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Moteur en panne de l'Europe


Depuis la chute du mur de Berlin (le 9 novembre 1989) et la réunification qui l’a suivie à moins d’un an (3 octobre 1990), l’Allemagne s’est transformée en profondeur. A-t-on pris en France la juste mesure de ces mutations ? On peut en douter. Loin d’avoir été modifiés par la réunification, les cadres de référence de l’Allemagne ont été en effet confirmés, voire renforcés, qu’il s’agisse de la solidité de la démocratie parlementaire dont les règles ont été posées par la Loi fondamentale de 1949, de l’attachement à l’économie sociale de marché, du fédéralisme, de l’ancrage occidental et européen, ou encore de la fidélité au partenariat avec la France. Cette apparente stabilité est allée de pair, cependant, avec des mutations de structure moins immédiatement perceptibles, et l’Allemagne d’aujourd’hui est plus différente de ce qu’elle était il y a vingt ans que ne l’est la France, son principal partenaire et allié. En quoi l’Allemagne a-t-elle changé durant les vingt dernières années ? Quelle est la place de cette Allemagne transformée dans une Europe réunifiée et une Union Européenne élargie ? Qu’en est-il enfin du partenariat franco-allemand dont on rappelle, de part et d’autre du Rhin, qu’il est aussi fondamental qu’exemplaire ?

Une Allemagne transformée en profondeur

La première transformation est bien entendu la réunification : en l’espace de moins d’un an, elle a mis fin à la question allemande, redonné à l’Allemagne Berlin comme capitale et la Pologne comme voisin, tout en lui apportant 17 millions d’habitants supplémentaires et cinq nouveaux Länder. Inattendue – et donc non préparée – cette unification s’est faite par extension à l’ex-Allemagne de l’Est qui avait implosé du modèle économique, social, politique et culturel de l’Ouest. Elle a absorbé pendant une dizaine d’années une grande partie des énergies allemandes et son coût – humain et financier – a été particulièrement élevé. Mais elle est maintenant acquise. Les premières générations nées après la chute du Mur arrivent à l’âge adulte, la chancelière Angela Merkel est originaire de l’ancienne RDA et même s’il est vrai que le « rattrapage » tant espéré par les Allemands de l’Est n’est pas achevé (le taux de chômage des « nouveaux Länder » est toujours double de celui des Länder occidentaux), plus personne, aujourd’hui, ne remet en cause la légitimité et la nécessité d’une réunification qui a pour elle la force de l’évidence.

La seconde mutation tient au fait que l’Allemagne, après l’avoir longtemps refusé, a accepté de reconnaître qu’elle est un pays d’immigration. Près de neuf pour cent de ses habitants sont des étrangers et plus d’un tiers d’entre eux vit en Allemagne depuis plus de vingt ans. Or l’Allemagne est aussi la « lanterne rouge » de l’Europe en matière démographique : son taux de fécondité n’est que de 1,37, contre 1,54 pour l’Europe des 27 et 1,98 pour la France. Ce contraste, dans lequel nombre d’observateurs voient le reflet d’un manque de confiance allemand face à l’avenir, a eu une double conséquence : d’un côté la modification dans un sens libéral des conditions d’accès à la citoyenneté allemande – chaque année, 120000 à 130000 personnes acquièrent la nationalité allemande –, et de l’autre le lancement par la grande coalition d’une authentique politique démographique accompagnée de mesures en faveur de la promotion de la condition féminine.

La troisième mutation est d’ordre économique et social. Avec les réformes de structure prises à l’initiative du chancelier Schröder pendant la seconde législature dominée par la coalition entre les sociaux-démocrates et les Verts – le train de réformes intitulé « Agenda 2010 » –, l’Allemagne a entrepris une refonte en profondeur de son système de protection sociale (retraite, chômage). Ces réformes, jugées courageuses par les uns et brutales par les autres, ont certes accru la compétitivité et la flexibilité de son économie – et renforcé sa position de premier exportateur mondial dans le contexte de la mondialisation ; mais elles se sont faites au prix d’une aggravation des inégalités sociales (l’Allemagne connaît comme ses voisins le phénomène des « travailleurs pauvres » et l’extension de la précarité) et ont été de pair avec un recul de l’importance relative des classes moyennes sur qui avait reposé la stabilité de la République fédérale d’avant 1989.

