Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site
Dossier : Risques partagés
Dossier : Risques partagés

Le logement, une (in)sécurité fondamentale


Resumé Pour que le logement ne soit plus un lieu d’insécurité : vivre ensemble, c’est rassurant.

Avoir un toit sur la tête pour ne pas mourir de froid    ! Le logement est à la fois une sécurité physique et une nécessité psychique. Le contact fréquent avec des personnes privées d’un lieu qui soit à elles montre à quel point cette situation peut être déstructurante. L’image de soi est dégradée quand on n’est plus capable de défendre son intégrité et tout ce qui est cher : enfants placés, affaires personnelles dispersées, perdues… Il faut des années pour remonter cette pente.

Si l’on a besoin de « demeurer », on a aussi besoin de grandir. Le logement est un lieu d’affirmation identitaire de soi qui suppose une mobilité possible. Quitter ses parents, déménager pour rejoindre un conjoint ou se rapprocher d’un travail, accéder à un logement plus grand parce que la famille s’agrandit… « C’est la vie    ! » Avoir cette possibilité ou non conditionne sa vie. Les événements de l’automne 2005 dans les banlieues prennent tout leur sens quand on pense à l’impossibilité pour une population jeune, d’origine immigrée, de « bouger de là ». Bouger de chez leurs parents, du quartier un peu stigmatisé qu’ils ont toujours connu. Ils sont assignés à résidence. Si leur révolte n’était pas « auto-destructrice », on aurait envie de dire qu’elle est salutaire parce qu’elle est signe d’une vie qui refuse l’enfermement.

Il faut s’interroger devant l’effet induit sur « l’envie de vivre » de ces millions de personnes bloquées dans leurs projets par un logement si rare et si cher. Malaise et dépression : comment croire en soi à titre personnel, croire en la société quand il est devenu si risqué de quitter son logement    ? Il est devenu aujourd’hui une insécurité fondamentale pour une part croissante de la population.

Solidarités nouvelles face au logement (Snl) est une association de solidarité par le logement qui agit en Ile-de-France pour mobiliser sur le plan local, à l’échelle d’un quartier, d’une petite ville, des citoyens désireux d’agir concrètement sur la question du logement. L’objectif concret est de mobiliser des fonds publics et privés pour acheter des logements, les proposer en location à très bas prix à des personnes qui cumulent des difficultés économiques et sociales, accompagner ces personnes pour qu’à partir de ce premier lieu, elles se remettent sur pied, et enfin mobiliser des partenaires pour qu’elles puissent accéder in fine à un logement « classique » et s’inscrire à nouveau dans un réseau de relations.

Extrait de la Charte Snl

« Depuis 1988, Snl a fait le constat d’une double fracture.

1. Une fracture qui sépare les hommes les uns des autres : notre société manque de paroles échangées, d’écoute réciproque, de soin porté à l’autre. Elle ne connaît pas assez de lieux où peuvent s’exercer une solidarité à visage humain et la responsabilité du citoyen.

2. Une fracture entre la nécessité du logement et la réalité vécue par beaucoup : habiter est pour tout homme une nécessité première. Beaucoup n’ont plus où habiter. L’écart creusé entre réalité et nécessité est immense. Cette double fracture met fortement à l’épreuve l’humanité de chacun. Se résigner conduit à la nier définitivement. »

Pour y répondre, les dispositifs sont en défaut. Habiter ensemble est un risque à prendre. Risque de l’autre : être présent physiquement à l’autre, dans la durée. Risque de la responsabilité, mais risque de nier sa propre humanité en ne faisant rien.

Depuis 1988, l’association a acheté ou pris à bail à réhabilitation long terme environ 600 logements. 1   000 bénévoles sont mobilisés, au sein de 100 groupes locaux de solidarité. Ils expriment à la fois le choix de la proximité et le risque du vivre ensemble. Car la nécessité vitale de logement des uns est ressentie comme une menace par les autres, et tout le monde s’accorde à penser qu’il faut davantage de logements sociaux, mais pas à côté de chez soi    ! La peur de l’autre est très présente : le logement social, c’est des barres et des voitures qui brûlent, c’est l’irruption du lointain dans son jardin…

Les membres de Snl veulent oser cela : lorsqu’on achète un logement dans un immeuble, on impose parfois aux autres le « risque du vivre ensemble ». Des difficultés de voisinage peuvent se présenter    ; il s’agit alors d’être présents pour y répondre collectivement grâce à des médiations et grâce à l’apport de compétences professionnelles.

