Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Longtemps terre d’émigration, l’Europe est devenue aux temps modernes terre d’immigration. Elle exerce un puissant effet d’attraction par les conditions de vie qu’on y trouve (prospérité économique, organisation des services publics, respect des libertés publiques), par sa proximité géographique du continent africain et du Proche-Orient et par les liens qu’elle a tissés avec les autres parties du monde, notamment l’Amérique latine. Seuls les Etats-Unis la surpassent en puissance d’attraction.
L’extension donnée au principe de libre circulation des personnes par la formation en 1985 de l’espace de Schengen, à l’intérieur duquel il n’existe plus de frontières, a conduit les Etats concernés à se doter de règles communes. Ces règles devaient inspirer une politique définie au Conseil européen de Tampere en 1999 comme s’engageant dans la création d’un « espace de liberté, de sécurité et de justice. »
En réalité, ces propositions font naître des questions redoutables. Des camps devraient être créés pour retenir les demandeurs d’asile et les clandestins hors d’Europe. Comment ces camps seront-ils gérés ? Pour y échapper, les migrants ne seront-ils pas incités à prendre des risques de plus en plus dangereux ? Ou à se mettre entre les mains de trafiquants qui les exploiteront jusqu’au bout ? Qu’en sera-t-il de l’observation de la Convention de Genève ? En application de la règle de l’« Etat tiers », sera-t-il interdit à ceux qui sont passés par ces lieux – s’ils parviennent à s’en libérer – de déposer dans un autre pays leur demande de visa ? Le but de l’opération n’est-il pas de faire échapper au regard du public des pratiques peu respectueuses des droits de l’homme ?