La quatrième mutation est d’ordre politique et culturel. Du point de vue politique, elle est marquée par le recul régulier de l’importance des deux grands partis de masse autour desquels s’était organisée la « démocratie de Bonn » (chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates), et par l’importance croissante prise, à côté des libéraux du FDP (ancien parti-charnière de l’ancienne République fédérale), par les Verts, devenus parti de gouvernement après avoir été longtemps parti d’opposition, puis plus récemment par le nouveau parti de gauche ( Die Linke) réunissant les héritiers du socialisme de RDA, les déçus de la social-démocratie et les nouveaux courants anticapitalistes. D’un système quasi bi-partisan, on est passé à un système à cinq partis. Du côté culturel, l’évolution la plus significative a été le recul de l’influence des Eglises et de la référence au christianisme. Alors que dans l’ancienne République fédérale les quatre cinquièmes des habitants se reconnaissaient dans l’Église catholique ou l’Église évangélique et acceptaient de payer l’impôt ecclésiastique, ce n’est plus aujourd’hui le fait que de deux Allemands sur trois (alors qu’à l’inverse l’Allemagne compte quatre millions de musulmans). Ce recul de la référence chrétienne est dû à la fois à l’intégration à l’Allemagne réunifiée des Allemands de l’Est majoritairement déchristianisés par la RDA, et à la prise de conscience consécutive par nombre d’Allemands de l’Ouest qu’ils étaient eux-mêmes plus détachés qu’ils ne s’en étaient rendus compte jusque-là.

Redevenue un État national « normal » avec l’assentiment de la communauté internationale, au terme d’un processus aussi rapide que pacifique, l’Allemagne réunifiée est enfin un pays à l’identité nationale plus nettement affirmée. Rejetant dans ses profondeurs toute forme de relativisation du nazisme, elle fonde sa culture politique sur la mémoire de la « rupture de civilisation » représentée par le IIIe Reich et la Shoah, et la conscience des responsabilités qui en découlent. Reconnue à l’extérieur et fière de ses réussites, solidement ancrée dans la communauté européenne, occidentale et atlantique, elle n’en a pas moins affirmé son autonomie par rapport aux États-Unis ; surtout, elle a acquis et assume des responsabilités internationales – y compris sous la forme d’engagements extérieurs de la Bundeswehr – qui en font un acteur de première importance de la scène internationale.

Un nouveau positionnement européen

Ces transformations sont allées de pair avec un nouveau positionnement de l’Allemagne en Europe et contribuent dans une large mesure à en rendre compte. La réunification a eu en effet une double conséquence : d’un côté elle a – sur la base d’un partenariat franco-allemand particulièrement fort – provoqué une accélération de la mise en place des mesures décidées antérieurement pour renforcer l’intégration économique et politique de l’Europe de l’Ouest (Acte Unique, traité de Maastricht, passage à l’Euro). De l’autre, elle a donné naissance à une nouvelle « politique à l’Est » de l’Allemagne réunifiée. Ayant retrouvé sa place centrale dans une Europe en voie de réunification après la disparition du bloc soviétique, l’Allemagne n’a eu de cesse de pratiquer une active politique de soutien aux nouvelles démocraties et de construction d’autres relations fondées sur le partenariat. L’objectif était de faire en sorte, par solidarité démocratique et sens des responsabilités, mais aussi par intérêt bien compris, que l’Allemagne soit « entourée d’amis », ainsi que le disait le chancelier Kohl en inversant la phrase de l’empereur Guillaume II déclarant en 1914 que l’Allemagne était « entourée d’ennemis ».

