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Dossier : Quand nos aînés déclarent la dépendance

Autonomie et solidarité


Autonomie, dépendance? Deux mots, à l’opposé l’un de l’autre, pour parler des enjeux autour de la vulnérabilité des personnes âgées! « Autonomie » parle de la dignité des personnes, « dépendance » de solidarité reconnue, acceptée. Les deux mots ne sont pas sans ambiguïté : l’autonomie comme exigence, où la vulnérabilité et les frustrations sont vécues comme un échec; la dépendance comme passivité et infantilisation…

Notre espérance de vie à tous s’est heureusement allongée. Un temps libre pour s’inscrire différemment dans la société, un temps, aussi, où les fragilités et les relations entre les générations prennent une place nouvelle. Le vieillissement n’engage pas seulement les personnes qui le vivent, il interroge les choix de la société que nous formons : nos solidarités – publiques et de proximité –, la reconnaissance d’une place pour chacun…

La question de la prise en charge de la dépendance a trop souvent été réduite à sa dimension technique, financière ou médicale. Pourtant ce n’est pas le vieillissement qui occasionne le plus la croissance des dépenses de santé1. Et le maintien en autonomie ne se fera pas seulement à l’aide de normes de sécurité ou par l’invention de nouveaux robots et de dispositifs d’alerte ou de surveillance. Il s’inscrit dans des dépendances familiales, des réciprocités proches renouvelées et confortées.

Cette interdépendance réelle, qui contredit la doxa d’un individualisme dominant, se vit déjà autour des personnes les plus fragiles (les jeunes comme les anciens). Mais, pour ne pas s’essouffler, elle demande d’être davantage reconnue par des institutions collectives qui la soutiennent et permettent ainsi de tirer parti de toute sa richesse.

Une nouvelle complémentarité entre présence de proximité et solidarité publique se cherche. On les a trop considérées comme exclusives. Ce doit être aujourd’hui une des préoccupations des responsables politiques, nationaux, départementaux, municipaux : aider les personnes à garder une présence, leurs droits, leur capital social, donner un statut aux aidants, familiaux ou associatifs…

Malgré tous les déficits qui peuvent l’affecter, la dimension « transcendante » de la personne n’a pas disparu. Son identité ne se résume pas à sa fonction, elle se décline au présent. Sa qualité de vie ne répond peut-être pas aux idées préétablies, elle peut cependant être la sienne avec ses propres attentes. Cette présence arrache notre société au modèle dominant de la concurrence, de la compétition. Elle donne un tout autre fondement à une véritable solidarité. Les personnes dépendantes participent à notre monde. Elles ne sont pas des fardeaux, que nous devons soutenir, elles ne sont pas de malheureux objets de compassion, mais objets de considération. Elles interrogent notre modèle du lien social, celui de l’avantage mutuel2.

Il ne s’agit plus là de solidarité mise en œuvre à travers des prestations impersonnelles mais de la reconnaissance, à partir de l’accompagnement de la dépendance, d’une nécessaire réflexion pour toute la société. Comment apprend-elle la fraternité dans la rencontre des faiblesses et des limites? Même dépendante, la personne vulnérable appelle une relation au-delà d’une intervention sanitaire. Une relation, certes, asymétrique et cependant source de richesse pour tous.

Cette relation n’est pas seulement d’empathie, de compassion; elle est rencontre autour de l’acte même d’aider et de soigner, attentive aux besoins, à la recherche des leviers – techniques d’abord – pour y répondre. Elle n’oublie pas la réalité de la dépendance, au nom de l’autonomie. Elle est consciente aussi de ses propres limites, de ses incompréhensions : l’autre est autonome aussi en ce qu’il nous échappe!

Notes


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(1) Cf. Brigitte Dormont, « Le vieillissement ne fera pas exploser les dépenses de santé », Esprit, juillet 2010.

(2) Cf. Martha Nussbaum, Frontiers of Justice, Harvard University Press, 2007 et Corinne Peluchon, « La vieillesse et l’amour du monde », Esprit, juillet 2010.


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