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Un Africain au FSM


Resumé Madi Sollo est un militant associatif ivoirien, secrétaire général du Réseau Jeunesse ivoirien qui s’est mis en place en réaction au conflit actuel, afin de créer des synergies entre jeunes du Nord et jeunes du Sud. Dans le cadre d’un  Programme d’appui à l’insertion professionnelle et sociale, le Ccfd soutient ce réseau ivoirien composé d’une douzaine d’associations de jeunes, investies dans les domaines de la santé, de l’animation, de l’insertion professionnelle, de l’agriculture.

Projet – Quels sont les enjeux de votre participation comme Ivoirien à ce Forum social mondial ?

Madi Sollo Invité à venir à Bombay comme membre de la délégation du Ccfd, j’y ai vu une formidable occasion d’échanges et d’enrichissement pour mon travail au sein du Réseau Jeunesse de République de Côte d’Ivoire. La dimension mondiale du Forum en fait un lieu extraordinaire d’apprentissage et de rencontres avec d’autres acteurs ! Qu’il se déroule en Inde est pour moi d’autant plus intéressant. J’ai découvert le problème des Dalits (intouchables) et des différents « degrés » de citoyenneté dans ce pays. Même si les problèmes sont très différents, cette découverte me renvoie au cas ivoirien. Différentes castes, cela signifie différents types de population au sein d’un seul et même pays. D’une certaine façon, nous sommes confrontés aussi à une « catégorisation » de la population ivoirienne, source de tensions et de difficultés. Le dialogue avec les Indiens et le regard sur leur travail pour y répondre nous stimule, pour sensibiliser les populations de nos pays d’Afrique à cette question.

Projet – Vos attentes ont-elles trouvé des réponses dans ce Forum ?

Madi Sollo Mon objectif prioritaire était de chercher des leviers pour faire progresser la paix au niveau des associations dont j’ai la responsabilité. Mon réseau est composé d’associations de jeunes, car ce sont les jeunes qui ont beaucoup été mis en avant dans la crise ivoirienne. Ils représentent une bonne partie de la population du pays. Ils sont notre avenir. Sauront-ils cultiver l’amour du prochain, l’amour de la paix, pour que demain nous vivions mieux ?

Il y a des crises dans plusieurs endroits du monde : au Kosovo, au Sri Lanka, en Algérie… Ici à Bombay, j’ai écouté plusieurs personnalités analyser ces crises et dire comment, dans leur pays, elles ont amorcé des solutions. J’ai découvert l’existence de nombreux réseaux : à travers le monde, des gens se mettent ensemble pour construire la paix. J’ai vu beaucoup d’affiches contre la guerre en Irak, mais dans les groupes de travail, j’ai surtout rencontré des acteurs de l’éducation à la paix. J’ai participé aussi à des ateliers et conférences sur le développement, l’environnement ou sur la place de la sexualité dans la société. J’ai enfin noué des contacts avec des associations africaines : ces liens nouveaux sont un des fruits du Forum.

Projet – Aviez-vous participé à un autre Forum auparavant ?

Madi Sollo – Je n’avais pas participé à un Forum social africain. Mais j’étais présent à l’automne 2002 au premier Forum ivoirien, invité comme chargé de programme des Volontaires du Progrès. Une centaine de personnes environ y représentaient une quarantaine ou cinquantaine d’associations. Le contexte était très particulier : nous étions tout au début de la crise politique 1. D’ailleurs, certains ont tenté de nous entraîner sur ce terrain. Mais très vite, nous avons dépassé ce cap. Cette attitude m’a réconforté : elle signifie que les associations africaines sont capables de résister à des discours polarisés.

Mais le Forum ivoirien était avant tout un événement local, sans relations avec d’autres pays d’Afrique, sans référence à la dynamique alter mondialiste. Après avoir participé à un Forum mondial, je comprends que nous devons nous mobiliser et nous organiser, dans chaque pays africain et au niveau de notre continent. Nous devons être capables d’interpeller nous-mêmes nos gouvernements. Ceux-ci doivent comprendre que les Ong africaines ont un rôle positif à jouer dans le développement de l’Afrique. Après 40 ans d’indépendance, les pouvoirs publics ont montré leurs limites. Seuls, ils ne pourront pas développer l’Afrique. Il est essentiel qu’ils aient une vraie politique de soutien aux associations, qu’ils leur procurent des aides financières pour former les responsables. En ce domaine, beaucoup reste à faire. En Côte d’Ivoire, il n’y a pas, par exemple, de cadre législatif approprié pour permettre aux associations de travailler.

