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Dossier : La Pac marche sur des oeufs

Des agricultures avec des agriculteurs, une nécessité pour l'Europe


Resumé Loin de l’idéal type de l’exploitation familiale autour duquel s’est construite la Pac, le paysage agricole européen est éclaté. La coexistence d’agricultures familiales en mutation avec un modèle de firme, mais aussi des agricultures de subsistance, appelle à revisiter les outils d’intervention publique.

« L’Europe gardera-t-elle ses paysans? », s’interrogeait Henri Nallet dans un livre consacré à la réforme de la Politique agricole commune (Pac)1. Largement partagée par les observateurs européens, la question souligne une nouveauté dans l’histoire de la construction européenne : la possibilité d’un développement de l’agriculture sans agriculteurs. Dès le Traité de Rome de mars 1957, les pères fondateurs ont eu l’intuition que, pour se construire, l’Europe avait besoin de rassembler sur son projet toutes les populations et tous les territoires2. Il ne s’agissait pas seulement d’assurer la sécurité alimentaire européenne : il fallait donner aux peuples des ambitions communes, des cultures partagées, des langages convergents. Les paysanneries de l’Europe des Six (alors un quart des populations actives) sont apparues comme le porteur de cet horizon. Responsables politiques, responsables agricoles et opinions publiques ont convergé pour faire de la Pac un fer de lance de la construction européenne.

À travers les réformes successives, le postulat a perduré selon lequel, les agricultures européennes étant toutes des agricultures familiales, la Pac pouvait développer des instruments uniques s’appliquant à tous. Or, dans une Europe à vingt-sept et dans un contexte mondial de très grande recomposition des agricultures, il faut s’interroger sur l’ampleur de l’éclatement des agricultures européennes et sur l’adéquation des outils proposés par la Pac.

Nous assistons à une véritable recomposition des agricultures européennes sous le triple effet de la décollectivisation des agricultures à l’est, de la crise des agricultures familiales à l’ouest et de l’émergence de nouvelles formes d’organisation de la production. Un changement radical vient de ce que le modèle d’exploitation agricole familiale à deux unités de travail, qui dominait au sein de l’Europe occidentale, est ébranlé. Ce modèle était le socle sur lequel se sont construites la Pac et les politiques nationales. Comment qualifier à présent une pluralité de mondes agricoles et d’agricultures coexistant de facto au sein de l’Europe?

Permanences et transformations des agricultures familiales

En Europe comme aux États-Unis, nous continuons à connaître des formes familiales soutenues par les politiques publiques3. Nous en distinguons quatre figures. D’abord, une agriculture familiale « paysanne » avec pour seul horizon un territoire local assurant l’ensemble des échanges marchands. Ce qui la motive, c’est avant tout la sauvegarde et la reproduction d’un patrimoine familial, entretenu par des stratégies patrimoniales ou matrimoniales. Dominant dans la France de la Troisième République, ce modèle s’est déployé en Italie, en Bavière, aux Pays-Bas. Il se rencontre encore dans le Sud de la Pologne ou en Roumanie.

Deuxième figure : l’agriculture familiale « pluriactive et territoriale », où l’activité agricole n’est que l’une des composantes d’un revenu diversifié. Elle a été au cœur de la construction du modèle européen et se maintient. La structure de base repose sur un couple ou une famille qui pratique la pluriactivité. Ce modèle polymorphe, qu’incarnent les agricultures italiennes, se caractérise par l’appartenance à un milieu, par le choix d’un métier et par un rapport à l’économie et aux territoires.

En troisième lieu, se développe une agriculture familiale « spécialisée », segmentée et très professionnelle, issue de la polyculture-élevage des années soixante. Elle a souvent connu des intégrations verticales au sein de grands bassins de production : bassins laitiers, allaitants, céréaliers, porcins… Très sensible aux aléas du marché, mais aussi aux conflits d’usage et aux controverses environnementales, elle est au cœur des questions sur l’avenir de la Pac.

