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Les héros des enfants le crient : « trop injuste », disait Kalimero ; « c’est pô juste », se lamente Titeuf. Ils disent ce qui est ressenti profondément par beaucoup : à l’école, au travail et dans l’entreprise, entre quartiers, entre générations, on se sent défavorisés par rapport aux autres : sentiment relatif qui encombre la vie de chacun. Il est facile de croire son voisin mieux loti que soi… Mais le sentiment n’est pas tout. La réalité analysée dans ce dossier témoigne des injustices vécues dans divers domaines et dénoncées.
Pourtant, il y a du mieux. La société d’aujourd’hui est moins inégalitaire. Deux exemples fort éloignés : la Cmu a donné le bénéfice des soins à une population qui en était exclue ; la loi sur la parité en politique a permis à des femmes plus nombreuses d’accéder à des responsabilités dont elles seraient sans cela restées éloignées. Mais des mesures législatives ne suffisent pas et plus égalitaire ne signifie pas forcément plus juste. Comme l’explique François Dubet, il existe à côté de l’égalité deux autres principes de justice – sans doute plus marqués de subjectivité–, le mérite et l’autonomie.
Une fois reconnues et mesurées les injustices, il importe de définir quelle société nous voulons. Permettre d’abord à chacun d’acquérir les ressources – financières mais surtout de formation –, pour affronter les difficultés : donner des capacités d’accès au travail, à la santé, au logement, est une première réponse. Mais la structure de l’offre importe aussi. Lutter contre les injustices, c’est permettre de peser collectivement pour transformer les règles de fonctionnement de notre société.
Des militants, on dit souvent qu’ils crient dans le désert. Heureusement qu’ils sont là. Et la lecture de Pierre Gibert nous rappelle que devant l’impuissance du droit face aux injustices, le prophète est toujours nécessaire.