Concrètement, cette politique a été au-delà d’une aide technique et logistique qu’on ne saurait sous-estimer ; l’Allemagne a joué un rôle d’avocat résolu de l’entrée dans l’Union européenne des nouvelles démocraties de l’Est. S’il est vrai que la politique d’élargissement à l’Est a été portée par l’ensemble de l’Union et toujours menée en partenariat avec ses autres membres (à commencer par la France), l’Allemagne, en raison de sa proximité géographique et de ses propres intérêts, a joué un rôle de première importance. Indépendante de la couleur politique des majorités au pouvoir, cette politique résolue s’est accompagnée d’un effort soutenu pour nouer avec les pays d’Europe centrale et orientale, mais aussi avec la Russie, des relations reposant sur le dialogue, le partenariat et la réconciliation. Ces efforts ont porté surtout dans deux directions, la Pologne (en raison de sa proximité géographique, de son poids démographique et politique, mais aussi du lourd contentieux historique entre la Pologne et l’Allemagne), et la Russie (pour des raisons autant géostratégiques qu’énergétiques). De grands progrès ont été accomplis ; mais dans le cas de la Pologne (comme de la République tchèque), le déséquilibre entre les partenaires, le poids du contentieux hérité de la seconde guerre mondiale, et des méfiances persistantes font qu’en dépit des proclamations officielles, les relations entre les deux pays n’ont pas encore atteint le degré d’intensité des relations franco-allemandes.

Dans cette politique, les différents acteurs de la société civile jouent un rôle au moins aussi important que les politiques. Un premier groupe d’acteurs est à chercher du côté des fondations. Très nombreuses, richement dotées et disposant d’une large liberté de manœuvre – leur importance exprime la forte structuration de la société civile allemande –, elles ont multiplié les initiatives en favorisant le dialogue et les échanges, finançant des programmes de bourses pour étudiants et jeunes chercheurs, soutenant l’implantation dans les universités est européennes de postes de lecteurs et de professeurs, tissant entre la société allemande et les sociétés européennes des liens multiples. Pour les relations entre l’Allemagne et la Pologne, l’Université européenne Viadrina, créée à Francfort sur l’Oder après la réunification, qui offre des cursus bilingues et dont le tiers des étudiants sont polonais, en est une parfaite illustration. Les acteurs économiques, aussi, tiennent une place centrale. Depuis la réunification, les investissements allemands en Europe centrale et orientale se sont multipliés – investissements dans les médias (la majorité des journaux polonais et bulgares appartiennent à des groupes allemands) ou rachats d’entreprises, tel celui de la firme d’automobiles tchèque Skoda par Volkswagen. Dès avant la crise, de nombreuses firmes allemandes ont implanté des filiales dans ces mêmes pays, voire délocalisé plusieurs sites de production. La stabilisation démocratique des voisins orientaux de l’Allemagne et leur passage à l’économie de marché, leur dynamisme économique (jusqu’à la crise) et la réorientation de leurs circuits commerciaux en direction de l’Occident, ont offert aux exportations allemandes un marché en pleine expansion et de nouveaux clients. Pendant la campagne pour les élections européennes, la chancelière Angela Merkel reconnaissait ouvertement que l’Allemagne profite plus que la moyenne du marché intérieur européen.

Ancrer l’Europe centrale à l’ouest

Trois sites d’observation différents aideront à mieux percevoir ce nouveau positionnement européen de l’Allemagne. Le premier est la nouvelle capitale allemande, c’est-à-dire Berlin. Métamorphosée et à bien des égards réinventée, Berlin – à cent kilomètres de la frontière polonaise –, s’est imposée, en dépit de ses handicaps et de son absence d’atouts économiques, comme la nouvelle métropole culturelle et artistique de l’Europe réunifiée, mais aussi comme la ville la plus cosmopolite d’Allemagne. Le second site est d’ordre démographique : sur les sept millions d’habitants de l’Allemagne qui n’ont pas la nationalité allemande, on compte, à côté d’1 700 000 Turcs, au moins 700 000 personnes originaires de l’ex-Yougoslavie, 400 000 Polonais, 200 000 Russes et 130 000 Ukrainiens – contre 100 000 Français seulement. Le troisième site, enfin, est l’échelon européen lui-même. Avec 82,5 millions d’habitants, l’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union. A lui seul, son produit intérieur brut représente un cinquième du produit intérieur brut de l’Union. Au Parlement européen (dont le dernier président en exercice, Hans-Gerd Pöttering était un membre de la CDU), l’Allemagne a le groupe parlementaire le plus nombreux (99 députés, contre respectivement 72 pour la France, la Grande-Bretagne et l’Italie, et cinquante pour l’Espagne et la Pologne). Compétents et présents souvent sur deux à trois législatures, ses députés se rangent avant tout dans les deux premiers groupes, le PPE et le PSE (présidé par l’allemand Martin Schulz) ; plus à l’aise que beaucoup d’autres dans la culture du compromis et du consensus, ils sont les plus influents tout en veillant à ce que les intérêts allemands ne soient pas lésés.