En quatrième lieu, émerge une agriculture, familiale certes, en raison de la constitution de son capital et de la mobilisation de la force de travail, mais devenue sociétaire. Apparue aux États-Unis et en Europe, notamment en France, cette agriculture familiale « sociétaire » dissocie le travail agricole et le capital d’exploitation de la gestion patrimoniale et foncière. Le caractère familial de la propriété foncière permet d’assurer une rente à l’ensemble des associés. Ainsi, les générations ayant quitté la vie active agricole peuvent percevoir des loyers ou des fermages. La propriété foncière est répartie non seulement sur un cadastre et des lopins nominatifs, mais aussi en parts qui s’échangent ou se vendent verticalement entre les membres de la famille. Dans de nombreux cas, le capital ainsi constitué est suffisant pour permettre à ces sociétés d’intégrer toutes les fonctions de la filière, de s’émanciper de toutes les formes d’organisation collective de production et de commercialisation et de devenir des acteurs majeurs sur les marchés nationaux et internationaux. Ces formes verticales sociétaires, où on peut voir trois générations émarger au même capital, se développent : en France (en Hautes-Landes, en Camargue, dans le Bassin parisien, en Champagne crayeuse), en Italie (dans la plaine du Pô), en Allemagne (dans les nouveaux Länder), des holdings mono-familiaux disposant de sociétés anonymes de matériel agricole construisent des assolements sur plusieurs milliers d’hectares et participent à la construction de nouveaux marchés tournés vers l’export4. Cette figure oscille entre la tentation d’une approche strictement financière et une conservation de son architecture patrimoniale. Elle maintient en le dissolvant son caractère familial, se frayant un chemin à travers les Gaec, les EARL, pour construire des SCEA, des SCI et même des SARL5. Ces formes sociétaires détiennent ou cultivent plus de la moitié de la surface agricole en France.

Cet éclatement témoigne, au-delà de la « fin des paysans », d’une nouvelle phase d’incertitudes pour ces agriculteurs familiaux quant à leur statut social, leur insertion territoriale et leur efficacité économique. Avec pour conséquence l’émergence pour tous d’un sentiment de déclassement, malgré la hausse des revenus de certains.

Naissance d’une agriculture de firme

Un autre type d’agriculture se développe, adossé à des logiques non patrimoniales et peu ou pas familiales. Ces nouvelles pratiques reposent sur des dispositifs de prestations intégrales du travail agricole (du labour à la récolte) et des tâches qui y sont associées (comptabilité, informatique, gestion fiscale…).

Une première figure de la firme s’incarne dans de nouvelles entreprises de travaux agricoles qui répondent à l’incapacité croissante des familles à assumer l’exercice de leur activité agricole. L’exploitant abandonne son métier mais conserve son statut : les terres sont mises à disposition sous des formes contractuelles échappant aux statuts du fermage, l’entrepreneur de travaux agricoles se charge de l’itinéraire technique et de la vente de la récolte, à son seul bénéfice.

La délégation intégrale de l’exploitation offre les contours d’une nouvelle division du travail entre des firmes de sous-traitance et un dit « exploitant » qui ne souhaite plus assurer la gestion d’un patrimoine souvent en sursis. La réalité de l’entreprise agricole ne s’incarne plus ici dans une exploitation mais dans une firme de prestation qui exerce en quasi-autonomie l’ensemble des activités agricoles. Réponse à de nouvelles contraintes technologiques et territoriales, cette figure tend à se développer en périphérie des grandes agglomérations d’Europe occidentale. Le propriétaire conserve juridiquement son statut d’exploitant (et les primes européennes), tandis que le preneur est une entreprise commerciale ou même industrielle.

Cette dynamique est à l’origine d’un processus invisible de concentration et de réorganisation en profondeur de la production agricole : ainsi peut-on observer que deux à trois mille hectares relevant de six ou sept exploitations sont cultivés par un prestataire non agriculteur qui s’assure d’économies d’échelle. Chaque exploitant « fantôme » peut peser sur le marché en raison du volume récolté et assurer au propriétaire foncier une rente familiale sans projet véritable de transmission à long terme. Ni fermier ni gérant, ce nouvel acteur met en valeur un patrimoine ne lui appartenant pas et produisant des matières premières. Cette figure de l’agriculture de firme, par délégation, est une forme intermédiaire vers des formes plus abouties d’agricultures sans agriculteurs.

