technique et économique à une plus large zone. Par exemple, la France importe de l’électricité d’Allemagne les jours ouvrés en période de production photovoltaïque élevée, mais elle exporte la nuit et en période de faible vent. Plus les réseaux sont interconnectés, plus la sécurité d’alimentation est renforcée. L’analyse prévisionnelle offre-demande réalisée chaque année par RTE à l’approche de l’hiver montre que la France pourra recourir aux importations pour couvrir toute la consommation du matin en janvier 2015 et que les capacités d’exportation seront suffisantes en moyenne sur toute la période pour répondre, notamment, à d’éventuelles demandes de la Belgique.

L’architecture du marché européen a été pensée pour que les opérateurs puissent commercer, optimiser leur portefeuille, gérer leurs risques, anticiper leurs positions. Le couplage des différentes zones de marché, étendu en mai 2014 au marché ibérique, est une avancée majeure. Par une convergence des prix sur l’ensemble des zones intégrées, il sera l’occasion d’économies pour la collectivité évaluées à plusieurs centaines de millions d’euros par an pour toute l’Europe, accroissant la compétitivité des industriels européens.

Naturellement, ce couplage suppose une coopération étroite avec nos homologues européens. Depuis une dizaine d’années, ENTSO-E1, l’association des gestionnaires de réseaux de transport d’électricité européens, a contribué à intensifier ces relations, à mieux intégrer le marché européen, avec des règles et des mécanismes harmonisés, afin de promouvoir la construction du marché européen de l’électricité.

Ce mouvement plaide-t-il pour une véritable Europe de l’énergie ?

Il est illusoire de rechercher un bouquet énergétique commun, qui n’aurait guère de sens, en raison de la diversité des situations géographiques et environnementales. Il faut plutôt viser la convergence du cadre institutionnel et des règles de marché. Ainsi, le transport d’électricité fait l’objet d’une planification commune à dix ans pour le développement des infrastructures de réseau.

Le traité de Lisbonne fait de l’énergie une compétence partagée mais laisse aux États membres le choix de leur bouquet énergétique. Alors que les États recherchent une convergence politique, les réseaux de transport d’électricité ont ici un temps d’avance. Leur coopération constitue un socle à consolider, sur la base à la fois d’une volonté politique et d’une nouvelle donne économique. Car les investissements nécessaires avoisinent au total en Europe 200 milliards d’euros d’ici 2020 ; ils dépendent largement des tarifs fixés par le régulateur et de la dette bancaire. Sans recours à des formes alternatives de financement, se profile un mur d’investissements que les opérateurs ne pourront franchir à eux seuls. Par ailleurs, aucune transition énergétique ne sera pleinement aboutie sans le soutien des citoyens et sans leur acceptation des lignes de haute et très haute tension. Il importe donc de travailler à la bonne compréhension des enjeux et de l’utilité des réseaux de transport d’électricité. Les transitions entamées partout en Europe ne réussiront que si les infrastructures sont au rendez-vous pour développer de nouvelles capacités de production à partir des énergies renouvelables et de nouvelles capacités des « consom’acteurs » à différer leur consommation aux heures creuses (on parle d’« effacement »).

À lire dans la question en débat
« Aura-t-on l’énergie d’une transition juste ? »

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1 « European Network of Transmission System Operators for Electricity ».


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