Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Le 9 avril, nous étions près de 300 jeunes réunis pour réfléchir sur le Traité, dialoguant avec plusieurs personnalités politiques, désireux de prendre le temps de comprendre un texte que l’on ne connaît trop souvent qu’à travers les controverses qu’il soulève. Cette journée fut un temps d’échanges le plus honnêtes possible, dans une volonté de clarification et d’évaluation, un recul nécessaire pour préparer et mûrir un choix responsable, quel qu’il soit. Cette étape était aussi l’occasion de se rappeler que ce projet est le résultat d’un long processus, le fruit d’une histoire dans laquelle il s’inscrit sans jaillir de nulle part.
Se montrer lucide sur la réalité politique, sociale et historique de l’Union européenne ne conduit pas fatalement au pessimisme, ni à la résignation, encore moins à la poursuite naïve de faux absolus. Je lis souvent que l’idée d’Europe serait l’inverse de ce que désirent les jeunes Européens au quotidien. Mais l’Europe dans laquelle je vis n’est précisément pas une « idée ». Avec cette campagne, j’ai également redécouvert qu’elle est une réalité qui se construit depuis plus de cinquante ans. Celle de la réconciliation de peuples qui semblaient irréconciliables, de l’établissement d’une communauté de destin dont mes grands et arrière grands parents n’osaient rêver.
Enfin, le projet européen s’incarne dans une pratique démocratique et à travers une expérience politique incontournable. L’Europe politique n’est pas une simple nécessité, elle est d’abord un choix.
Le mythe du désintérêt des jeunes pour la politique est tenace. Sous prétexte que nous nous désinvestirions des structures traditionnelles de l’action politique à l’échelle nationale, davantage stimulés par un militantisme anticonformiste et « altermondialiste », il serait logique que, comme nombre de citoyens, nous manifestions une indifférence encore plus grande à l’égard des affaires européennes. Une image de désaffection et d’impuissance contribue à perpétuer l’idée qu’« à Bruxelles » tout est décidé sans nous, loin de la réalité quotidienne, de nos préoccupations et des causes qui nous mobilisent. Certes, l’image technocratique de l’Union européenne n’est pas totalement usurpée, mais quel avantage les jeunes tireraient-ils de l’entretien résigné d’un lieu commun largement nourri de phantasmes et d’ignorance ?
C’est au contraire le désir de participer activement à la construction de la société dans laquelle nous vivons qui constitue l’un des points majeurs de notre entrée dans le débat européen. Qu’elles soient ancrées dans des modes conventionnels ou qu’elles prennent des formes plus autonomes et spontanées, nos revendications ne peuvent plus ignorer leur indispensable dimension européenne. Le référendum sur le Traité constitutionnel nous offre l’occasion d’une participation réelle à un processus de décision qui nous concerne, et il nous invite à être parties prenantes de la construction de ce à quoi nous aspirons dans nos prises de position : un espace de vie et de promotion concrète de valeurs aussi fondamentales que la paix, la justice, la démocratie réelle, la solidarité et l’option préférentielle pour les plus pauvres.
Le mouvement de défiance vis-à-vis d’un système politique et des ses représentants exprime vraisemblablement la volonté des jeunes de recourir à de nouvelles formes d’action politique. Certes. Mais je suis convaincu que notre désir commun d’engagement politique et social ne peut raisonnablement faire l’économie de la prochaine décision référendaire. Et qu’il nous revient de traduire cette aspiration par un choix électoral honnête et cohérent.