Une deuxième figure est celle d’une agriculture de firme financière, avec des acteurs économiques hautement capitalistiques présents sur les marchés des matières premières. Celle-ci émerge de par le monde sur des fronts de conquête, comme au Brésil sur les anciens grands domaines coloniaux ou sur les terres nouvellement défrichées. Durant la crise, des capitaux y ont massivement été investis. Les biocarburants, les matières premières agricoles tout comme le foncier apparaissent comme sources de profit. Portées par des multinationales, ces formes de production peuvent intégrer à la fois l’agrochimie, l’industrie des semences, les industries d’équipement et le secteur bancaire. En Europe, elles se rencontrent dans les nouveaux Länder allemands, mais aussi en Hongrie, en Bulgarie, en Roumanie. On y trouve aussi bien des fonds d’investissement que des groupes coopératifs d’Europe de l’Ouest ou des multinationales du secteur semencier6.

Cette agriculture se différencie de l’agro-business ou de l’agriculture industrielle : elle est portée par des logiques et par des opérateurs financiers qui ne visent pas une intégration industrielle mais une opportunité de placement de capitaux dans des achats volumineux ou la location de terres agricoles. En France, le groupe privé AgroGénération a pour ambition de cultiver 250 000 hectares en Europe de l’Est, à l’horizon 2011. Il cherche un « retour en production » d’anciens kolkhozes et de terres en jachère7. Cette société française compte parmi ses partenaires le groupe Arnault, la famille Rothschild, AGF, AXA, mais aussi le groupe coopératif Champagne Céréales.

La troisième figure associée à la firme a des allures souverainistes. Elle veut apporter des réponses aux États qui ne peuvent assurer leur propre sécurité alimentaire. Des fonds d’États sont investis dans d’autres pays et des fonds mixtes sont pilotés par des firmes qui hissent le drapeau du patriotisme alimentaire. Leur but : externaliser la mission de sécurité des approvisionnements alimentaires. Le développement de cette agriculture de firme souverainiste peut reposer sur des accords bilatéraux entre États. En 2008, le Qatar a signé avec le Cambodge un protocole pour disposer de terres lui permettant de s’assurer une production de riz destinée à ses propres marchés. Il en va de même des tentatives avortées des Coréens à Madagascar. Cette figure n’est pas présente en Europe, qui assure la sécurité de ses approvisionnements grâce à la Pac et qui intervient dans le débat international sur la régulation des marchés agricoles.

L’agriculture de firme fait naître deux phénomènes : un processus d’abstraction-financiarisation de l’organisation de la production agricole en fonction des marchés et des spéculations; un processus de précarisation-assujettissement de populations plongées dans des situations de non-droit, de paupérisation voire de néo-servage. Ici ou là, au gré des grandes migrations internationales, une main-d’œuvre clandestine, rétribuée chichement, est mobilisée. La dure réalité sociale et sanitaire des travailleurs saisonniers et précaires est un phénomène en expansion en Europe comme dans le reste du monde8.

Les agricultures de subsistance, une réalité grandissante

Enfin, se développe une agriculture de subsistance ou de relégation. C’est une agriculture « congédiée », sinon de survie, coupée du monde, des organisations collectives, des marchés et des technologies.

La première figure est celle d’une agriculture paupérisée. On la trouve en Europe à la périphérie des grandes exploitations décollectivisées, dans les marges d’une agriculture familiale dont la modernisation s’est essoufflée, voire dans les pays de l’Ouest – où elle résulte du chômage ou de la désinsertion. La disqualification professionnelle et sociale, dont sont victimes, en France, certains agriculteurs, se traduit par un phénomène de précarisation. Fin 2009, en métropole, parmi les ressortissants du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ou de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), on dénombrait 40 990 bénéficiaires non-salariés et 20 841 bénéficiaires salariés du secteur agricole. En janvier 2010, on relevait 30380 bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA), salariés et non-salariés. Ce sont au moins 100 000 ménages agricoles (exploitants et salariés) qui sont touchés par la pauvreté. Comme le soulignent Dominique Jacques-Jouvenot et Jean-Jacques Laplante9, pas moins de 22 % des exploitants agricoles peuvent être considérés comme des travailleurs pauvres, contre 14 % parmi les autres catégories de travailleurs indépendants. Dans l’ancienne Europe de l’Est, la décollectivisation a laissé sur le bord du chemin bien des anciens travailleurs agricoles dans l’incapacité de se reconvertir ou de prendre en main une véritable exploitation.