On se tromperait cependant à voir dans le nouveau positionnement européen de l’Allemagne le signe d’une volonté hégémonique, voire d’un retour à une politique de bascule entre l’Est et l’Ouest. De par les leçons qu’elle a tirées de son histoire récente, l’Allemagne est foncièrement hostile à toute politique de puissance. Adepte convaincue du multilatéralisme et du soft power, elle est plus attachée que la majorité de ses voisins à l’idée européenne et la nécessité d’une intégration forte ne suscite pas de grandes controverses politiques. Le soutien constant qu’elle a apporté à l’idée d’élargissement de l’Union à l’Est est indissociable de son souci de mieux ancrer les pays de l’Europe centrale et orientale dans la communauté occidentale et atlantique. Son ouverture aux marchés orientaux, enfin, n’a pas remis en cause les directions dominantes de ses échanges commerciaux. Sur les douze premiers pays clients de l’Allemagne en 2008, on trouve la France, en première position, suivie par les États-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Italie ; le premier pays situé à l’Est, la Pologne, n’arrive qu’en neuvième position, et la Russie en douzième position. Et il en va de même dans la liste des pays qui vendent à l’Allemagne – à l’exception notable de la Chine (en seconde position).

Paradoxalement, en effet, le renforcement de l’influence allemande en Europe s’est accompagné d’un recul de la passion européenne et d’une attention plus grande apportée à la défense et à la promotion des intérêts nationaux. Soucieuse de se prémunir contre l’afflux d’immigrants pauvres et non qualifiés, l’Allemagne a limité le plus possible l’octroi de permis de séjour et de travail de longue durée aux réfugiés chassés par la guerre déchirant l’ancienne Yougloslavie. De même, elle a imposé pendant plusieurs années des restrictions à la mobilité de travail des habitants des nouvelles démocraties d’Europe orientale et si elle a œuvré activement à l’extension des frontières de l’Union et de l’espace de Schengen à l’Est, c’est aussi pour mieux se protéger contre les flux migratoires incontrôlés. Premier contributeur au budget de l’Union, l’Allemagne a veillé à ce que sa quote-part ne soit pas accrue par le passage progressif à 27 membres. En matière de politique énergétique, elle mène dans ses relations avec la Russie une politique qui fait peu de cas de ses partenaires européens ; à peine Gerhard Schröder avait-il quitté la chancellerie qu’il est devenu conseiller du groupe énergétique russe Gazprom et le gazoduc sous-marin qui reliera directement la Russie à l’Allemagne contourne les pays baltes et la Pologne. Face à la crise qui, en tant que pays exportateur, la touche plus durement que d’autres, l’Allemagne s’est longtemps montrée rétive à toute approche européenne. Aux récentes élections au parlement européen, enfin, le taux de participation a été le même que celui de la moyenne européenne et les résultats du scrutin ont été interprétés avant tout en fonction des élections au Bundestag de septembre 2009, perçues comme l’enjeu déterminant qui mobilisera toutes les attentions et les énergies. Profondément déçu par cette attitude de repli, l’ancien ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer a dit, à la veille des élections européennes, que « l’Allemagne ne considère plus l’Union européenne comme un but, mais comme un moyen pour imposer ses propres intérêts ». L’arrêt du 30 juin 2009 de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe vient d’en apporter une confirmation éclatante : en affirmant que l’Allemagne ne pourra plus abandonner de souveraineté sans changer de Constitution, il a mis fin à l’idéal de fédération européenne.

