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Jocistes en campagne


Resumé Des jeunes de milieux populaires ont établi une charte pour l’emploi et travaillé à la faire adopter par les adultes.

Salariés, précaires, étudiants, lycéens… La Charte pour l’emploi des jeunes lancée en octobre 2006 par la Joc (Jeunesse ouvrière chrétienne) a mobilisé les 15-30 ans, quelle que soit leur situation scolaire ou professionnelle. Cette initiative a été conduite par des jeunes jocistes mais aussi d’autres, extérieurs au mouvement. La mobilisation s’est faite dans la durée, sur un sujet sensible mais central dans la vie des moins de 30 ans ; la campagne « Emploi : Atout jeunes ! » s’est étalée sur deux années et a donné ainsi un véritable espace d’expression aux jeunes. Ils s’y sont impliqués chacun à leur échelle.

Menée avec l’aide de l’institut CSA la phase d’enquête avait marqué le début de la campagne. Plus de 31 000 jeunes de 15 à 30 ans ont été interrogés. Cette consultation les invitait à exprimer leurs préoccupations en matière d’emploi et de formation pour mieux connaître leurs aspirations et leurs problèmes. « Nous sommes allés en centre-ville et dans le tram pour faire remplir l’enquête, raconte Nicolas, étudiant. Au départ, nous avions un peu peur de la réaction des jeunes dans la rue, mais cela c’est super bien passé. On a pu avoir un vrai dialogue avec beaucoup d’entre eux, certains nous ont même encouragés. » Dans les quartiers où les jeunes ont souvent l’impression que leur avis ne compte pas, la démarche a été bien accueillie. Après ce premier contact, l’objectif était de continuer à les intégrer dans la suite de la campagne.

Les jeunes rencontrés ont été invités (certains ont directement participé à la préparation) aux 220 tables rondes qui se sont tenues un peu partout en mars. Celles-ci réunissaient des acteurs concernés : employeurs, syndicats, Anpe Mission locale, élus… Ces rencontres ont été l’occasion d’échanges et de débats où les jeunes étaient impliqués. Ils ont exposé leurs préoccupations en s’appuyant sur les résultats de leur enquête. « C’était ma première campagne avec la Joc et organiser une table ronde n’a pas été facile, commente Johann, 20 ans, salarié à Arras. Il a fallu inviter les élus, les institutions, les syndicats et les associations. Écrire des courriers, passer des coups de fils, gérer la logistique… Cette préparation a été un bel apprentissage pour moi. La table ronde a été un succès, il y a eu un vrai débat, qu’il a d’ailleurs fallu animer et gérer ! » La présence de responsables politiques, de syndicalistes et de chefs d’entreprises crédibilisait l’action menée par la Joc aux yeux des jeunes.

Autour de la Charte

Et c’est sur la base de ce travail des nombreuses tables rondes que se sont déroulés les États généraux pour l’emploi des jeunes, du 31 septembre au 1er octobre 2006. 1 200 délégués venus de toute la France s’étaient rassemblés pour élargir le débat et adopter une Charte. La moitié des participants étaient des jeunes extérieurs au mouvement mais intéressés par la démarche. La campagne avait réussi à mobiliser largement, initiant de nombreux jeunes à l’engagement.

Votée aux États généraux, la Charte pour l’emploi des jeunes est le fruit de toute une année d’action et de réflexion. Elle n’a pas été parachutée, ce sont les jeunes eux-mêmes qui l’ont construite, grâce aux constats relevés par l’enquête, aux propositions avancées dans les tables rondes. Les jeunes se sont sentis concernés, ils se sont approprié une Charte pour laquelle ils étaient impliqués depuis plusieurs mois ou semaines. Pour ceux des milieux populaires, souvent laissés pour compte, c’était un moyen de faire entendre leur voix. La campagne « Emploi : Atout jeunes ! » a mis en place un cadre qui a permis une action collective à la fois à l’échelle locale et nationale. Tout au long des étapes de la campagne, ils ont montré tous les problèmes rencontrés dans l’emploi des jeunes et formulé des propositions pour améliorer la situation. « En discutant avec les élus du problème de l’emploi des jeunes, je me suis aperçu qu’ils étaient conscients des difficultés rencontrées, en particulier en matière de discriminations, explique Johann. J’ai compris qu’il était aussi possible de faire changer les choses en s’engageant en politique et, cette année, je me suis présenté sur une liste aux élections municipales. Il faut agir ensemble et pas chacun dans son coin. »

Certes, la Charte et la liste des onze propositions pour améliorer l’emploi des jeunes ne permettront pas à elles seules de changer la situation en France, mais elles offrent des perspectives pratiques pour avancer dans ce domaine : les propositions formulées par les jeunes sont concrètes et réalisables. Ceux-ci sont prêts à s’engager pour une cause qui semble réaliste et dont ils peuvent observer les résultats. Et cette volonté pragmatique a donné du crédit à leur engagement vis-à-vis des autres jeunes comme des partenaires.