La deuxième figure s’incarne dans celle du « sans terre prolétarisé », vendant sa force de travail sur les chantiers saisonniers au gré de la demande. Fortement liée aux migrations et aux filières clandestines, elle rassemble des populations fragiles, sans droits et sans protection sociale.

Troisième figure, « l’exilé de l’intérieur » évolue dans l’espace non marchand au sein duquel résident 80 % des plus pauvres. À l’échelle de la planète, elle rassemble probablement un milliard d’individus. Il s’agit de la forme la plus marginalisée des agricultures. Sous le terme de paysannerie se cachent ici des populations rurales préoccupées de leur survie, dépourvues de tout moyen de développement et sans revenu monétaire. Peu présentes en Europe, elles se rencontrent en grand nombre en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

La première Pac avait assorti les dispositifs de soutien à la modernisation de l’agriculture de mesures permettant la reconversion professionnelle ou la sortie digne de ceux qui quittaient le secteur. Cet effort collectif en direction des plus faibles est absent des projets actuels. Qu’il doive faire l’objet d’un volet particulier des politiques agricoles ou relever des politiques sociales, il s’agit d’un véritable problème à traiter tant la fragilité de ces populations menace les cohésions sociales et territoriales.

La Pac confrontée à l’éclatement des agricultures européennes

Ce rapide tour d’horizon conduit à interroger l’élaboration de la politique agricole elle-même. Conçue pour assurer le revenu d’agriculteurs familiaux et en contrepartie assurer une production régulière, la Pac n’est pas seulement confrontée à un changement d’échelle d’ordre quantitatif lié à l’élargissement. Elle est surtout confrontée à un éclatement des modèles d’organisation de la production et donc du statut des producteurs.

En 2007, dans une Europe à vingt-sept, on dénombrait 13 750 000 exploitations agricoles10. Les plus grandes (supérieures à 8 UDE11), au nombre de 2 634 000, occupaient 134 568 000 hectares soit une moyenne de 51 hectares par exploitation. Les plus petites (inférieures à 8 UDE), en très grand nombre (11 116 000 exploitants), occupaient 38 950 000 hectares, soit une moyenne de 3,5 hectares par exploitation. Ce qui revient à dire que 19 % des exploitations cultivaient cette année-là 77 % des terres et symétriquement 81 % des exploitants en cultivaient 23 %.

L’importance de ces petites exploitations et de la population qu’elles représentent en Europe interdit de penser cette catégorie comme une survivance ou comme encombrante et en voie d’extinction. Cette forme d’occupation du territoire, de construction d’un revenu et de maintien d’un statut n’est pas négligeable pour la cohésion européenne. D’autant que ces exploitations, souvent pluriactives, contribuent fortement à l’insertion et à la reconnaissance des agricultures et des agriculteurs au sein de nos sociétés. En France, pour la même année et selon les mêmes critères, on dénombrait 527 000 exploitations, 377 000 occupaient 26 507 000 hectares, pour une surface moyenne de 70 hectares. 150 000 exploitations de moins de 8 UDE occupaient 970 000 hectares (pour une surface moyenne de 6,4 hectares).

Mais deux phénomènes échappent à l’analyse. D’un côté, la montée des agricultures de firme et l’absence d’un mode d’intervention adapté à ce type d’unités économiques. De l’autre, le maintien, voire l’augmentation, du nombre de micro-exploitations qui, d’un point de vue social et territorial, appelle une intervention des pouvoirs publics dont on comprend que le système de droits à paiements uniques découplés de la production ne soit pas adapté. Cette catégorie relève à l’évidence de dispositifs très décentralisés et susceptibles d’adaptation dans des contextes régionaux différents.

Le défi de la diversité

Cette recomposition aux allures d’éclatement de l’Europe agricole nous conduit à reposer la question : quelle Europe voulons-nous? Une Europe agricole sans agriculteurs aux mains de consortiums ou de sociétés financières capables, du delta du Danube à la plaine du Pô, de la Frise à l’Andalousie, de produire à très bas prix pour le marché européen et mondial? À la périphérie seraient annexées des agricultures locales condamnées à la disparition, à la paupérisation, ou à quelques micromarchés de survie. Voulons-nous au contraire une Europe occupant une place de premier rang dans la géostratégie mondiale de la sécurité alimentaire, capable de penser la nécessaire production en grande quantité de matières premières pour un marché globalisé et en même temps de construire des politiques de soutien aux produits localisés des terroirs et des cultures? Cela renvoie à la nécessité d’une mise en œuvre au plus près des collectivités, afin de maintenir une diversité des agricultures, des produits et surtout des agriculteurs et de leurs statuts.