Une relation franco-allemande en demi-teinte

Les ratés du partenariat franco-allemand et sa difficulté à trouver un second souffle après la réunification, le passage à l’euro et l’élargissement de l’Union à 27 membres, portent une part de responsabilité dans cette évolution. Certes, Allemands et Français ont réussi à construire en un peu plus d’un demi-siècle un partenariat exemplaire qui suscite un peu partout curiosité et envie. Pendant longtemps, ce partenariat d’un type nouveau a été porté par une volonté forte de réconciliation, par l’ambition de construire de nouveaux rapports reposant sur l’égalité, la confiance et le droit, mais aussi par une complémentarité d’intérêts (l’alliance avec l’Allemagne permettait à la France de mieux tenir son « rang » international, tandis qu’à l’inverse l’alliance avec la France permettait à l’Allemagne de compenser sa division) – ce qui explique qu’il ait réussi à surmonter les très nombreuses frictions qui l’ont accompagné. La dynamique ainsi enclenchée s’est poursuivie après la réunification, créant entre les deux pays une densité et une richesse d’échanges et d’imbrications dont on ne trouve aucun exemple ailleurs – qu’il s’agisse de la jeunesse (Ofaj), de l’économie (Airbus), des médias (Arte), de la recherche (Université franco-allemande) ou de la politique (consultations régulières, échanges de hauts fonctionnaires). Depuis longtemps déjà, et avec une remarquable constance, le pays voisin est à la fois le partenaire le plus proche et le plus sûr.

À l’heure actuelle, ce partenariat, sans lequel l’Europe ne peut fonctionner, est plus un acquis qu’un atout. La cause en tient moins aux personnes qu’aux changements structurels. La réconciliation est maintenant acquise – au point même qu’on en oublie ce qu’elle a pu représenter en son temps. L’Allemagne réunifiée a moins besoin de la France que ce n’était le cas avant 1989-1990 et à l’inverse la France est souvent tentée d’adopter à l’égard de l’Allemagne une position défensive. Durant les dernières années, le partenariat franco-allemand a certes prouvé son efficacité – ainsi dans la conduite de l’élargissement de l’Union, dans le commun refus de s’engager dans l’aventure irakienne, dans le lancement d’un manuel franco-allemand d’histoire permettant aux lycéens des deux pays de jeter un regard commun sur l’histoire européenne, ou encore dans l’élaboration du traité de Lisbonne pour sortir de l’impasse créée par les non Français et néerlandais au référendum constitutionnel. Mais jamais il n’a donné naissance à un projet de plus grande envergure répondant aux défis et aux enjeux d’une Europe élargie et d’une économie mondialisée, les frictions franco-allemandes qui ont accompagné la naissance laborieuse de l’Union pour la Méditerranée l’ont montré d’évidence. Et face à la crise, les divergences doublées de méfiance ont refait surface avec d’un côté le refus opposé par l’Allemagne aux propositions françaises d’une meilleure coordination des politiques économiques de la zone euro, et de l’autre l’aggravation rapide du déficit des finances publiques françaises et l’affirmation par le président Sarkozy devant le Congrès de Versailles en juin que « ce n’est pas le moment de parler du projet européen ».

Au terme de ce rapide panorama, le bilan n’incite pas à l’optimisme. En dépit du renforcement de son influence en Europe, l’Allemagne réunifiée et transformée de l’intérieur paraît plus attachée à la poursuite de ses intérêts nationaux qu’au renforcement de la construction européenne. Quels que soient par ailleurs ses atouts, et alors même que tous s’accordent à le reconnaître irremplaçable, le partenariat franco-allemand végète sans imagination. Dépourvu d’ambition et ayant peine à fédérer les espoirs et attentes des citoyens, le projet européen, enfin, semble plus incertain que jamais. La crise financière et économique, par son imprévisibilité, sa soudaineté et sa gravité, aurait pu susciter un sursaut. C’est le contraire qui s’est produit. N’est-ce pas là le signe d’une « panne européenne » de grande ampleur – et de la nécessité de repenser un projet européen partant de la société civile, qui fasse davantage place à la politique et à la culture ?


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