Lors des tables rondes locales, on a pu constater l’intérêt porté par les élus, les syndicalistes, les associations et, dans une moindre mesure, les chefs d’entreprises à cette démarche originale. Cette attention a été vécue comme une marque de reconnaissance, un encouragement à poursuivre des actions concrètes. La signature de la charte par des personnalités politiques et syndicales d’envergure nationale (Marie-George Buffet, Ségolène Royal, Dominique Voynet, François Chérèque…) a été un soutien important pour les jeunes. Elles les ont poussés à proposer cette charte localement. À la fin de l’année 2006 et au cours du premier semestre 2007, ils ont ainsi organisé des soirées pour présenter la Charte et recueillir des signatures. Élus locaux, responsables syndicaux, chefs d’entreprises et des membres de la société civile ont été invités à ces manifestations. Plusieurs centaines d’entre eux ont adopté à leur tour le texte. « Avec la campagne j’ai compris ce qu’était vraiment le rôle d’un élu, confie Nicolas. Avant, le monde politique et syndical me semblait loin de moi. Maintenant je crois en eux, ou du moins en certains d’entre eux, ceux qui ne font pas de grand discours et qui savent être concrets et compréhensibles. »

Cette volonté d’aller vers les autres (jeunes, élus, syndicalistes…) témoigne d’un engagement pour continuer à porter « leur » Charte. Il n’est pas facile pour tous les jeunes de sortir de l’entre-soi et de présenter une association ou une campagne. Dans quelque 150 villes, les jocistes sont descendus dans les rues pour faire connaître la Charte, proposant aux passants, en particulier aux jeunes, de l’adopter. Depuis quelques mois, ils ont entamé localement une évaluation de ces propositions auprès des élus. « J’ai très vite cru à la Charte, elle porte des valeurs fondamentales et rappelle que tout le monde doit s’engager pour sauver l’emploi des jeunes, assure Johann. Tous les ans, je vais rencontrer les élus locaux qui ont signé la Charte et faire le point ensemble sur ce qu’ils ont mis en place. Il y a eu de vraies avancées localement, en parties dues à la Charte. »

À partir de là, de multiples initiatives locales ont vu le jour un peu partout en France. Des soirées d’information sur les droits du travail ont été organisées, des journées sur le thème de l’orientation ont rassemblé des lycéens et des étudiants pour discuter de leur avenir scolaire et professionnel. Des « permanences emploi » ont ouvert leurs portes à Lille, Tours, Rouen et dans bien d’autres villes. Dans ces permanences, les jeunes se motivent mutuellement et s’entraident dans leur recherche de travail. « Entre jeunes, c’est plus simple de se parler, de se lâcher » note Alida, responsable de la permanence à Troyes avec Romuald. Ce dernier espère que « les jeunes qui ont été aidés deviennent ensuite animateurs à leur tour. »

Les deux années de campagne ont vu les jeunes se mobiliser massivement autour d’un objectif commun. Ils ont été les premiers acteurs de la campagne, de l’enquête, des débats. Même s’ils ne connaissaient pas la Joc, plusieurs ont témoigné de leur volonté de participer à une action où ils étaient « utiles », y compris ceux qui habituellement n’ont pas droit à la parole. Le signe le plus encourageant pour l’avenir est leur insistance à vouloir agir localement : en ouvrant des permanences emploi, en travaillant avec l’Anpe et la Mission locale ou mettant en place des temps de formations. « Emploi : Atout jeunes » : cette campagne a été un bel exemple de la capacité des 15-30 ans de se prendre en charge eux-mêmes pour tenter de faire bouger les choses, mais consolidée par cette conviction : ce n’est pas en travaillant chacun de son côté qu’on peut y arriver.


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