Pour participer à la sécurité mondiale des approvisionnements tout en préservant un développement équilibré des territoires et des productions, acceptons cette tripolarité des agricultures européennes. Si le pôle de la firme présente les traits d’une modernité mondialisée à haute technicité, à haute division du travail et du marché, capable de relever de grands défis de la sécurité alimentaire et de l’environnement, sachons aussi voir la modernité des agricultures familiales fortes de leur polyvalence, de leur caractère évolutif et de leur capacité d’adaptation. Et enfin, reconnaissons à travers la très petite agriculture un statut, une dignité et d’abord une citoyenneté à des populations qu’aucun secteur économique n’attend. Aurons-nous la capacité et l’énergie pour penser une politique agricole européenne articulant cette tripolarité et la diversité qui la structure?

Ce nouveau contexte oblige à repenser l’intervention publique non plus avec le seul outil des droits à paiements uniques mais avec des instruments différenciés. Si, en 2013, il sera difficile d’aller au-delà du compromis proposé par l’actuelle Commission, il faut d’ores et déjà poser les jalons de la réforme qui devra surgir avant 2020 et conduire l’Europe vers l’horizon 2050.

Encore une fois, les marchés d’aujourd’hui et leur complexité ouvrent la voie à une pluralité de segments. Les opinions publiques dans leur versatilité invitent à multiplier ou conserver des formes diverses de production pour faire face à des situations toujours nouvelles. Le rapport au travail lui-même pousse à élaborer des formes multiples, les unes individuelles, les autres sociétaires, les unes familiales, les autres anonymes. Encore faudrait-il que nous soyons capables de nommer positivement ces agriculteurs et leurs entreprises que, pour le moment, le politique, le syndicaliste et le statisticien se contentent de ranger dans deux catégories : les professionnels et les autres. Or, comme le rappelait Albert Camus, « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde »12.



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1 / . Henri Nallet, L’Europe gardera-t-elle ses paysans? Une mise en perspective de la réforme de la Pac, Fondation Jean Jaurès, 2010.

2 / . Les auteurs renvoient au film de Noémie Roché Politique agricole commune. La voix de ses pères, Cinémathèque du ministère de l’Agriculture, 2009.

3 / . Bertrand Hervieu, François Purseigle, « Pour une sociologie des mondes agricoles dans la globalisation », Études rurales, n°183, janv.-juin 2009, pp. 177-200.

4 / . Geneviève Nguyen, François Purseigle, Agrifirme, Caractérisation des formes d’organisations sociales et économiques associées à l’agriculture de firme, ANR Jeunes chercheurs, 2010.

5 / . Gaec : groupement agricole d’exploitation en commun; EARL : exploitation agricole à responsabilité limitée; SCEA : société civile d’exploitation agricole; SARL : société anonyme à responsabilité limitée.

6 / . Essec-Eurogroup Consulting, Quelles stratégies d’alliances et quel développement international pour les groupes coopératifs ?, 13 janvier 2011.

7 / . Voir : http://www.agrogeneration.com .

8 / . Béatrice Mésini, « Saisonniers étrangers ‘OMIS’ : la résistible structuration d’une cause commune » in Salariés et producteurs agricoles des minorités en politique, François Purseigle (dir.), Cahier du Cevipof, avril 2008, n° 48, pp. 35-62.

9 / . Les maux de la terre : regards croisés sur la santé au travail en agriculture, éd. de l’Aube, 2009.

10 / . Source : Eurostat-Newscronos, septembre 2009.

11 / . Unité de dimension européenne (UDE) : « unité de mesure de la marge brute standard, définie au niveau européen. Une UDE équivaut à 1,5 hectare de blé » (Glossaire du ministère de l’Agriculture).

12 / . « Sur une philosophie de l’expression » in « Poésie 44 », Œuvres complètes, t. 1, La Pléiade, 2006.


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