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Dossier : Quel travail sans croissance ?

Chercher l’emploi où il se trouve


« Personne n’est inemployable. » Fort de cette conviction, le réseau Transfer a élaboré une méthode : l’intervention sur les offres et demandes. Son pari ? Plutôt que d’agir sur les « freins sociaux » à l’emploi, plaider directement auprès des entreprises la cause des chômeurs de longue durée.

La méthode d’intervention sur les offres et les demandes (IOD), créée dans les années 1980, propose un ensemble de stratégies de médiation et de soutien, à rebours des fonctionnements habituels, pour réussir l’insertion professionnelle durable de publics en situation de grande précarité.

Elle refuse d’abord les représentations invalidantes des publics en insertion et la propension à situer l’insertion sociale en amont de l’insertion professionnelle. Lorsqu’elle est ainsi pensée, en effet, l’architecture des parcours d’insertion diffère l’accès au travail, au risque de laisser perdurer une situation de pauvreté génératrice de stigmates face à l’emploi. Aussi l’intervention sur les offres et les demandes cherche-t-elle à s’affranchir des préalables et des pré-requis pour privilégier la mise en relation directe et répétée des personnes (avant tout victimes d’un déficit de réseau professionnel) et des entreprises. C’est bien la proposition d’opportunités d’emplois variées qui constitue le pivot de l’accompagnement, la mise en situation de travail étant sa porte d’entrée. Quant aux « freins sociaux » trop facilement mis en avant, leur traitement est réalisé pendant l’emploi plutôt qu’en amont, en lien avec les travailleurs sociaux du territoire.

Agir auprès des employeurs

La seconde spécificité de cette méthode est de mettre la priorité sur l’action auprès des entreprises, avec l’ambition de prendre une place active dans la régulation d’un marché du travail où les flux de main-d’œuvre demeurent importants (5,3 millions d’embauches, hors intérim, ont été déclarées auprès des Urssaf au premier trimestre 20131), mais profitent peu aux populations précaires. C’est ici le fonctionnement du marché et le rôle de ses intermédiaires qu’interroge l’IOD. La sélectivité et la précarité des recrutements (depuis 2012, plus de 80 % des embauches s’effectuent en CDD2) sont de puissants facteurs d’exclusion des moins qualifiés et des moins expérimentés, qui se voient quasi systématiquement écartés des processus de recrutement « ordinaires » ou insécurisés par l’accumulation de statuts d’emplois atypiques.

Les moins qualifiés et moins expérimentés se voient quasi systématiquement écartés des processus de recrutement « ordinaires ».

Pour le réseau Transfer, l’effort de médiation active entre les publics et les acteurs économiques locaux ne porte pas seulement sur la recherche de possibilités d’emplois. Il vise aussi la négociation de démarches de recrutements moins concurrentielles, basées avant tout sur le relationnel et la connaissance réciproque (organisation de la rencontre avec le recruteur in situ, pas de transmission de CV, un candidat pour un poste…) et de modes d’intégration structurés de la part des entreprises (plan d’accueil durant la prise de fonction, organisation d’espaces d’échanges et de régulation, temps de formation et d’adaptation au poste…).

Chemin faisant, ce service trouve un écho particulier auprès des entreprises qui, sans percevoir la mission d’insertion, font avant tout l’expérience d’un conseil en ressources humaines de proximité, qui facilite et sécurise leurs décisions de recrutement. Celui-ci, quand il est réussi, résulte finalement beaucoup moins d’un profilage optimal du candidat que d’une entre-définition continue de l’offre et de la demande d’emploi. Chaque année, entre 35 et 45 % des 5 000 personnes accompagnées par le réseau accèdent à un emploi durable.

Le réseau Transfer-IOD
Constitué autour de l’association Transfer (née en Gironde en 1991), le réseau Transfer-IOD est aujourd’hui actif dans dix régions et quatre-vingts territoires de France métropolitaine et en Wallonie. Il regroupe des structures de l’économie sociale et solidaire et des structures publiques engagées dans la lutte contre l’exclusion et la pauvreté. Ces structures sont soutenues par des collectivités territoriales, des services de l’État et des fonds européens.
Les actions IOD sont centrées sur la médiation active entre des entreprises du secteur marchand et des demandeurs d’emploi en situation de pauvreté, la priorité étant donnée aux non diplômés. Ces actions sont parties prenantes, selon les territoires, de programmes d’intervention liés au RSA, à la politique de la ville, à l’insertion des jeunes ou à des démarches de Gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences3.
Conceptrice de la méthode IOD et assurant la formation de ses partenaires, l’association Transfer est un centre de ressources, d’évaluation et d’animation mutualisé. Par de nombreuses publications et interventions, le réseau Transfer-IOD contribue, depuis plus de vingt ans, au débat public et à la réflexion sur les pratiques professionnelles dans le champ de l’insertion, de l’emploi et de l’action sociale.


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1 Source : Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss).

2 Les CDI ne représentaient que 13,5 % des embauches du premier trimestre 2013, les CDD supérieurs à un mois 18 % et les CDD de moins d’un mois 68,5 %. Source : Acoss.

3 Actions menées par des entreprises et des acteurs locaux, sur un territoire donné, dans le but d’aider les entreprises à gérer l’évolution de leurs besoins en matière d’emploi [NDLR].


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