Projet – La dynamique des Forums sociaux a-t-elle un avenir en Afrique ?

Madi Sollo Construire une dynamique africaine reste un vrai travail à mener, un travail difficile. L’Afrique est peu présente ici à Bombay. On a parlé de 80, 200, 400 personnes. Cette sous-représentation décevante signifie que le Forum aura peu d’effets démultiplicateurs. Nous passons à côté de quelque chose : c’est difficile à accepter. Néanmoins, l’occasion était belle de rencontrer des représentants de plusieurs pays !

Paradoxalement, il est presque plus facile de se réunir maintenant, en Inde, que dans quelques semaines, à Dakar ! Mais le principal écueil qui menace la dynamique des Forums est la faiblesse de la société civile africaine. Il m’arrive d’échanger avec des Africains qui n’ont pas du tout le même point de vue que moi sur l’animation de la société civile. Très souvent, certains groupes se réclament de la « société civile », mais en réalité, il y a des hommes politiques derrière eux. D’autres catégories se réclament, elles aussi, de la société civile : les corporations professionnelles. Elles se manifestent pour des causes particulières. Les enseignants, par exemple, se mobilisent quand on parle de diminution des salaires, parce qu’ils sont directement touchés.

Mais je ne vois pas en Afrique une société civile qui dépasserait les intérêts corporatistes ou les logiques des partis politiques pour prendre en compte un intérêt général. Je ne sens pas la société africaine mûre pour cela. Il est question que le sixième FSM, en 2006, ait lieu en Afrique. Un tel projet supposerait de renforcer l’actuel bureau du Forum social africain par de nouvelles compétences. Surtout, il faudrait travailler sérieusement pendant les deux prochaines années afin de permettre à la société civile africaine de s’animer et de s’organiser. De plus, en Afrique, nous avons tous des problèmes de guerre. Ils ne laissent pas beaucoup de place pour s’investir dans l’organisation de la société. Quand l’État cherche d’abord à asseoir son pouvoir, quand il n’y a pas de démocratie, il est difficile de parler de société civile. Celle-ci doit être un contre-pouvoir. Le jour où l’on arrivera à reconnaître ce rôle des contre-pouvoirs, on pourra parler sérieusement de société civile !

Projet – Qu’est-ce qui, à chaud, est le plus marquant pour vous dans ce Forum mondial ?

Madi Sollo C’est précisément la présence de tous ces groupes qui manifestent avec des pancartes, ou des drapeaux. Cela dure depuis le début du Forum. Au départ, je pensais que ces défilés avaient lieu pour l’ouverture du Forum, et qu’ils allaient s’arrêter. Mais non ! En ce moment même, j’entends dehors des tam tam ! C’est vraiment fort. Ils sont deux, ils sont trois ? Ils organisent une manifestation ! Ils sont cinq ou six ? Ils organisent un défilé ! En rencontrant beaucoup d’Indiens, j’ai été frappé aussi par l’écart en Inde entre les riches et les pauvres. Je n’imaginais pas un tel écart, bien plus important qu’en Côte d’Ivoire. Ici tout est immense. Je viens d’un pays de 15 millions d’habitants. Ici, on est presque au milliard. Nos bidonvilles africains ne sont pas à la même échelle.

Projet - Quelles suites donnerez-vous à cette expérience ?

Madi Sollo Je suis bien sûr très motivé pour poursuivre des actions en faveur de la paix. La première Assemblée générale du Réseau Jeunesse ivoirien, dans quelques semaines, sera l’occasion pour moi de partager ce que j’ai découvert. Je voudrais aussi maintenir les contacts établis ici. Grâce au courrier électronique, c’est aujourd’hui très facile. Faire vivre ces liens permettra de continuer à profiter de nos expériences, d’y trouver une source de motivation et des pistes de solutions. Enfin, j’aimerais participer à d’autres rencontres : elles sont un lieu de formation. Pour aider notre continent à résoudre ses problèmes, il faut multiplier ce genre d’expériences et en tirer un maximum de compétences. L’Afrique en a vraiment besoin.



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1 / Le 19 septembre 2002 a lieu à Abidjan une tentative de coup d’État. Les villes de Bouaké (au centre du pays) et Korhogo (au nord) tombent entre les mains de mutins.


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