Les membres de Snl prennent le risque d’agir : risque pour des bénévoles de s’engager dans cette recherche, risque aussi pour des salariés d’une structure associative très fragile dans ses financements, et par rapport à des projets de vie qui ne s’inscrivent pas d’abord dans un souci de carrière, ou une logique de maximisation des revenus. Inversement, cependant, agir concrètement dans une action qui s’affronte à ces risques partagés leur donne de se situer autrement que dans la peur d’être tout petits dans un monde non maîtrisable, menaçant dans son insaisissabilité.

En refusant de s’en tenir au « c’est aux autres de faire, au maire, à l’Etat… », les militants de Snl ne tombent pas pour autant dans le mirage d’une toute-puissance. Ce n’est pas parce qu’on est bénévole ou salarié dans l’association que l’on sait ce qui est bon pour les personnes accompagnées. Ce n’est pas non plus parce qu’on a créé 600 logements qu’on peut affirmer « qu’on sait faire ». Ces militants n’ont pas inventé le système qui répond à l’ensemble des besoins. En revanche, ils peuvent dire que vivre ensemble est possible, et que c’est drôlement rassurant    !

Eric Amieux


J'achète Le numéro !
Risques partagés
Je m'abonne dès 3.90 € / mois
Abonnez vous pour avoir accès au numéro
Les plus lus

Les Marocains dans le monde

En ce qui concerne les Marocains, peut-on parler de diaspora ?On assiste à une mondialisation de plus en plus importante de la migration marocaine. On compte plus de 1,8 million de Marocains inscrits dans des consulats à l’étranger. Ils résident tout d’abord dans les pays autrefois liés avec le Maroc par des accords de main-d’œuvre (la France, la Belgique, les Pays-Bas), mais désormais aussi, dans les pays pétroliers, dans les nouveaux pays d’immigration de la façade méditerranéenne (Italie et ...

L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible

Faut-il expurger la Bible ou y lire l'histoire d'une Alliance qui ne passe pas à côté de la violence des hommes ? Les chrétiens sont souvent gênés par les pages violentes des deux Testaments de la Bible. Regardons la Bible telle qu’elle est : un livre à l’image de la vie, plein de contradictions et d’inconséquences, d’avancées et de reflux, plein de violence aussi, qui semble prendre un malin plaisir à multiplier les images de Dieu, sans craindre de le mêler à la violence des...

Un héritage tentaculaire

Depuis les années 1970 et plus encore depuis la vague #MeToo, il est scruté, dénoncé et combattu. Mais serait-il en voie de dépassement, ce patriarcat aux contours flottants selon les sociétés ? En s’emparant du thème pour la première fois, la Revue Projet n’ignore pas l’ampleur de la question.Car le patriarcat ne se limite pas à des comportements prédateurs des hommes envers les femmes. Il constitue, bien plus, une structuration de l’humanité où pouvoir, propriété et force s’assimilent à une i...

Du même dossier

Le diagnostic prénatal, quelle « sécurité » ?

Resumé L’échographie ne peut devenir l’instrument d’un eugénisme déguisé. La recherche destinée à appréhender l’impact de la judiciarisation, depuis l’« arrêt Perruche » 1, sur les pratiques des échographistes et des gynécologues obstétriciens ne permet pas de répondre de façon globale à la question de savoir en quoi le diagnostic prénatal constitue une « sécurité » 2. Que ce soit le cas d’un point de vue médical dans certaines situations paraît incontestable aux médecins que nous avons interrog...

Retour sur le principe de précaution

Resumé Un principe qui ouvre une voie pour une action responsable et précoce de prévention des risques collectifs. Pourquoi revenir sur le principe de précaution, que j’analysais ici même il y a six ans 1 ? Il y a trois bonnes raisons à cela. Après la jurisprudence de la Cour européenne de justice à propos de l’embargo sur les exportations de produits bovins britanniques 2, et alors qu’il était considéré comme une norme autonome du droit communautaire, le principe de précaution a donné lieu à un...

L'entrée des Ogm en Europe

Resumé Entre dimension symbolique forte et pressions d’un marché mondialisé, quelle transparence et quels scénarios ? Le 19 mai 2004, la Commission européenne a levé l’interdiction de cultiver et commercialiser de nouveaux organismes génétiquement modifiés (Ogm) en Europe, signifiant la fin du moratoire mis en place à partir de 1999. Cette décision était justifiée par le fait que l’Union européenne s’était donné un cadre législatif suffisamment contraignant pour permettre une entrée négociée de ...

Vous devez être connecté pour commenter cet article
Aucun commentaire, soyez le premier à réagir !
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules