Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
La Maison de la poésie d’Amay, en pays liégeois, est née en 1964 de la rencontre de Francis Chenot et Francis Tessa, deux poètes qui amorcent leur alliance en créant un premier spectacle littéraire. Avant de devenir « Maison de la Poésie », cette association sans but lucratif s’appela Identités et se fit connaître à travers une revue, Vérités, puis L’Arbre à Paroles, qui a donné son nom à une maison d’édition.
L’écriture poétique déroute si elle se montre trop différente de celle apprise à l’école, de même qu’une expression graphique ou plastique est souvent incomprise lorsqu’elle cesse d’être académique. Mis à part quelques élus, eux-mêmes trop souvent cloisonnés dans une seule discipline (soit l’écriture soit un art plastique), notre siècle a perdu le fil de sa propre création. L’équipe de la Maison de la Poésie veut remédier à cette perte. C’est pourquoi Arts plastiques/graphiques et écriture poétique sont étroitement liés, mariés même, au sein de son projet.
Depuis plus de dix ans, le choix de la Maison de la Poésie d’Amay se porte d’abord sur le travail au sein des écoles de tous niveaux. Elle touche tous les enfants et adolescents et non seulement les privilégiés issus d’un milieu familial sensibilisé à la culture. Dans les ateliers qu’elle organise, dès le plus jeune âge, les jeunes se familiarisent avec l’art et la poésie d’aujourd’hui, s’initient à des techniques où l’écriture et le travail des mots vont de pair avec l’expression graphique et plastique. Des visites ludiques de musées sont aussi proposées aux établissements scolaires.
Elle propose aussi aux adultes des ateliers «Plume et pinceau» afin de les aider à s’exprimer à travers une alliance d’écriture poétique et d’arts plastiques. Ces ateliers sont ouverts à tous : chômeurs, Rmistes, enseignants, retraités, toute personne qui désire faire cette expérience créative. De plus en plus, la Maison de la Poésie reçoit des demandes d’associations de réinsertion socio-professionnelle.
Fondée par la création d’un spectacle littéraire, l’association n’a pas abandonné son rôle de diffuseur, promoteur de la poésie. Un vendredi par mois, elle accueille deux ou trois auteurs, pour la présentation de leur dernier ouvrage publié par L’Arbre à Paroles ou d’un numéro de la revue. Des expositions sont organisées pour montrer au public et aux enfants les démarches d’artistes qui s’inscrivent dans une recherche plastique contemporaine. Des expositions à thèmes ont également lieu : Peaux de terre, peaux du monde ; Intérieur, extérieur ; Petits riens, Simples merveilles ; D’une rive à l’autre... Elles rassemblent des oeuvres réalisées par les enfants des écoles, par des handicapés mentaux, par des étudiants en arts plastiques et par des artistes. Des spectacles de poésie et des récitals sont aussi confiés à des professionnels.
Pour un rayonnement encore plus vaste, la Maison essaye de toucher d’autres associations, de nouer de nouveaux partenariats, de développer des formations destinées aux animateurs et acteurs culturels désireux de découvrir des outils d’animation d’ateliers d’écriture créative.
« En donnant à chacun, dit Agnès Henrard, animatrice d’ateliers, les moyens de s’exprimer par l’écriture poétique dans l’écoute mutuelle, le respect des différences et le plaisir, la poésie favorise la démocratie. Nous axons souvent nos ateliers autour de thèmes comme : l’identité, le chemin de vie, les racines...
En écrivant des textes poétiques, la personne participe au monde en osant affirmer qui elle est. Les ateliers favorisent le dialogue et l’écoute : chacun est invité à lire ses textes dans un respect total.
L’écriture poétique valorise la liberté de chacun au niveau de son expression propre, dans le contenu et dans la forme : « La poésie peut tout dire ». Solidarité et droits de l’homme sont des thèmes proposés en ateliers avec des groupes d’enfants, de jeunes et d’adultes. Et le fait d’écrire ensemble fait naître une complicité, un regard bienveillant sur l’autre, un sentiment de reconnaissance. L’atelier est un lieu porteur de démocratie ! Il donne à chacun la même place dans le groupe, la même valeur, le même droit à l’expression. Chacun se sent l’égal de l’autre, et responsable de lui-même. Chacun sait qu’il reçoit les outils nécessaires à son investissement personnel.
Notre rôle est d’induire l’envie d’écrire, de mettre en confiance, d’encadrer sans diriger, de proposer, d’inviter, de baliser sans contraindre, d’accompagner les doutes, les tâtonnements, de valoriser chacun…En prenant confiance en lui, chacun devient « qui il est vraiment » et donne le meilleur de lui-même. En recevant les outils nécessaires, et le droit à dire qui il est, chacun peut grandir, s’investir positivement dans la société et participer au monde. »
Sandrine Dapsens