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Exit Potemkine ?


Régionales, cantonales. Elections locales : vote pour des enjeux nationaux. Une surprise ? Les scrutins de 1986, 1992, 1998 se déroulèrent sur le même mode. Rien de nouveau sous le soleil donc ? Les girondins pleurent leurs collectivités locales peinant à s’incarner tandis que les jacobins s’en réjouissent ? L’histoire s’écrira peut-être différemment cette fois. Non pas que l’on risque d’assister à une fronde du local contre le national, à un refus d’appliquer la loi. Les gesticulations médiatiques entendues de-ci de-là sont pure démagogie : aucun homme politique, aucun parti ne remettra en cause la hiérarchie des normes.

Les temps changent pourtant : les collectivités locales, ces territoires porteurs de 71 % des investissements publics 1 mais non investis par les politiques et les citoyens, ont des chances de voir leur destin infirmé. Plusieurs éléments plaident en ce sens :

En ce qui concerne la mise en œuvre d’une politique, l’existence d’une véritable majorité pour exercer les responsabilités change profondément la donne. On se souvient de l’élection houleuse des présidents de région en 1998 mais moins de la difficulté de conduire une politique durant ces six dernières années. Malgré le 49-3 régional, de nombreux projets durent être ajournés faute de majorité. Le nouveau mode de scrutin, inspiré de celui des élections municipales, a permis l’éclosion de majorités stables, à même de mettre en œuvre leurs programmes.

La sélection des grands leaders politiques nationaux par le tamis local ensuite. Auparavant, on obtenait un poids politique national par la grâce de l’exercice de fonctions ministérielles. C’est de moins en moins vrai. A gauche et à droite. Bertrand Delanoë, Jean-Marc Ayrault se sont imposés au niveau national par leurs responsabilités locales à Paris et Nantes. Idem pour Jean-Louis Borloo : son action à Valenciennes lui a ouvert les portes ministérielles.

L’échelon local émerge de plus en plus comme laboratoire d’innovation, de gouvernance, comme source d’inspiration pour l’élaboration d’un projet national. Le terme de démocratie participative s’est affirmé dans le débat politique par ce biais.

Dernier point enfin : le profond renouvellement du personnel politique local effectué à l’occasion de ce scrutin. L’ampleur de la victoire de la gauche a ouvert la porte des différents hémicycles à des figures nouvelles : militants associatifs, syndicaux, chômeurs, et, last but not least, une miss France (bienheureuse Picardie !). La parité a joué un rôle : les femmes constituent 47,6 % des élus contre 27,5% en 1998. La moindre représentation de « professionnels de la politique » dans les nouveaux conseillers régionaux aidera, gageons-le, à une appropriation du cadre local.

Et les citoyens ? Là aussi le changement est amorcé. Depuis de nombreuses années les associations fleurissent sur des problématiques locales : mobilisation contre telle ou telle réhabilitation de quartier, propositions alternatives. L’élu tout puissant, adoubé par l’élection, ne peut plus tout faire, n’est plus Léviathan. La concertation, le dialogue, le « faire avec » sont désormais indispensables. Un mandat n’est plus un blanc-seing. La réaction de la coordination des intermittents, par la voix d’un de ses porte-parole Samuel Churin, au lendemain des élections, est à cet égard significative : « on va demander aux présidents de région de prendre position sur le régime des intermittents et sur les chômeurs qui ont perdu leurs indemnités » 2. Cette réaction faisait suite à une déclaration de François Hollande, lors de la conférence de presse du 25 février de la coordination à l’Assemblée nationale, où le dirigeant socialiste se félicitait que les intermittents appellent les élus à s’engager.

Résumons : investissement politique renforcé, implication plus forte des citoyens. Les collectivités locales seraient, au final, les grandes gagnantes de ce vote pour des enjeux nationaux ? Exit Potemkine et ses villages donc : fin du théâtre faisant du cadre étatique l’unique lieu de négociation, d’investissement, l’unique lieu de décision politique ? La question est en tout cas posée et c’est déjà une avancée considérable…



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1 / Etude Insee, fin 2002.

2 / Le Monde, 1er avril 2004.


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